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Religion
Bayonne centre ancien, patrimoine de la ville, et Viterbe, ville du premier conclave italien
Bayonne centre ancien, patrimoine de la ville, et Viterbe, ville du premier conclave italien

| François-Xavier Esponde 2730 mots

Bayonne centre ancien, patrimoine de la ville, et Viterbe, ville du premier conclave italien

1 - Le déroulé religieux de Bayonne

Une conférence vidéo s'est tenue à Glain sur "les monastères, couvents et abbayes sises à Bayonne" au cours du passé, depuis le XIIIème jusqu'au XVIIème siècle pour les plus anciennes.

Un lot de dix communautés religieuses, hommes et femmes, les hommes les plus nombreux au cours de ce temps écoulé... Trois intervenants ont introduit le sujet à l'aide de plans de la ville illustrés par la présence en 3 D de ces couvents en des espaces urbanisés depuis le XIXème siècle, suite à l'expulsion et la confiscation de ces biens religieux. 

Les plus anciens venus du monachisme égyptien par le relai de la vie bénédictine, inspirés par les couvents de la Haute-Egypte, Saint-Antoine, Saint-Paul, Sainte-Catherine, puis en Italie, Monte Cassino, Benoît, en Gaule Saint-Martin, puis les Augustins, les ordres hospitaliers, du côté de la gare, à Saint-Bernard (notre illustration de couverture), les hospitaliers de Saint-Jean, la présence à Cagnotte sur le territoire landais de l'une de ces communautés, la plus ancienne bénédictine connue.

On dénombre ainsi au fil du temps les augustins, les dominicains, les carmes, les bénédictins, les  franciscains, chez les hommes, et chez les femmes, les dames de saint Maur, les visitandines du coté du musée basque actuel, les carmélites, les ursulines à la gare actuelle les cisterciennes.

Certains ilots tel le quartier saint Esprit et saint Bernard furent des sites historiques et patrimoniaux du temps religieux. La présence du port, et des transferts de biens et de transhumances entre les deux rives, landaise et au sud bayonnaise, expliquerait-elle la cause ?

Les hypothèses de la présence si nombreuse des religieux en cette cité du sud du territoire demeurent. L'armée et les préoccupations du corps de ville pour éduquer les enfants, spécialement les jeunes filles dans ces couvents est une interrogation récurrente.

Les ordres hospitaliers anciens sont ils là pour soigner les malades et lesquels, ou pour accompagner encore les pélerins de saint Martin et ceux en route vers l'Espagne de Santiago de compostela ?

Ce quartier dit de saint esprit est révélateur d'une importante colonie humaine in situ ou en mouvement, mais vers quelle destination et en quelle vie sociale locale ? Bien des questionnements sont en attente de réponse.

Les ursulines pour le cas, institution scolaire prestigieuse sise en trois endroits différents avant d'occuper Largenté actuelle furent chassées par la Révolution française, expropriées, puis de retour en la ville. Qui les fit revenir ? Et pour quelles raisons ?

Rapporter des intentions ou des hypothèses plausibles ne semble correspondre à cette si longue promiscuité avec la ville depuis si longtemps !

Idem pour les visitandines, hospitalières au féminin, orphelinat, dispensaire, écoles et accueil de mères solitaires du passé, représentaient les missions reconnues à ces femmes bienfaisantes, d'alors. Les ordres charitables ont ainsi existé. D'aucuns penseraient à des instituts réservés aux nobles gens, aux bourgeois et peu au peuple pour le cas?

Les frères mineurs, dominicains, franciscains, puis encore plus tard les capucins furent logés dans la cité bayonnaise. Etrangement certains se suivent de quelques décennies entre eux, d'autres viennent après un départ, de quelles natures et pour quelles fonctions sont ils restés dans cette ville concentrée en peu de surface mais surpeuplée par sa démographie et ses remparts protégés ?

Sous des dénominations distinctes, cordeliers franciscains à saint André, jacobins dominicains à saint André du côté du musée Bonnat actuel, édifice du lycée technique Paul Bert de Bayonne construit sur le terrain du couvent dominicain ancien, le rapport séculier, régulier, civil et religieux, laïque et laïc se croisent, curieusement l'histoire fait du neuf avec l'ancien, et les anciens sujets inféodés deviennent les maitres souverains des sites religieux antérieurs. Mais de fait le passé n'efface le présent, ni le présent ne dissout ce passé patrimonial prestigieux en cette ville.

