Ces samedi 14 décembre à 20h et dimanche 15 décembre à 16h, la compagnie "Halha de Nadau" se produira au Théâtre Quintaou d’Anglet (1 allée de Quintaou). Il s’agit d’une pastorale de Noël en langue gasconne, organisée par Aci Gasconha et l'Académie gascoune de Bayonne où 150 choristes, danseurs, acteurs, "de halha en halha", de flamme en flamme, se mobilisent pour affronter les armées du roi Hérode…
150 choristes, danseurs, acteurs, "de halha en halha", de flamme en flamme, se mobilisent pour affronter les armées du roi Hérode, dont le terrifiant Ramponeau de la mythologie gasconne, et sauver ainsi la "Fête gasconne de Noël".
La Sainte Famille, grâce aux Gascons du Bas-Adour conduits par les Rois Mages et l'étoile du Berger, fuyait la jalousie du roi Hérode...
Trois héros arrivent séparément à Saint-Esprit de Bayonne, au bout du pont, depuis la mer, depuis le fleuve, depuis la montagne. Ils cherchent la Sainte Famille. Ils rencontrent et visitent les marqueurs de la civilisation gasconne, comme le rugby, la course landaise, les chants et les danses, la forêt et les barthes…
Tarif plein avec livret : 16 € / Tarif réduit avec livret : 11 € (moins de 18 ans) / Gratuit pour les moins de 10 ans / Placement numéroté.
Billetterie en ligne et à l'Office de Tourisme et de Loisirs des Cinq Cantons (dans la limite des places disponibles).
Fanny Chatelain est chef de chœur de la Pastorale et Alain Muñoz, son scénariste.
Fanny Châtelain se forme à la polyphonie traditionnelle occitane au Conservatoire occitan de Toulouse.
Elle crée le trio de polyphonies traditionnelles gasconnes "Las Mondinas" en 2008 et dirigera plusieurs ensembles de polyphonies traditionnelles durant une dizaine d’année à Toulouse. Aujourd’hui, elle est régulièrement amenée à animer des master-class et des stages.
Après avoir découvert les pastorales béarnaises il y a une trentaine d'années, Alain Muñoz, professeur de théâtre et docteur en histoire, s'est intéressé à leur origine qui diffère de la pastorale basque en ce qu'elle n'a pas de "mise en scène militaire".
Noël gascon : aguilhonèrs, halhes et pastorala de Nadau
Dans un esprit semblable aux bûches de Noël ou « gabonzuzi » qu’on brûlait dans le foyer de la cheminée, les Gascons allumaient aussi leurs « halhes de Nadau ». Les habitants de Capbreton, pour décourager les pillards normands tentés par l’estuaire de l’Adour, auraient allumé un grand feu Torrèle, devant lequel, ombres mouvantes , ils passèrent et repassèrent sans cesse, faisant croire à un nombre impressionnant de défenseurs. Si les Normands les épargnèrent peut-être, ils n’en remontèrent pas moins l’Adour pour piller Bayonne et décapiter son saint évêque Léon !
Quant aux pastorales de Noël gasconnes, je me souviens qu’une « Pastorala de Nadau » avait été jouée il y a quelques années à l’église Sainte-Croix de Bayonne. Les organisateurs s’étaient inspirés d’une pastorale jouée à Noël dans une église en Bigorre vers 1850. On en trouve trace dans le recueil « Littérature populaire de Gascogne » publié par Cénac Moncaut.
Bien que semblables dans leur esprit à leurs équivalentes souletines, les pastorales gasconnes recèlent également une très vieille tradition de chants de Noël.
Ainsi Cénac Moncaut indique-t-il les dialogues chantés et les mouvements de personnages tels l’ange, les bergers, Joseph, Marie, les Rois Mages, ainsi que le décor, la mise en scène et l'ambiance sonore donnée par les instruments traditionnels, en particulier la flûte à trois trous parente de celles du Pays Basque, le violon et la cornemuse landaise ou « boha », très différente des autres cornemuses connues en France et dans d’autres pays.
Elle se rapproche curieusement de celles des pays slaves, parfois jusque dans les motifs géométriques xylographiés ou d’étain qui la décorent : une seule pièce de bois réunit deux tuyaux (l’un pour l’accompagnement, l’autre pour les mélodies) pourvus chacun d’une anche simple, s’apparentant à un type « clarinette double ».
