La conférence (sur invitation) dans le grand salon de la Mairie de Bayonne fut introduite par Me Jean-René Etchegaray, Maire et Président de la Communauté d’agglomération Pays Basque par quelques mots.
« Bayonne est un carrefour de religions, de présences et de traditions religieuses distinctes. Elles concourent à la vie sociale d’une communauté et la rencontre de ce soir permet de donner visage et de témoigner de cette histoire ancrée dans la vie même de la cité ».
- L’exposé juridique sur la laïcité à la française fut donné par un universitaire dans la version didactique et pédagogique d’une histoire bien française d’un vivre ensemble évolutif au fil du temps, commencé dès l’ancien régime et développé depuis la révolution française dans son déroulé juridique maintes fois revu et revisité par le législateur.
- Le Grand rabbin Korsia releva que « la laïcité est et demeure le rapport qui unit et non divise la diversité des traditions religieuses existant sur le sol national, et rejette toute volonté de séparation entrevue du principe du sujet. La laïcité rassemble, réunit et ajoute à l’espace public de la nation la volonté républicaine - res-publica - de les adjoindre et non de diviser le pays par ses propres traditions religieuses ».
La France - fille aînée de l’église fut à l’origine comprise comme France - Fils aîné de l’église, donnant une autonomie propre de pensée et de vie à la communauté nationale, que Lacordaire engagea en son temps dans une traduction différenciée de sa naissance.
- François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante de France, distingua à dessein trois temps successifs à l’historique de la laïcité à la française.
La définition de sa singularité première, le temps de la séparation des Eglises et de l’Etat, et depuis peu une tentative de déstructurer l’édifice bâti de la laïcité au fil des siècles par une volonté d’éradiquer de l’espace public l’existence même des religions au nom d’une laïcité d’exclusion ou de neutralité religieuse, à terme négation de la laïcité proprement dite. Somme toute une forme de religion laïque nouvelle fondée sur des bases de rejet de l’histoire passée de la nation en France.
- Mohamed Moussaoui, Président du Conseil français du culte musulman, releva la laïcité de principe et des applications de cette pratique en faveur de l’érection de lieux de culte à l’usage des croyants selon la constitution française de la liberté en exergue, au bénéfice de toutes les familles religieuses présentes sur le sol national.
- Le Père Marc Lambret, aumônier des parlementaires catholiques, développa le lien entre les trois attributs de la république, liberté, égalité, fraternité, selon lesquels l’espérance de la vie et du lien social prévalent aujourd’hui dans l’adhésion des fidèles pour le bien commun de la nation.
A ces trois cultes les plus anciens présents dans la nation - catholique, protestant et israélite – il convient désormais d’ajouter l’orthodoxie, troisième confession chrétienne, ainsi que l’islam dans cet espace commun d’un vivre ensemble partagé !
(Rédaction Baskulture)
Le sacré dans l'espace public ? La laïcité en continu... par l’abbé François-Xavier Esponde
Illustration directe de la laïcité en continu historique, le statut de l’église, sa propriété et ses libertés sont restées des questions ouvertes. Le colloque de mercredi dernier à la mairie ne parle pas de ce sujet, si important et se limite au droit, à l’application de principes de la laicité à la française.
Les questions de sa récurrence actuelle demeurent.
L’église est-elle un lieu sacré, les objets cultuels ou le patrimoine historique du site sont-ils qualifiables comme tels ?
A l’origine de la définition antique de cet espace religieux, on cite Balaï le Syrien dès le Vème siècle consacrant une église d’Alep : “Cette demeure n’est pas une simple maison mais le ciel sur la terre car elle contient le Seigneur. Si tu veux le scruter il est tout entier dans les hauteurs, mais si tu le cherches, il est entièrement présent sur terre.
Si tu t’efforces de le saisir, il t’échappe par sa transcendance, mais si tu l’aimes, il est tout près de toi. Si tu l’étudies, il est au ciel mais si tu crois en lui, il est dans le sanctuaire. Et pour qu’il reste avec nous, les hommes de la terre, nous lui avons construit une demeure, nous avons dressé l’autel, table où l’Eglise mange la vie”.
