Voilà déjà quelques mois que la belle église Saint-Pierre s’était débarrassée de ses échafaudages, et que le cimetière l’entourant avait revêtu un aspect « paysager » d’une belle esthétique : ces importantes rénovations auraient dû être inaugurées très prochainement, mais la cérémonie a été reportée à une date ultérieure en raison du « confinement sanitaire » auquel est soumis tout le pays !
Or l’arrivée à la tête de Béguios d’une nouvelle équipe municipale essentiellement constituée de jeunes il y a sept ans avait déjà donné un véritable coup de fouet au village bas-navarrais : à la restauration de la mairie (enclenchée déjà par la municipalité précédente d’Auger Pochelu), bel édifice du XIXème siècle avec ses deux logements rénovés, et un nouveau bâtiment dont les salles profitent aux associations du village ; la réfection du trinquet, l’enfouissement du réseau électrique du bourg (actuellement en train) ; et la transformation des maisons « Serrorateia » et « Apez Etxea » afin d’y créer des logements locatifs, s’ajoute désormais la restauration de son beau patrimoine religieux. Et les Behauztar peuvent ainsi admirer leur église dont l’intérieur avait été remarquablement rénové, en particulier les peintures, grâce au don très important d’un membre d’une famille connue (dans la restauration gastronomique et la pelote) du village, complété par les travaux supplémentaires non facturés des artisans locaux.
C'est désormais l’extérieur de l’édifice religieux qui brille de tous ses feux, en particulier les beaux vitraux dont la réfection a été confiée à un excellent spécialiste en la matière, Henri Chaudron, déjà à l’œuvre à la chapelle de l’île de Bérens sur l’Adour. Choisi à la suite de l’appel d'offre lancé par la commune, il a recerclé les vitraux : "le réseau de plomb est au vitrail ce que le squelette est au corps humain, après 100 ans d'existence, il s'affaiblit, se casse et finit par laisser se dessertir les pièces de verre... La remise en plomb des vitraux est une opération incontournable, passé le délais de 100 ans ». Beaucoup d’entreprises locales ont travaillé à la restauration de l’édifice, en particulier Clédon pour le gros-œuvre, Gariador pour la serrurerie, Laby pour la charpente, la couverture et la zinguerie, Oyhamburu pour les enduits, sans oublier la peinture, les échafaudages, etc., pour un budget de 285.000 Euros H.T., dont 140.000 ont été couverts par des subventions provenant de l’État, du Département et de la Réserve parlementaire (faculté de financement hélas supprimée depuis lors) du sénateur Max Brisson.
L’artisan de cette magnifique restauration est le jeune maire de Béguios, Didier Irigoin, récemment réélu : pour lui, « le patrimoine est d’une importance capitale, c’est ce qui a été laissé par nos ancêtres, il serait impensable de ne pas l’entretenir et il y a suffisamment de biens à préserver avant de construire du neuf » ! Il ne supporte pas « une maison à l’abandon, un tas de pierres, alors que des gens s’étaient escrimés à la bâtir. Et d’autant plus le patrimoine religieux »… Car à toutes ses qualités de gestionnaire municipal (il occupe par ailleurs un poste important dans un grand groupe bancaire), Didier Irigoin joint son talent de musicien : il accompagne volontiers la messe à l’harmonium de l’église et il a créé en 1995 la chorale Aïroski en la hissant à un haut niveau musical ; elle a été réunie depuis lors avec l’ensemble Burgaintzi pour former Kantuka, choeur mixte issu de 17 villages amikuztar. Car ses parents l’avaient déjà inscrit – très jeune – à l’école de musique de Saint-Palais où il avait reçu une formation à l’accordéon. Quant à l’idée de créer une chorale, elle lui était venue à l’origine afin d’accompagner les célébrations religieuses et il a suivi les cours d'art choral de Laetitia Casabianca au Conservatoire régional de Bayonne.
Les « putti » de Saint-Pierre
Déjà rénovée en 1830 pour les parties hautes du clocher, des baies et du chevet, l’église Saint-Pierre de Béguios possède un magnifique retable en bois sculpté polychrome et doré. Inscrit il y a quelques années à l’inventaire supplémentaire des objets classés, on peut le dater de la fin du XVIIème siècle en raison de ses colonnes torsadées parcourues, pour quatre d'entre elles, par des « putti », ces sculptures d’angelots joufflus – et volontiers moqueurs - inspirés de l'art de la Grèce antique et diffusés via le baroque italien. Leur usage avait été interdit dès 1705 par Mgr Révol, évêque d’Oloron, qui les trouvait d’une apparence trop « païenne ». Quant aux colonnes centrales de ce retable, elles portent des anges qui paraissent gratter des instruments à cordes disparus ; de part et d'autre du tabernacle, des panneaux sculptés en plein relief représentent des scènes de l'Ancien Testament alors que d’autres, ornées d'un ange à chaque extrémité, font alterner des motifs floraux et les évangélistes. Le décor du plafond a été peint à la fin du XIXème siècle par les ateliers Montaut d'Oloron et Decrept de Bayonne. De cette époque date la belle chaire à prêcher ; perchée sur colonne en bois sculpté, elle est due à Saint-Jean Duhau, qui avait également œuvré au château voisin de Sumberraute et dans diverses églises du Pays Basque. Son petit-fils, l’ébéniste Frantxoa Daguerre, exerce encore ce métier à Béguios.
Cette paroisse devait jouir d’une certaine importance dès le XVIème siècle comme on le voit dans le recensement des « Hommes d’armes qui sont dans le présent royaume de Navarre d’en deçà les ports » établi sous le roi de Navarre Henri II d’Albret après la guerre d’annexion de la Navarre par les Espagnols (1512-1530). Et sa cure jouir d’une certaine notoriété : l'historien basque, juriste et écrivain humaniste Arnaud d’Oihenart (qui habitait à la Salle d’Erdoy à Saint-Palais) n’avait-il pas requis l’appui de la veuve de François de Montmorency, comte de Luxe, pour présenter son fils à la cure de Béguios en 1651 ? Par ailleurs, on a conservé une intéressante correspondance de Jean-Baptiste Bidegaray, vicaire de Béguios (1797-1801) avec Mgr de La Neuville, l’évêque de Dax qui avait dû s’exiler sous la révolution de 1789.
Légendes : L’église Saint-Pierre, débarrassée de ses échafaudages et Didier Irigoin à l’harmonium de l’église