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Portrait
Amitiés littéraires : de plume, d’épée et de bonnes bouteilles, le romancier Hubert Monteilhet
Amitiés littéraires : de plume, d’épée et de bonnes bouteilles, le romancier Hubert Monteilhet

| Alexandre de La Cerda 1469 mots

Amitiés littéraires : de plume, d’épée et de bonnes bouteilles, le romancier Hubert Monteilhet

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Semaine de promotion de la littérature basque (février 1991) avec l’équipe du Virgin Mégastore de Bordeaux et le maire-adjoint de Saint-Sébastien, Gregorio Ordóñez ©
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Etxean, avec Hubert Monteilhet et Jacques de Cauna ©
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"Plaise au roi de me donner cent livres 
Pour acheter livres et vivres..."
quémandait déjà Clément Marot dans un quatrain qu'il adressait à François Ier, exigences comblées merveilleusement par la personnalité de l'écrivain dont je me plais à raviver ici la mémoire.
Déjà deux ans qu'Hubert Monteilhet n'est plus ! Sa disparition avait attristé ses innombrables lecteurs dont je m'honore encore de compter parmi les plus assidus et les plus admiratifs.
Mon amitié avec lui datait de 1984, lorsque la bibliothèque municipale de Bayonne m'avait demandé de présenter en public et en sa présence (sous forme d'entretien) son nouveau roman « Néropolis » dont les nombreuses rééditions approchèrent le million d’exemplaires ! 
Nos chemins s'étaient dès lors fréquemment croisés, depuis nos escapades dans les provinces basques du Sud où je l'avais initié à la gastronomie et au vignoble de la Rioja, jusqu'aux Prix des Trois Couronnes que je lui avais conféré il y a une douzaine d'années pour « Choc en retour » (catégorie Prix du roman policier), en passant par cette mémorable semaine de promotion de la littérature basque que j'avais organisée en février 1991 au Virgin Mégastore de Bordeaux avec le Dr Jean Tavernier, alors président du Conseil régional d'Aquitaine, ainsi que mes chers amis le Pr Dimitri-Georges Lavroff, adjoint au maire de Bordeaux et président de l’Université de Bordeaux I, et le maire-adjoint de Saint-Sébastien, Gregorio Ordóñez...

Après son « Néropolis » et quelques autres chefs-d’œuvre traduits et produits sur petit ou grand écran, on retrouvait chez Hubert Monteilhet la veine de Dumas dans les aventures du jeune cadet gascon d’Espalungue ou celles du baron de Batz campées dans les stupéfiantes folies, plus souvent sanglantes que cocasses, de la révolution de 1789 « où tous les instincts se déchaînaient ensemble, toutes les utopies les plus démentes se donnaient libre cours, tous les vices s'exerçaient au nom même de la vertu ».
Dégainant aussi facilement sa plume de romancier que l’épée de polémiste ou la fourchette du chroniqueur gastronomique, l’ancien professeur d’histoire, multirécidiviste des prix littéraires, pourfendit encore dans son roman noir « Arnaques » paru chez de Fallois les « canailleries » de l’éditeur peu scrupuleux d’un guide gastronomique « qui sortait naturellement après les autres pour s’en inspirer avec élégance, suivi d’une revue mensuelle où les restaurateurs étaient invités par des démarcheurs pleins de baratin à se payer des placards publicitaires dont on leur avait laissé croire qu’ils auraient d’heureux effets sur leur notation »… Des noms venaient irrésistiblement à l’esprit ! 

Un zélateur du vin de Bordeaux... et de certain "château Miller-La Cerda !

Romancier déjà célèbre dont les chroniques gastronomiques avaient marqué des années durant le journal « Sud Ouest », Hubert Monteilhet n’hésitait jamais à se muer en actif prosélyte du vin rouge de qualité, en particulier « le bordeaux qui, dégusté en quantité raisonnable (pas plus d’une demi-bouteille par jour), a les plus heureuses conséquences sur la santé ». Même le meilleur chablis ne trouvait pas grâce auprès de lui : « la Bourgogne - surtout pour les rouges, il est vrai – est un foutoir (…) les étiquettes sont brumeuses, on ne sait jamais trop qui fait quoi où, et la demande persistant à l’emporter sur l’offre, les prix sont dans l’ensemble injustifiés. Alors qu’en bordeaux, on sait toujours tôt ou tard qui a versé du Languedoc dans son appellation mal contrôlée »… 

Hubert Monteilhet appréciait ainsi mon vin château Miller La Cerda et m'avait beaucoup encouragé à mes débuts de vigneron : co-auteur avec Pierre Casamayor de « Vignes et vignerons du soleil » (de Fallois), il recommandait déjà ma cuvée 2004, « cet exemple de Merlot nerveux, structuré et original, qui a le tonus du Cabernet Sauvignon »

Lui-même fut qualifié de « dilettante industrieux qui travaille comme il mange, avec une sensualité inouïe, une gourmandise qui s'applique à la fois aux grimoires de la bibliothèque nationale et au rognon de veau »... C'est  mon vieil ami Jean-François Bège, à l'époque éditorialiste du quotidien régional « Sud Ouest », qui avait appliqué cette heureuse formule à Hubert Monteilhet... 
Pour ma part, je me rappellerai toujours certaine escapade à la nuit tombée aux palombières d'Etchalar où, en présence d'exquis pâtés, le chroniqueur gastronomique attitré de la presse régionale entreprit de m'expliquer le fonctionnement des trirèmes romaines et carthaginoises, tout comme il affectionnait les brillantes démonstrations, devant les plus grands chefs, de son incontestable talent culinaire en matière d'oeufs brouillés !
Car, en acharné de la véracité des faits et de l'exactitude du détail, l'ancien professeur d'histoire ne recula jamais devant les mois de recherches nécessaires à l'élaboration de ses romans et à la remarquable peinture de moeurs d'une société et d'une époque qu'il y enchâssait. D'ailleurs, au moment où il écrivait « Néropolis », Julliard, son éditeur, n'avait-il point consenti à lui allouer une rente pendant la durée de ses investigations ?

