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Patrimoine
Arts de la table au musée de la faïence de Samadet
Arts de la table au musée de la faïence de Samadet

| Anne de Miller-La Cerda 1327 mots

Arts de la table au musée de la faïence de Samadet

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Arts de la table à Samadet ©
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A un peu plus d'une centaine de kilomètres de Bayonne, dans les Landes sur la route d’Hagetmau, le musée de la porcelaine de Samadet apparaît comme une étape culturelle incontournable à découvrir.

Située sur l'axe Bordeaux-Pau, Samadet avec la présence locale d’une terre argileuse de qualité propice à la production de faïence et à proximité de l’Adour, non loin du port de Saint Sever comme voie de communication, présentaient un intérêt stratégique économique.
"Le métier de faïencier était considéré comme « noble » et attirait les anciennes familles qui se consacraient à cet art" avait expliqué le conservateur du musée basque Olivier Ribeton lors de l'exposition qu'il avait organisée en 2008 sur la faïence de Samadet  réunissant  180 pièces exceptionnelles de la collection du bayonnais Jacques Rouffet
En Chalosse, au Sud-Est des Landes, Charles Maurice du Bouzet (1660 - 1752), marquis de Roquépine, abbé commanditaire de Saint-Nicolas d'Angers et de la Haye-Montbazon, baron de Samadet, installa au début du XVIIIème siècle dans sa baronnie de Samadet une manufacture de faïences. 
Après de nombreuses tergiversations, l’abbé de Roquépine obtint l'autorisation royale ; aussi, le 25 mars 1732, le Conseil d'Etat accorda le privilège d’ouvrir une Manufacture royale de faïence à Samadet. Ce privilège sera reconduit en 1752, année du décès de l'abbé, et profitera à son héritier Louis d'Astorg. 

Une technique éprouvée

La faïence fait partie avec la poterie, le grès et la porcelaine, des quatre grandes familles de la céramique. La faïence se compose d'argile additionnée de sable et de calcaire, qui doit subir les opérations habituelles à toute pâte de céramique : lavage, pétrissage, façonnage à la main, et cuisson dans des fours, suivies d'un émaillage propre à la faïence. L’émail  composé d'un mélange à base d'oxyde de plomb et d'étain en proportions variables, est originairement blanc selon sa charge d'étain. 
On distingue deux modes essentiels d’application du décor : 
- soit sur de l’émail cru dit cuisson grand feu aux décors de préférence bleus  sur faïence de Samadet très prisés des bayonnais dans la seconde moitié du XVIIIème ;  
- soit sur de l’émail déjà cuit dit cuisson à petit feu qui permet une palette plus nuancée de rouges, roses et d’ors. La seconde technique était déjà employée en Perse au XIIIe siècle alors qu’elle n’apparaîtra en Europe qu’au XVIIe.
La fabrication de la faïence, moins ancienne que la porcelaine qui était née en Chine à l’époque Tang (début de l’ère chrétienne en Europe), est apparue au Moyen Age. Elle s’est répandue en Europe depuis l’Espagne et l'Italie, dont certaines pièces auraient transité par l’île de Majorque, stimulant les belles fabriques de « majolique » de Faenza, au XVème siècle, centre de production et de diffusion d'une céramique renommée dans toute l’Europe. Cette ville d’Italie a d’ailleurs donné son nom au mot « faïence » et suscité les rivalités entre les princes de la Renaissance ! 

Un développement régional

Le long de l’Adour, c’est vers le deuxième moitié du XVIIIème que la clientèle bayonnaise remplacera l’étain par la vaisselle de céramique de Samadet. La mode est à l’imitation des décors de lambrequins très fins aux fleurs chardon de la faïence de Rouen, aux dentelles et grotesques aux oiseaux façon Moustiers – bien antérieurs à l’époque de Samadet - où dominent les décors à base de bleu. La couleur verte olive anime plutôt les décors dits à la palombe ornementés de chinoiseries. Le rose manganèse serti de noir et la polychromie sont utilisés plus tard dans les bouquets composés de roses, d’œillets, de fleurs de pavot dont la composition est rehaussée d’un vol de papillons.