On sourit parfois à l'idée que de tels couvents aient pu ancrer l'histoire bayonnaise dans un terreau aussi dense de la vie spirituelle et de l'intelligence humaine. Privilège rare pour cette époque taxée de favoritisme et d'exclusive ! On prétend ainsi que ceux qui lors des expulsions des couvents au XX ème siècle plus tard encore, de ces religieux et religieuses, pressés d'occuper et d'acquérir les biens matériels, se retournèrent quelques décennies après pour leur demander de revenir.
Après 1830 disent nos témoins, les couvents ont disparu du paysage de la ville, la révolution, les ventes et les destructions, l'autorité publique acquit ces biens, pour l'armée, les écoles ou les hôpitaux, les maisons de retraite, parfois le feu et les saccages firent le reste.

Passionnant somme toute de revenir en arrière pour regarder en avant une historie fébrile, intime à cette ville de Bayonne à nulle autre pareille. Elle ne se suffit du quotidien et du routinier, son histoire est mobile, mouvante et réfléchie comme le patrimoine religieux qui lui appartient, mouvant et changeant comme fut le profil passé des abords de Nive Adour, soumis aux inondations imprévisibles, et aux influences venues d'ailleurs !

2 - Viterbe et son conclave passé dans l'histoire

En Italie la ville médiévale de Viterbe a gardé le charme disent les visiteurs du passé et de la religion chrétienne.

On y cite la rue des pèlerins,  la rue saint Antoine, la place de la mort et sainte Rose en septembre réunit la procession pieuse à sa mémoire de ce XIII ème siècle florissant en Italie.

Mais le récit savoureux le plus notable de ce passé s'est déroulé le 1 juin 1270 le jour de Pentecôte lorsque les portes de la ville sont fermées prestement par des soldats en armes qui tambourinaient sur des maisons basses de la ville les cardinaux réunis pour le conclave et les prient d'accélérer le rythme du temps en vue de l'élection papale. 

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Le conclave de Viterbe, le plus long de l'histoire ©
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Escortés par des hommes en armes, nos honorables éminences sont conduits au Palais des Papes de la ville où le pape Alexandre IV fuyant Rome a trouvé refuge. Le successeur de ce dernier Clément IV un français du nom de Gui Foulques est mort à Viterbe en novembre 1268 et nos 19 cardinaux électeurs réunis in situ se disputent en palabres interminables. 

L'église aux prises avec le saint empire romain germanique du temps sont en discorde sur des biens importants et ce depuis trois siècles, disent les historiens pour savoir qui est en mesure de détenir ce pouvoir suprême, Les papes reprochent aux empereurs leurs influences dans l'église pour disposer du pouvoir religieux au bénéfice de celui des princes et des évêques, relais de l'autorité impériale.

Au milieu du XIIème siècle le pape Alexandre III avait excommunié Frédéric Barberousse qui avait fait élire un antipape de celui du saint empire romain germanique. Sujet majeur de conflit entre le petit fils de Barberousse Frédéric II et le pape. Parmi ces factions deux protagonistes, les guelfes et les gibelins se disputent aprement. Les premiers sont le bras armé du pape, les seconds ceux de l'empereur. Le conclave n'a donc rien à envier à ceux qui pourraient tenter aujourd'hui cet exercice aventureux des influenceurs modernes.

Rien de commun entre Viterbe et la sixtine romaine. A Viterbe on est loin des 135 papabiles, seulement la vingtaine et des italiens pour la plupart issus des états pontificaux parfois légats ou héritiers des familles aristocratiques italiennes  et parmi eux quatre français guillaume de Bray, simon de Brion, Guy de Bourgogne, Pantaléon Anchier. Des noms assez peu latins en effet. et un anglais Giovanni de Toledo  et un cardinal hongrois, le premier de l'histoire, Istvan Blancsa. Mais un français manque à l'appel, Rodolphe de Chevrières , il est avec Louis IX en croisade à Tunis  où il mourra de la peste  en 1270.

Le capitaine du peuple illustre notable influent de la ville lit un parchemin Raniero Gatti prie avec autorité les cardinaux d'élire le pape au plus vite !