Crimes parfaits et meurtres à loisir

Mais c'est au genre policier qu'Hubert Monteilhet doit ses premiers succès et sa grande popularité, avec « Les mantes religieuses», couronnées en 1960 par le grand prix de littérature policière. Depuis lors, plus d'une oeuvre fut portée sur grand ou petit écran et, encore jusqu’à la fin de sa vie, Monteilhet produisit « crimes parfaits » et « meurtres à loisir »
Après une « Part des Anges » évaporée des alambics du Cognaçais, son appétit criminel dévorant le lança dans les milieux du golf avec « Une affaire d'honneur » dénouée au large de Saint-Jean-de-Luz, non sans quelque détour chez son voisin et ami Guérard à Eugénie-Les-Bains, où il était question d'un grand chef qui savait lire un bilan ou étudier la prospective comme il jouait du violon ou savait cuire des ortolans ! 
L'on croisait également dans ses romans des femmes du monde cyniques, de ces « femelles qui dévorent leurs maris », comme l'écrivait Vialatte àˆ propos de portraits féminins dont Monteilhet s'était, à juste titre, constitué une renommée ; un « concubénit » d'évêques modernistes en mal de médiatisation - réminiscence, sans doute, de ses études chez les Jésuites - ainsi que « le prétoire, la meilleure école du mensonge et du sang-froid », « les démocrates menteurs en peau de lapin » et « la diplomatie, le plus flatteur refuge des fils de famille sans grande envergure, au sein d'Affaires Etrangères traditionnellement livrées à des politiciens suspects »...
Dans la plupart de ses écrits, sans fausse pudeur, Monteilhet n'avait crainte d'analyser et d'exprimer nos plus intimes et inavouées pulsions, dans un langage parfois vert, mais exempt de cette vulgarité inutile qui parsème tant d'oeuvres désirant se hisser au goût du jour, lequel est farci de modes « imbéciles et dangereuses exerçant leurs ravages sur des esprits insuffisamment formés ».
Sa production importante (plus d’une cinquantaine ouvrages en soixante ans) était diversifiée (écrits touchant à la religion, à la philosophie, et un roman-fiction, « Les queues de Kallinaos », qui lui avait valu le prix de la littérature fantastique d'Avoriaz). 
Il s’était établi depuis de nombreuses années dans une maison de sa belle-famille à Garlin, près de Pau, où nous eûmes encore l'occasion de déboucher quelques bonnes bouteilles de mon cru. 

Les "Secrets de la cuisine basque"

Et je ne résiste pas de reproduire ici la belle postface qu'Hubert Monteilhet rédigea pour la quatrième de couverture de la réédition de mon ouvrage "Les Secrets de la cuisine basque" paru chez Atlantica :

Pourquoi la cuisine basque est-elle devenue en un siècle une des meilleures d'Europe ?

Il est une raison géographique et climatique. Le verdoyant Pays Basque ouvre sur l'Atlantique et jouit d'un climat tempéré et assez pluvieux pour favoriser un élevage de qualité et la venue de légumes et de fruits pleins de nuances exquises. Et la mer complète à merveille les ressources des campagnes. Le Basque est un paysan-marin.
On sait qu'il n'est point de bonne cuisine sans bons produits, et ce qui frappe tout d'abord, au Pays Basque, tant sur les marchés que dans les restaurants, c'est la beauté, l'authenticité, la fraîcheur des produits.

Mais à la géographie et au climat s'ajoutent des raisons humaines. Dans un pays de montagnes ou de collines, que sa langue rendait imperméable aux étrangers, les Basques ont tout naturellement conservé une foule de recettes locales longuement mûries et expérimentées par les maîtresses de maison qui régnaient sans conteste sur les fermes. Et les sociétés gastronomiques masculines ont encore ajouté à ce trésor.
Enfin, beaucoup de cuisiniers basques sont venus s'instruire dans de grandes brigades françaises afin d'y recueillir des idées et des élégances nouvelles.
Il en résulte aujourd'hui une cuisine idéale, toute consacrée au respect et à l'exaltation du produit, une cuisine de simplicité et de finesse que vous découvrirez dans ce livre d'Alexandre de La Cerda, approche culinaire recouvrant bien toute la réalité régionale, des deux côtés d'une frontière assez artificielle que les habitants ont sans cesse franchie sans passeport avec leurs mulets.

C'était toujours pour moi un grand plaisir que de visiter les hospitalières provinces basques en sa compagnie, et je distingue à chaque page dans son passionnant essai toutes ses patriotiques compétences.

Hubert Monteilhet

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Avec mes amis Hubert Monteilhet et Jean-Pierre Alaux au Salon du livre de Biarritz (S.O., juillet 2006) ©
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