1 – Cinquante un symbole religieux prégnant.
Les religions suivent un déroulé du temps qui ne se prête à l’improvisation ni laisse planer le caractère daté affirmé de ces choix.
Cinquante jours de carême ont pu préparer la Pâque selon la tradition juive héritée de la Torah. Comprenez Pessah.
Cinquante jours encore s’ouvriront sur ces sept semaines complètes à partir de la pleine lune du printemps, vers cet avent de l’Esprit qui prit forme au fil du temps pour ce peuple de l’alliance avec l’Eternel, Béni soit son nom !
La transmission chrétienne issue du judaïsme a convié une troisième personne à celle du Père éternel et du Fils incarné, par l’Esprit saint, qui demeure l’objet de l’interprétation la plus complexe de l’alliance trinitaire, telle que transmise dans le credo du christianisme.
A l’origine “la Pentecôte” au terme de ces semaines mémorielles fut reliée à la tradition juive de Chavouot, ou des sept semaines après Pessah.
Une fête agraire de la moisson où le fidèle de l’éternel célèbre le fruit de son labeur, les semailles puis les récoltes rendues comme bénéfices de la transcendance divine acquise par le paysan et son travail de la terre.
On réservait donc à l’Eternel en son temple la part de sacrifice de la récolte d’orge obtenue pour fabriquer le pain et le vin, joindre les offrandes animales et les libations pour le gratifier de ses libéralités, et demander en retour la bénédiction des hommes et des animaux, leur santé et leur bienfaisance dans le commerce et les rapports entretenus par le fils d’Israël, par leur Dieu, en sa terre et pour son peuple.
Une relation somme toute conventionnelle qui lors de ce premier siècle de notre ère entretenait entre Fils d’israel et Frères de Jésus un rapport classique et convenu, faisant de cette fete de chavouot qui deviendra jour de pentecôte, un des trois grands pèlerinages annuels du croyant avec Pessah-Pâques et Souccot à Jérusalem.
L’histoire fera de cette corrélation à la nature les prémices d’un rapport à la loi divine et à la parole, nouveau, célébré par le don de la Torah à Moïse sur le Sinai, selon le choix reconnu par les pharisiens au cours du second siècle.
De la fête des semailles et des récoltes on fera de la parole divine la semence du verbe de Dieu qui inspire la parole des hommes et rend la relation spirituelle dense, riche et partagée par une foi commune d’essence divine.
Jusqu’au Second siècle il semblerait que les fidèles israélites et chrétiens entretinrent un culte proche et semblable a l’occasion de chavouot que rapporte le Livre des Actes des Apôtres selon le relaté de Luc disciple de Paul de Tarse.
Les synoptiques ne parlent pas de cette fête de pentecôte à la différence des Actes des Apôtres.
Le récit “des langues de feu” illuminant l’esprit des disciples, celui du vent insufflant leur esprit leur mission universelle acquis à toute les langues de la création, demeure un mystère de la foi. Renforçant l’unité des apôtres et leur donnant la force de l’esprit du ressuscité pour initier l’évangélisation dans et hors de la Palestine de leur terre de naissance.
L’annonce faite sur le Sinaï, la première fut le privilège d’Israël. La seconde alliance autour de la nuée et de langues de feu sur la tête des apôtres réunis à Pentecôte donne le mouvement universel de nouveaux disciples du ressuscité les premiers juifs pour la plupart puis goym - non juifs pour les suivants.
2 – Pentecôte chrétienne et Chavouot diffèrent.
Citant Jean l’évangéliste, au chapitre 15, 26 –27 “Quand sera venu le consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui vient du Père, il rendra témoignage de moi et vous aussi vous rendrez témoignage parce que vous êtes avec moi dès le commencement”.
Soufflant sur eux il leur dit, recevez l’Esprit saint, pardonnez les péchés à ceux qui vous le demandent, retenez les péchés à ceux qui refusent de recevoir le pardon...
Cette force de l’Esprit Saint ouvrira un horizon de la foi inédit vers un processus auquel Christ préparera les disciples, les invitant à faire partager à l’infini le pouvoir et le don de ses grâces divines, et à s’enrichir sans cesse de la force contenue dans cette troisième personne après son départ.
Le début d’une aventure de la foi commencée et les témoins de pentecôte habités par ce Don de l’esprit livreront leur vie durant au service de toutes langues, cultures et peuples du monde, reliant le message biblique du Sinaï le premier à ce lien avec l’universalité des lois mosaïques destinées des hommes de toutes origines de la terre.