Personnage incontournable de la manufacture de Samadet, Daniel Le Pâtissier venu de la manufacture de Hustin à Bordeaux, sera nommé directeur par l’abbé de Roquépine. Daniel le Pâtissier développa la production aux détriments des artistes sous-payés et ne font que passer avant de regagner d’autres manufactures. Ces derniers n’avaient pas le droit de signer leurs œuvres. L’un des meilleurs peintres de Rouen, Pierre Chapelle est engagé en 1732, malheureusement ce denier rentra rapidement à Rouen suite au décès de son épouse l’année suivante. 
Après l'assassinat de Daniel Le Pâtissier en 1758, la manufacture fut dirigée par son neveu Simon Vauloger, et par son associé Jean Darbins qui fut à l'origine des camaïeux verts (1760-1790) à la palombe.
A la révolution, les décors de faïence Samadet peint de 1795 à 1810 par Jean Toumieu s’animèrent de personnages aux drapeaux polychromes. A cette époque la manufacture affronta difficilement la concurrence anglaise et autres manufactures de la région.
La baronnie et la faïencerie sont vendues en 1784 à Jean Dyzèz (Bayonne, 1740 - Paris, 1830), baron d'Ysès et de Brassempouy, conseiller au parlement de Navarre, puis fait comte d'Arène par Napoléon Ier. A partir de 1810, la faïencerie de Samadet ne produit plus que des pièces blanches aux poèmes de Jean Victor Darricau, ancien médecin militaire, pratiquement unique peintre-décorateur à avoir signé ses oeuvres. 

A la mort de Dyzèz en 1830, le bail de la fabrique est renouvelé en faveur d'Antoine Darricau. Le coût élevé des matières premières entraînera une baisse des salaires et le départ des peintres qualifiés. la manufacture royale de Samadet qui produisit durant 100 ans des faïences aux décors colorés ferma définitivement ses portes en 1838.
C’est seulement en 1968 qu’un Comité de la faïencerie composé d’habitants de Samadet fit renaître cette fabuleuse épopée en créant le musée de Samadet.
Passionnés par l’histoire de la faïence, les membres de cette association loi 1901, collectionnaient des pièces rares (huilier-vinaigrier le Cheval Cabré, les pichets, Epis de faîtage, fontaines de table…) et des pièces en série tels qu'assiettes, plats, cruches et vases dont chaque période se distinguait par une couleur dominante.
Situé dans un bâtiment contemporain offert par le Département, le musée de Samadet se compose principalement de trois grandes salles : celle liée à la manufacture, celle des faïences de Samadet disposant plus de 300 pièces présentées chronologiquement selon leur thématique ; l'histoire de la faïence de Samadet et celle des arts de la table.
Non loin d’un coin boutique, une quatrième salle réservée aux expositions annuelles temporaires propose à partir du 20 mai « une mise en bouche »  sur le thème : 
«  je mange donc je suis » explorant les facettes biologiques, culturelles et écologiques. 

Aujourd’hui, seule une artiste-décoratrice perpétue la mémoire des faïences de Samadet faites main et sur commande à l’atelier Muriel au coeur du bourg. 
A partir du 15 février, réouverture du Musée départemental de la faïence et des arts de la table.
2378 route d'Hagetmau à  Samadet 
05 58 79 13 00 
Ouverture  14h– 18h - Fermé le lundi, les 1er mai, 1er novembre et 11 novembre. Possibilité de groupes de + de 10 personnes.

Légendes des illustrations
1/Huilier au cheval cabré Décor de grand feu polychrome.
Le porte huilier polychrome représente un cavalier à tricorne montant un cheval à la robe tachetée, portant un harnais marqué d'un cœur, entouré de deux corbeilles contenant les burettes anthropomorphes. La burette de l'huile représente un visage de femme portant un bijou en pendentif ; celle du vinaigre montre un visage d'homme portant un coeur à son cou. Les bouchons sont en forme de chapeau. C'est en regardant l'arrière de la pièce que l'on s'aperçoit que le cheval, ployant sur ses jarrets, est cabré. 

2/Terrine en forme de melon, manufacture royale de Samadet, XVIIIème siècle
Terrine couverte en forme de melon côtelée avec des anses en forme de feuillage. Décor polychrome de bouquets de roses fines épinées avec des oeillets et un papillon. Faïence créée dans la Manufacture royale de faïence de Samadet, en 1760-1800 Dim : h 18,5 cm x long 27,4 cm x larg 16 cm . Collection du Musée départemental de la faïence et des arts de la table. 

3/Plat en camaïeu vert à la palombe produit à la manufacture royale de Samadet 

4/ Ecritoire
Décor de grand feu polychrome H. 9 cm. P. 27 cm. L. 24 cm.
Cette pièce porte l'inscription : "Victor Darricau / A Samadet 1829", du nom du dernier peintre de la Manufacture. 

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Terrine SAMADET ©
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Plat camaïeu vert à la palombe ©
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Ecritoire Jean Victor Darricau.jpg
Ecritoire Victor Jean Darricau.jpg ©
Ecritoire Jean Victor Darricau.jpg

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