1 – Paccard, une origine et une histoire.
Un nom, une adresse, une réputation et la société arbore depuis son origine en 1796 plus de 120 000 cloches réalisées à Sévrier en Savoie par les Paccard. Le bronze chauffé à 1200 ° C chaque jeudi, les visiteurs assistent à la coulée d’une lave orangée des cinq cloches quasi quotidiennement conçues, dans les ateliers de l’entreprise.
Il faut, diront les fondeurs, trois cloches pour en extraire la dernière. Le noyau définissant le vide, la fausse cloche sur laquelle sont placés les éléments décoratifs et la chape ou la partie extérieure du moule.
Une fois la coulée effectuée, suit l’accordage des sons de musique de chaque cloche.On travaille à l’oreille sur la fondamentale et les cinq harmoniques qui composent le timbre, car le métier est acoustique tout autant que technologique et l’agrément de la voix conjugue le mariage du métal et des sons. (Pour évocation, do, mi, sol, la pour le bourdon de la cathédrale de Bayonne élevé sur le clocher lors de sa restauration récente...) Une spécialité Paccard disent les créateurs.
Raconter les origines de la maison remonte à 1796. Dans un village de Quintal dans un secteur bordant le Lac d’Annecy, la Révolution française a commis ses dégats. Plus de cloches dans les clochers, ces dernières ayant servi à fabriquer des armes ou des canons. Plus de prêtre, plus de cloche ! Il faut rétablir les harmoniques des fonctions religieuses des églises.
Un jeune maire de 29 ans, Antoine Paccard, élu dans sa commune, décide de faire de la fonderie le métier de l’avenir pour alimenter en cloches, bourdons et carillons, les églises de France dilapidées par les révolutionnaires. Paccard décide d’assurer tout d’abord l’intendance et le suivi de restauration de l’église en Savoie. Un prêtre réfractaire - dit non assermenté -, se cache dans les ateliers de la maison. Recueilli par Antoine, le patriarche, la confiance partagée entre les deux hommes se fonde dans la foi et le génie du métier encore possible. Il allie de la sorte travail manuel et spirituel de la fonderie.
L’histoire de ces pionniers est à l’origine de ce métier bien français, savoyard et désormais universel, par le tintement des cloches du monde entier. Depuis lors, jusqu’à huit générations Paccard poursuivront le travail d’Antoine le patriarche, en déplaçant l’atelier de la fonderie près de la gare d’Annecy d’où les cloches partiront dans toutes les directions via les chemins de fer. Et chaque cloche est baptisée d’un prénom, d’un nom de lieu ou de région du monde.
1891 est une date de la mémoire de l’entreprise. La « Savoyarde » est fondue et sera la plus grosse cloche de France - 18 835 kg – offerte par l’Archevêque de Chambéry à son homologue de Paris et destinée au Sacré Coeur de Montmartre. Pas moins de 18 chevaux attelés seront utilisés pour élever sur la colline de Montmartre le précieux objet de la basilique.
Paccard est désormais un nom, une voix, une réputation mondialement connue. Pour le professionnel, le son est la marque propre de son travail.
Du bourdon à la cloche et au carillon, la pluralité sonore engendre une création particulière de voix musicales qui personnalisent la demande des clientèles, car on aime l’objet mais on cherche à entendre son timbre singulier.
Le XXème siècle développe la diffusion des cloches Paccard dans le monde. Buglose dans les Landes installe le carillon de Notre-Dame : cette année, on fête le 4ème centenaire de la découverte de la statue de la Vierge de Buglose, origine de la construction de la basilique (voyez notre article).
En 1914, c’est la « Jeanne d’Arc », placée en la cathédrale de Rouen mais qui brûla lors du bombardement de la ville le 1er juin 1944.
En 1950, les Etats-Unis commandent 54 répliques de la « Liberty Bell », la cloche emblématique qui selon la légende avait sonné l’Indépendance de 1776, à savoir par une cloche pour chaque Etat.
Le Canada ne sera pas de reste avec les commandes de trois grosses cloches de 6, 10 et 19 tonnes..
Les Etats-Unis commanderont une nouvelle cloche de 33 tonnes battant en volée dite « Cloche de la Paix » qui sonna les douze coups de minuit lors du passage à l’An 2000, sur le sol américain !
À ce jour, il n’est de continent dans le monde qui ne soit doté des cloches Paccard. Leur confection continue et prend d’autres destinations.
Lors de la visite du pape Jean-Paul II en France, deux cloches lui furent offertes. La première prit le chemin de la Pologne, la seconde, celui du couvent de la Visitation à Annecy sous le nom de « Karol ». Et pour l’histoire, le Mont Valérien dispose d’une cloche silencieuse Paccard en hommage aux victimes de la guerre, plus d’un millier de noms des fusillés rapportés sur le manteau de l’oeuvre d’art...
2 – Musicalité des cloches
Chaque génération ayant son charisme propre, les cloches trouvent un profil original avec le concept Ars Sonora de musicalités nouvelles pour des places de communes, aux mélodies adaptées à ces espaces passants.
Au-delà de 2000, Paccard entreprend le virage numérique en vendant en ligne des cloches personnalisées. On aime en effet disposer de ces objets mythiques chez soi, pour ses besoins, ou son agrément. Et l’entreprise intègre toute la gamme des métiers de la cloche, du conseil à la conception du clocher, à la confection des cloches, et jusqu’aux systèmes électriques de commandes.
Le résultat est que 80 % des cloches fabriquées en France sont vendues à l’étranger.
Pour l’heure les artisans concentrent leur travail à la fonte de la plus grosse cloche jamais réalisée pour l’instant, encore confidentielle et qui retient l’attention de ces professionnels aguerris, en cours de labeur précautionneux. On découvre que le métier d’artisan se mue en production artistique, car le son des voix contenues dans les harmoniques sonores inspire le beau qui élève l’âme et rapproche les auditeurs vers l’Auteur invisible de ces mélodies.
“Si en Europe disent les Paccard on demande moins de cloches pour habiter les espaces religieux, le Vietnam et l’Asie réclament ces cloches de France, qui font entendre la voix de leur origine et se développent dans le continent”.
La huitième génération des Paccard ayant endossé le costume d’entreprise, les productions made in france, dans ce secteur ont de l’avenir si l’on en juge du talent acquis du métier authentiquement français qui sillonne le monde depuis son origine.
François-Xavier Esponde
Nota : les curieux pourront visiter www.paccard.com ou www.laboutiquedelacloche.com pour nourrir leur désir d’en savoir davantage encore !
Notre photo : le transport de « La Savoyarde » vers la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, où elle a été installée : la plus grosse cloche de France pèse plus de 18 tonnes !