L’esprit de pentecôte se prévaudra d’être le souffle nouveau de l’alliance et du partage, la pneuma grecque qui au fil de l’histoire de la philosophie hellène va enrichir de cette provenance biblique une pensée et une intelligence originale de la parole divine contenue dans la théologie patristiques orientale et grecque.
Dès le IVème siècle avec le Concile de Nicée 325,la troisième personne de la Trinité, l’Esprit qui unit le Père au Fils inspire et divise les fidèles par ce questionnement encore inachevé de la foi en ce voulant le comprendre, l’acquérir et l’expliquer aux croyants.
Jusqu’à Charlemagne lui même engagé par le sujet, ce dernier corrigera l’interprétation papale de -la tierce personne- ajoutant que le Saint Esprit procède du Fils comme il procède du Père, suivant en cela l’affirmation donnée par l’Eglise d’Espagne, et objet de commentaire et de division des fidèles sur ce sujet étant.
Les débats autour du Concile de Nicée- Constantinople en 325-381 sur le sujet sont tendus jusqu’en cette fin du IVème siècle où le pape Nicolas adoptera la nouvelle formulation du credo. Mais le sujet demeurant litigieux encore, le Schisme d’Orient de 1054 divisera les chrétiens à propos de la querelle du Filioque. “Il procède du Fils”, objet de réticence chez les orthodoxes vis à vis des catholiques, ajoute somme toute à des raisons théologiques des arguments plus prosaïques relatifs à l’exercice du pouvoir, et du savoir religieux sur l’église, à l’enjeu du sujet théologique en cause.
La question de la troisième personne de la foi trinitaire reste toujours et encore le sujet sensible de la théologie chrétienne.
De nouveaux courants évangéliques, pentecôtistes, entretiennent encore dans des églises du monde émergents, loin de nos vieilles chrétientés conventionnelles, ces regains effervescents de renouveau du Credo des chrétiens d’aujourd’hui.
Chaque époque de l’histoire de l’humanité fit une place singulière à la tierce personne de la Trinité.
Jusqu’au IVème siècle juifs et chrétiens issus de la même provenance et histoire religieuse semblaient partager cette foi commune.
La rencontre de l’Orient et de la philosophie grecque initia une réforme profonde du verbe, du langage et de la parole divine au service du message biblique. La philosophie au service de la théologie ouvrait des horizons inattendus et plus complexes que prévu.
Tertullien se vit obligé d’évoquer “l’espace de pentecôte”, un dimanche du printemps vers 200, donnant à cette manifestation de la tierce personne sa singulière présence dans la vie ecclésiale. Rome et Milan l’adopteront pour leur église locale dès 380.
Bien encore bien après le Concile Vatican II revisitera cette force de l’esprit vivifiant la foi des fidèles dans son texte et son interprétation.
Les Orthodoxes du monde considèrent Pentecôte comme l’une des douze fêtes les plus célébrées de la foi chrétienne de leurs églises
Demeure ce chant inspiré de la foi trinitaire -Veni Creator de son origine grégorienne- rapporté en toute célébration sacramentelle de la confirmation, de l’ordination, appel ininterrompu au souffle invisible, au feu immortel, à l’esprit indicible de cette force intérieure qui exprime une origine divine sans pouvoir en saisir toute sa dimension spirituelle.
Dans un temps encore récent lors de pentecôte on inondait le choeur de pétales de roses ou de fleurs du printemps, jetées à profusion pour symboliser cette fulgurance du feu de l’esprit et de la création par les fleurs issues de la renaissance du nouvel an.
Olivier Messiaen a composé à l’orgue la messe de pentecôte pour les mélomanes et spirituels sensibles à cette métamorphose liturgique de l’artiste interprétant la dimension trinitaire du Credo...
Coïncidence du calendrier, ce 5 juin prochain les juifs célébreront Chavouot, les chrétiens Pentecôte, un rapport à la vie et à l’esprit qui selon ces traditions proches, croisées ou distinctes s’apparentent à cette effusion spirituelle mystérieuse du printemps de toute vie.
Chavouot rapporté par le Livre de l’Exode et celui des Nombres se situe entre le 10 mai et le 13 juin chaque année suivant la nouvelle lune du printemps, variable et toujours disposée aux mouvements du cosmos, du firmament ou du ciel selon l’interprétation de ces signes qui nous observent et nous parlent !