Selon le Droit Canon ces lieux sacrés sont définis comme ceux qui sont destinés au culte divin ou à la sépulture des fidèles par la dédicace ou la bénédiction que prescrivent à cet effet les livres liturgiques. Canon 1205.
“Pour chaque église une cérémonie particulière est prévue par l’évêque diocésain. Ceci qualifie le sacré comme une catégorie anthropologique commune à toutes les religions avec laquelle la Bible nous amène à prendre une certaine distance, selon la sainteté requise préférée à la sacralité des biens concernés.”
Lors de la consécration du lieu une aspersion a lieu sur les fidèles, sur les murs de l’édifice. Puis après la liturgie de la parole suit une onction d’huile sainte sur les douze piliers, et sur l’autel, comme pour tout baptême, et la messe est célébrée sur l’autel du sanctuaire.
Jusqu’au IVème siècle, disent les historiens des premiers siècles, la célébration de la messe y tenait lieu de consécration pour les premiers lieux de culte construits à cet usage. Bien précédemment les réunions se faisant au domicile des croyants, “la consécration du lieu renvoyait à la sainteté du peuple qui est le lieu même de la communauté des disciples se réunissant pour célébrer leur divin culte.”
Lorsque les premières églises furent admises dans l’espace public, après l’accord donné par l’Empereur Constantin accordant la liberté de culte aux chrétiens, ces derniers se tourneront vers le modèle profane des basiliques, ces édifices “païens” dédiés aux réunions publiques et non vers le modèle du temple de Jérusalem, réservé aux grands prêtres qui seuls pouvaient entrer dans le saint des saints.
On s’interroge encore. Y aurait-il dans une enceinte religieuse des parties ou des objets plus sacrés que d’autres ? Les canonistes confirment le caractère sacré du tabernacle, réserve eucharistique, et l’autel lieu du sacrifice considérés comme inviolables.
La Constitution concilaire Sacrosanctum Concilium précisera que “si le Seigneur est présent au plus haut point dans les sacrements, il l’est dans la parole, car c’est bien lui qui parle tandis qu’on lit dans l’église les Saintes Ecritures, et dans les psaumes - paragraphe 7”.
Augustin d’Hippone ajoutera : “si tu veux savoir ce qu’est le corps du christ, écoute l’apôtre dire aux fidèles. Vous êtes le corps du christ et ses membres, c’est votre mystère à vous qui est placé sur la table du Seigneur, c’est votre mystère que vous recevez” !
Dès lors, quand on détruit une statue, attente à la vie d’un fidèle et l’assassine, on touche le caractère sacré de l’espace, des personnes et la symbolique attachée au lieu en son essence et à sa vocation.
Vient le temps de qualifier ou non la profanation ou le sacrilège dans un tel lieu cultuel, selon le canon 1211 ? L’évêque du lieu est en droit d’en apprécier la gravité, de juger qu’il soit permis d’y célébrer à nouveau le culte tant que l’injure n’a pas été réparée.
Profanation ou sacrilège la nature du délit portant sur l’intention de l’auteur, le suivi de ces affaires donne lieu à des échanges entre canonistes et juristes du droit pénal et public, sur des affaires qui défrayent régulièrement l’actualité de tentatives d’incendies, de profanation de lieux de cultes, rarement évoqués comme sacrilèges mais comme atteintes aux biens publics des communes.
2 – L’histoire de la propriété de l’église
Elle a évolué au fil du temps de l’Ancien Régime et depuis la Révolution en France.
Au Moyen Age on ne parlait pas de propriété mais d’administration, ou de garde des biens ecclésiastiques confiés au Roi, gardien des églises et de son royaume.La Révolution introduisit le Droit de propriété dans le Code Civil, car de tels édifices seront vendus dès le 2 novembre 1789 et rejoindront pour certains la propriété des Biens Nationaux. Une question toujours insoluble !