Los aguilhonèrs son davant l’ostau…
Autre tradition ancienne, celle des aguilhonèrs rapportée il y a quelques années dans une « Lettre des Amis du Lac d'Hossegor ». Ressemblant aux rondes basques, les tournées des aguilhonèrs visitent pendant l'Avent des maisons du voisinage : les jeunes gens collectent des victuailles dont une partie sera partagée avec toute la communauté du village. Ces aguilhonèrs sont au nombre de trois à six jeunes gens, dont l'un porte une lanterne et un autre, si possible, conduit une âne qui transporte les aliments collectés. Serge Fourcade, qui a pratiqué cette tradition dans les années 1920 à Labastide d'Armagnac, raconte qu'ils étaient alors plus nombreux, une bonne dizaine, et que l'âne était l'un d'entre eux vêtu d'une pelisse et chargé de porter les dons. Chacun a un bâton de marche. On peut voir dans cette troupe les rois mages, la lanterne représentant l'étoile. Les quatre samedis précédant les quatre dimanches de l'Avent, ils vont de maison en maison demandant en chantant des victuailles. On leur donne surtout des noix, des pommes, des œufs, de la farine, parfois de l'eau-de-vie. Quand ils en reçoivent, ils remercient toujours en chantant leur chanson, l'aguilhonèr, parfois accompagné d'une danse. L'un chante les distiques et les autres représentent la moitié de son chant ou uniquement le mot aguilhonèr. Le tour commence à la nuit tombée et peut durer jusqu'à une heure avancée. Il semblerait qu'ils parcourent quelques dizaines de km pour ratisser de grands. Il n'est pas rare qu'on leur offre une collation légère quand ils arrivent un peu tard dans une maison. Cette tournée permet aussi d'échanger un còp d'uelh avec une fille à marier. Parfois, ils tombent sur une autre troupe d'aguilhonèrs, et, là, c'est le bâton qui parle ! Car on est volontiers batalhaire en Gascogne. Le butin collecté servira à confectionner des pains à l'anis vert qui seront bénis et distribués à la messe de minuit. Le surplus permettra aux jeunes quêteurs de faire un joli réveillon.
Le dictionnaire de Simin Palay précise que cette coutume serait arrivée en Gascogne des pays d’outre-Loire par l’Agenais. Et l’abbé Monlezun, dans son Histoire de la Gascogne, ajoute que cet usage antique s’est étendu jusque dans le pays de Lectoure en se teintant de christianisme. Serge Fourcade note que la pratique serait originaire d’Angleterre et viendrait d’un ancien rite druidique. Le mot guilanneuf prononcé aussi guilaneu dans le nord est devenu chez nous guilounéou puis guilhonèr. Selon l’Audois Henri Boudet, le mot gascon aguillouné (graphie moderne) serait proche du mot celtique initial eguiouné composé de eguiou / ague : fièvre intermittente et nay / né qui veut dire non. Donc Aguillouné exprimerait les vertus du gui, en particulier dans sa capacité à guérir la fièvre intermittente. D’autres, enfin, font un rapprochement avec l’agulhada, bâton qui servait à faire avancer les bœufs dans les labours. Ce bâton est équipé d’une lame de fer pour nettoyer la charrue et, à l’autre extrémité, d’un aiguillon pour faire avancer l’attelage.
Quant à la chanson de l’Aguilhonèr, il en reste quelques textes composés d’un refrain qui demande de donner aux aguilhonèrs, et de couplets assez libres qui s’adaptent aux circonstances. Ces couplets sont pour les trois premiers très polis pour inciter à ouvrir la porte puis, selon la réaction des personnes de la maison, les couplets sont différents voire inventés sur le moment. Les premiers couplets flatteurs disent que les compagnons son arribèts sus la pòrta d’un Chivalièr o d’un Baron (sont arrivés sur la porte d’un Chevalier ou d’un Baron). Puis si la troupe est satisfaite des offrandes, le chanteur dira Bravas gens qu’avem trobat / L’aguilhonèr nos an donat (Des braves gens nous avons trouvé / L’aguillouné ils nous ont donné) ou encore Que Diu goarda la maison / Dambe las gens que deguens son. (Que Dieu garde la maison / Avec les gens qui sont dedans). Pour inciter à donner un peu plus, l’un ou l’autre peut amuser les enfants de la maison. Le chanteur peut dire : O se nse davatz un caulet / Poiré brostar lo borriquet (Ou si vous nous donniez un chou / Pourrait brouter le bourricot) et un autre de la troupe fait un saut périlleux.
Parfois, les jeunes gens se permettent des plaisanteries. Par exemple, quand l’homme est connu pour ses écarts, le chanteur peut dire : Diu vos donga astant de hilhs / Coma au chai i a de mosquilhs (Dieu vous donne autant de fils / Qu’au chai il y a de moucherons).
D’autres fois, c’étaient les gens de la maisonnée qui s’amusaient à faire attendre les jeunes. Et enfin, devant une porte close, les jeunes gens pouvaient insister Obrissetz-nos, per charité / nat deus cantaires n’es sorcièr / ni lop garon (Ouvrez-nous par charité / Aucun des chanteurs n’est sorcier / Ni loup garou). Ou témoigner leur désappointement en frappant du bâton sur les volets ou en chantant quelques couplets moins sympathiques : Se nos voletz arrenbalhar / Dens vòstes porrets iram cagar...
Cette pratique qui s’était perdue a été relancée en 1942 par le maréchal Pétain dans son opération « Retour à la terre ». Puis la pratique s’est peu à peu éteinte. Sous le nom de la guignolée, la tradition de collecte de dons au moment de Noël, pour des œuvres de bienfaisance, reste très vivante au Canada francophone.
En 2009, Thierry Truffaut avait créé le groupe de musique des Aguilhounés en lien avec l’école de musique locale pour faire revivre la tradition en accompagnant des jeunes et moins jeunes des villages de la région du Houga et visiter leurs voisins, le chant étant alors rythmé de musique traditionnelle gasconne. Leur refrain est : A l’approche de Noël / Les aguilhounés sont devant la maison / Pour vous souhaiter de bons Avents / A vous tous qui êtes dedans.