Karim D. (Rabah Nait Oufella) est l’unique invité d’une émission littéraire sur un plateau de télévision. C’est un jeune homme charmant issu des quartiers défavorisés de la banlieue est parisienne, de l’autre côté du périphérique. Tout semble lui réussir. Son premier livre, salué par la critique unanime, est édité par une prestigieuse maison d’édition de la place de Paris. Très sollicité, il choisit de se rendre à la fête prévue par son éditrice Louise de Blossière (Hélène Alexandridis). Il reçoit sans cesse sur son portable des messages d’encouragement, d’affection, de remerciement pour son premier ouvrage.
Soudain, en pleine fête, la réception d’un message le fige ; il est suivi d’un flot de tweets qui apparaissent sur son écran : ils sont immondes, injurieux, homophobes, antisémites, etc. Ils sont signés d’un pseudonyme « Arthur Rambo ». Déjà alertée, abasourdie par la nouvelle, l’éditrice le convoque dans son bureau en présence de son avocat et de sa directrice de la communication. Son ami attaché de presse, Nicolas (Antoine Reinartz) est également présent.
Devant ce cénacle sidéré, Karim reconnait sans peine être l’auteur de ces tweets injurieux qu’il a rédigés il y quelques années ? C’était une « posture punk », sans conséquences, puisque qu’il y disait n’importe quoi pour avoir un maximum de followers : « Il n’y a rien de grave, j’ai 200.000 followers et personne ne m’a jamais rien objecté ».
Karim minimise l’impact de ses anciens tweets sur sa jeune carrière d’écrivain … Mais les réseaux sociaux s’enflamment contre lui et donc contre Arthur Rambo son double odieux …
Depuis son premier long métrage (Ressources humaines – 2000) sur les drames générés par des licenciements, Laurent Cantet a toujours été attiré par les faits sociaux inhérents à notre société complexe : L’Emploi du temps (2011) sur la fascinante « affaire Jean-Claude Romand », Entre les murs (2008) sur le quotidien d’une classe d’adolescents (Palme d’or au Festival de Cannes 2008). Son huitième opus ne déroge pas par sa méthode qui consiste à disséquer, sans juger, des faits ou ici un comportement troublant : comment un jeune écrivain doué Karim a t-il pu écrire des monstruosités dans un passé récent. Comment expliciter un tel grand écart de langage si préjudiciable ?
Laurent Cantet et ses deux coscénaristes ont été inspirés par l’affaire Mehdi Meklat, blogueur, réalisateur, écrivain, déclenchée, en février 2017, au lendemain d’un passage de l’écrivain à La Grande Librairie de François Busnel (France 5). Des tweets racistes, antisémites, homophobes, misogynes signés « Marcelin Deschamps » sont apparus sur les réseaux sociaux puis ont été repris dans la presse. L’affaire a pris une tournure violente, car par médias interposés, des intellectuels de tous bords se sont querellés pour ou contre le rédacteur de ces courts textes infâmes (140 caractères !), lequel finit par s’exiler quelques temps au … Japon !
Dans ces déclarations, Laurent Cantet affirme avoir voulu faire un « film de procès » à ceci près que Karim n’est à aucun moment jugé par une cour de justice mais par ses proches : son agent littéraire, son éditrice, ses amis et faux amis, sa mère (Makila Zerrouki) et même son petit frère Farid (Bilel Khammes). Tous posent la même question : « Pourquoi as-tu écrit ça ? ».
A travers cette triste histoire, construite en de courtes séquences et quelques plages de répit, l’on mesure la dangerosité des réseaux sociaux où, quelques clics, exercés par des anonymes volontaires masqués par leurs pseudos, peuvent vous sublimer ou vous détruire. A l’injonction de se justifier, Les réponses successives, plus ou moins adroites de Karim, prouvent un trait de la personnalité humaine : nous avons tous une part d’ombre ... qu’il est préférable de murer. A cet égard, citons la formule d’André Malraux : « Pour l’essentiel, l’homme est ce qu’il cache : un misérable petit tas de secrets ».
Arthur Rambo a été présenté dans la sélection officielle au Festival International de San Sébastian 2021.