Ce patrimoine s’accordera-t-il un jour dans la réponse d’une appropriation privée ? Demeurant des propriétés publiques à la charge de l’Etat, des communes et des départements, leur statut juridique fut confirmé par Décret récent le 23 juillet 2011.
Dans le passé le Concordat de 1801 avait placé, les églises, les presbytères, les biens paroissiaux à la disposition de l’Evêque en son diocèse. “Pas moins de 60 000 églises et chapelles, 30 000 presbytères, évêchés, grands et petits séminaires lui appartenaient.”
Mais comment les entretenir sur des revenus financés par qui, une fois nationalisés par l’Etat ? Deux Avis du Conseil d’Etat postérieurs confirmant la propriété communale de ces biens, le Concordat ne résolut guère la question.
A partir de 1802 dès lors, les édifices de cultes reconnus, construits avant cette date jusqu’en 1905, seront affectés au régime des Propriétés des Etablissements Publics.
La propriété du sol emportant sur la propriété de dessus et de dessous, selon l’article 532 du CD, de tels biens rejoindront jusqu’à nos jours la propriété communale en chaque cas.
Les menses, les fabriques et les conseils presbytériaux relevant de la propriété des églises seules.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat décrétée en 1905 verra naître des Associations cultuelles suite à des polémiques tout d’abord mais oubliées au fil du temps dans les rapports Eglise/Etat, pacifiés depuis lors.
La solution d’une continuité pratique de ces espaces cultuels devenait celle du patrimoine de la mémoire, et de l’identité culturelle partagée par le maire et l’affectataire en son utilité.
On oublierait le débat sur les cloches, la sauvegarde de ces biens communaux, qui inspira l’article 52 du code des communes. Les cloches avaient une utilité civile et religieuse. Elles appelaient alors à l’heure des incendies la population, elles annonçaient les événements de la vie de la nation en temps de guerre, elles devenaient sentinelles de l’histoire communale !
Le dialogue engagé entre le maire et le curé, le pasteur ou le rabbin, emporta sur le titre de propriété lui même de “ces espaces inhabituels de la cité.”
Le maire ne disposait seul de droit de jouissance de l’église, seule une décision épiscopale pouvait décider de toute désaffectation, l’affectataire avait fonction d’assurer non le titre de quelque propriété, mais l’usage public du culte dans son église.
Une originalité française inconnue dans les pays avoisinants !
Viendra pour le temps qui suit la question de la propriété ou de la sauvegarde en date du 1er juillet 2006, de la protection historique des biens culturels sis dans une église : le mobilier, les chaises, l’orgue, comme de ceux ayant un intérêt pour l’histoire communale, l’art, l’archéologie, l’étude des sciences et la technique entretenus dans cet espace patrimonial unique pour le bien commun de la cité.
Des questions récentes revisiteront depuis lors la législation datée de 1905, le bénéfice du statut singulier selon le droit de la propriété des églises, du pouvoir de l’affectataire tenu à garantir le caractère cultuel du site. Le caractère sacré - bien que non formulé comme tel - de ces espaces cultuels prévaudra sur toute autre perspective et trouvera à nouveau lors des réunions culturelles ajoutées aux cultuelles, une nouvelle fonction publique au service du bien commun des administrés.
Après les cloches et les clochers, les toits classés par les monuments historiques, la disposition d’antennes de communication et de sécurité communale en projet, la perspective de production d’énergie solaire par les toitures de ces édifices, propriétés communales, ces initiatives créeront de nouvelles interrogations et des sujets de débats qui sont encore à venir !
NDLR : samedi 19 février à 14h30 à Bardos (cinéma municipal), assemblée paroissiale ouverte « au plus grand nombre d’habitants du Pays Charnégou » afin de permettre de mieux apprécier le regard que ces derniers, chrétiens ou pas, pratiquants ou non, posent sur l’Église.