Un an et demi sans pape, le temps est long, les ambitions profilent et la patience souffre. Alors solution radicale sous clé," clausi cum clave", on boucle les éminences et les surveille jusqu'à la décision express requise. Cela des mois, les tensions persistent, chacun défend ses intérêts qui ne semblent être religieux exclusifs, On trouve trace des tentes érigés dans la salle commune pour le confort sommaire des cardinaux pour leur accorder quelque repos à l'italienne, sans doute sur des nattes à même le sol ou en profondeur ?

Les pressions ne suffisant, on met nos grandeurs au pain et à l'eau, un tant soit peu inhabituel en ce pays de vin, mais les divisions persistent. Les guelfes veulent un français, pour soutenir le prince angevin Charles d'Anjou, Ce dernier établi roi des deux Siciles, élu sénateur de Rome à perpétuité, cet homme a le pouvoir et exerce la terreur. Il a assuré son autorité en assassinant le jeune Conradin de Souabe de 16 ans, dernier héritier de la maison de Hohenstaufen avec l'aval du pape  Clément IV. On ne mesure en ce temps combien le pouvoir pontifical est et demeure un pouvoir militaire et national avec ses réseaux politiques et ses exclusives. Coté italien les familles influentes les Orsini et les Annibaldi ne semblent pas en reste, les jours passent et le pape n'est toujours pas désigné. Il n'y a ici de fumée blanche mais une attente fastidieuse et qui dure.

On raconte encore qu'un cardinal anglais impatient eut l'idée de faire découvrir le toit de l'édifice de pierre qui en ce mois de juin caniculaire italien pourrait inciter nos saintetés cardinalices à presser la décision. Mais toujours pas !

Un premier cardinal épuisé canoniste de son état, démissionne par ses 70 ans. N'oublions pas que ces cardinaux sont déjà anciens quinquagenaires, les anciens n'existent pas encore. Au final trois des 19 dont le hongrois ont succombé à trépas à Viterbe pendant ce conclave surhumain. On fit venir Charles d'Anjou avec le roi de France Philippe III sur place, dans le but de plaider l'élection d'un français mais destin du sort, il manque le cardinal giovanni de Toledo, anglais, reclus dans sa chambre. Il refuse de prendre part au conclave Le collège des votants est de 15 éminences et c'est par un conseil de six grands électeurs que le pape est désigné. Le cistercien français guy de Bourgogne est le seul électeur français,  il ne s'agit ni d'un cardinal ni d'un prêtre !

L'histoire est ainsi faite. Les pressions ont leurs limites extérieures. Elles retardent mais ne déterminent la décision finale. 

Le nouveau pontife Tebaldo Visconti est un archidiacre, devenu Grégoire X est un religieux ami du dominicain Thomas d'aquin Il est en froid avec son évêque de Liège il se trouve à Acre en croisade quand la main de dieu le désigne. Arrivé à Viterbe en février, il était connu pour entretenir avec la famille Polo célèbre aventurier vénitien des relations avec la chine et les mongols. Les Polos admis chez l'empereur chinois avaient reçu de ce dernier mission de demander au pape "l'envoi de cent docteurs de la foi", au pape, mais le conclave occupait pour l'heure ces hommes pressés d'en finir avec les questions en pourparlers continus.

"La pratique conclavée" va devenir la règle que les papes successifs vont instaurer comme Grégoire X publiant la bulle Ubi periculum qui fixe l'institution du conclave et évite les 1006 jours d'attente qu'il connut pour son cas.

Pie X supprime l'exclusive qui permettait à des Etats impériaux d'influencer le vote des cardinaux lors des conclaves. avec la constitution apostolique Commissum nobis en 1904. Le dit pape avait lui même bénéficié pour son élection de la clause d'exclusive  portée contre le cardinal italien Rampolla !

Pie XI élargit le temps entre les obsèques et le début du conclave pour permettre aux cardinaux américains de prendre le bateau pour rejoindre Rome. Pie XII fait brûler les notes écrites des papes pendant le temps de la guerre et après guerre. Point d'appareils d'enregistrement de la part du pape Jean XXIII et tous les cardinaux doivent être au préalable des évêques. Paul VI fixe l'age à 80 ans des votants et un collège de 120 est institué, dépassé depuis par François. La voix du cérémoniaire se fait entendre "extra omnes", née il y a 750 ans à Viterbe, pour isoler ce vote des pressions du monde, et la foi des influences des puissants ! Dans l'église les traditions ont la vie longue.

3 - Neuf conclaves de 1914 jusqu'en 2013

1914 au coeur d'une guerre proche Benoit XV pacifiste est élu après dix tours de scrutin, un italien du nom de Giacomo della Chiesa

1922 à la fin d'une tragique guerre sanguinaire et cruelle le moment est venu pour l'église de rechercher le compromis religieux qui fait défaut comme faisait défaut le compromis politique de ces années. Il se prénomme Pie XI et de son nom en italien Achille Ratti élu au 14 ème tour. Conservateurs et progressistes choisissent un homme de compromis.

1939 un retour à la guerre, s'annonce déjà et le secrétaire d'Etat de Pie XI  est le successeur désigné pour le poste. Eugenio Pacelli s'est fait connaitre par une encyclique contre le nazisme et par deux tours pour obtenir la majorité des deux tiers des voix, il est élu sous le nom de Pie XII.

1958,les guerres sont passées, le pape Pie XII est resté vingt ans sur le siège de Pierre, et las de cette longévité on aspire au renouveau. Mais qui donc après 11 scrutins, Angelo Roncalli nonce apostolique en Bulgarie et à Paris est élu contre toute attente, disent les commentaires. Il s'appellera Jean XXIII et cet homme considéré de transition va ouvrir le Concile Vatican II, la réforme catholique par excellence du siècle en cours.

L'homme est surprenant. Il étonne et séduit. Il est le pape pour qui les trois soutanes prévues pour le candidat désigné ne sont pas aux dimensions des couturières. La trop grande, la trop courte et la trop large ne revêtent l'homme dont les dimensions sont uniques comme son caractère !

Lors d'une réception diplomatique on raconte qu'une dame enveloppée comme lui le complimentant, il lui dit que tous deux avaient un même environnement séduisant et d'un charme exceptionnel ! Sans commentaire!

1963 L'italien Montini ou pape Paul VI est choisi pour apaiser les tensions nées de ce Concile Vatican II aux dimensions universelles. Le nombre des évêques a doublé dans le monde. L'église a cru. et Paul VI connait les rouages romains et ses acteurs pour achever le chantier du concile inachevé à la mort de Jean XXIII.

1978 les surprises arrivent encore. Un italien pour succéder encore à un autre italien. Albino Luciani  est élu au bout de 4 scrutins, le 26 aout 1978. Patriarche de Venise non attendu pour devenir pape mais la surprise est totale lorsqu'un mois après son élection il décède après 33 jours de pontificat.

1978 - deux fois donc, les prétendants se font connaitre, et les non italiens commencent encore à aiguiser leurs ambitions. Membres influents du Concile venus d'europe et du monde, des deux côtés du rideau de fer, le polonais Karol Wojtila est élu. Un polonais Pape ? La sidération après la surprise italienne ! Un polonais devant un anglais et un argentin. Présage de ce qui suivra

2005 le pontificat fut long et la fin du pape Jean Paul II éprouvante. Il faut selon les commentaires trouver une pause et choisir le successeur naturel du pape disparu. Ce sera donc le grand théologien Joseph Ratzinger au rayonnement intellectuel exceptionnel qui est choisi après quatre tours et le sentiment des électeurs cardinaux de lui témoigner une reconnaissance pour services rendus pendant le Concile.

2013 L'histoire ne s'écrit jamais à Rome sans surprise. Un jésuite argentin, d'origine italienne, fils de migrant exilé en Argentine est choisi Les parieurs ne l'ont pas choisi. On ne sait d'où il vient. On le dit venu d'Europe centrale ? Et pourtant sa mission et son autorité se sont exercées en Amérique du sud autour d'Aparecida mais venant peu à Rome se faire connaitre de ses pairs, il est pourtant le pape choisi par ces derniers au bout de cinq scrutins.

Que réserver l'Esprit Saint en 2025 en ce mois de Mai et de Marie pour les croyants ? On aimerait en savoir davantage toujours mais les voies du ciel sont dites impénétrables et les allées romaines au Vatican bien gardées. Attendre est une épreuve, espérer est dans l'air du temps, croire en la force de l'Esprit un acte de foi mais jusqu'à quand ?

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