En 1943, deux événements cinématographiques ont sensibilisé les Donapaleutars (habitants de Saint-Palais). En juin-juillet, un artiste aimé des Français vient tourner un film à Saint-Palais et environs : « Le Bossu » d’après Paul Féval. C’est Pierre Blanchar, dont la voix et la manière de parler sont si particulières. Il jouait le rôle de Lagardère.
Apprenant qu’il va tourner à Ostabat, le jeune Pierre Jean Etchegoyen (*) s’y rendit (à pied) avec son frère et un copain.
Il s’agissait de la scène au cours de laquelle Lagardère emportait à cheval la jeune Aurore de Nevers que les sbires du duc de Gonzague voulaient enlever.
Au cours de cette prise de vues, Pierre Blanchar était doublé par un ami, Philippe Duclos, excellent cavalier habitant à Luxe/Lukuze. Et c’est une autre amie, Maité Berrogain, également bonne cavalière, qui doublera l’actrice Yvonne Gaudeau (dans le rôle d’Aurore de Nevers) qui avait une peur panique des chevaux !
La scène se passait dans une rue d’Ostabat recouverte de galets. D’autres scènes seront tournées dans le vieux château féodal – en ruines – de Laxague à Asme, hameau rattaché à Ostabat. Seules, deux pièces y servaient de bergerie.
Pierre Jean Etchegoyen se rappelle que Pierre Blanchar avait invité le public présent à s’éloigner en précisant : « Je ne peux faire que deux essais de prises de vue, car les pellicules sont rationnées ».
Pierre Blanchar, de son vrai nom Gustave Pierre Blanchard, né en 1892 à Philippeville (Algérie), et mort en 1963 à Suresnes, avait joué dans de nombreuses pièces de théâtre et tourné beaucoup de films, en particulier « Crime et Châtiment » de Pierre Chenal qui lui avait valu la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine en 1935 à la Mostra de Venise pour son rôle de Raskolnikov, et « La Symphonie pastorale » de Jean Delannoy, aux côtés de Michèle Morgan, Palme d'or au festival de Cannes en 1946. C’est également Jean Delannoy qui réalisa « Le Bossu », tourné en partie au Pays Basque en 1943 ainsi que sous les bombardements au Studio Audio-Cinéma aux Buttes-Chaumont, et qui fut très apprécié par le public lorsqu’il sortit en 1944, entre autre grâce à Blanchar qui y campe « un Lagardère mystérieux, envoûtant, mélancolique, qui tranche sur les ferrailleurs habituels par sa finesse ».
Les débuts cinématographiques à Saint-Palais
Cette même année 1943, à Noël, la paroisse de Saint-Palais organisa une kermesse sur le terrain proche du fronton où devait être construit le futur cinéma. Ce fut sans doute une belle réussite financière, car Pierre Jean Etchegoyen se souvient que les lots étaient fort intéressants pour l’époque : kilos de sucre, jambon, fromage, etc.
Avant 1943, il y avait bien une salle de cinéma à Saint-Palais, qui se trouvait à la mairie, avec des séances le vendredi soir. Ce sont les frères Guélot, électriciens et marchands de matériel électrique – surnommés amicalement « les frères Lumière » – qui s’en occupaient.
Il y avait en outre chez les Franciscains une salle avec une séance tous les dimanches à 18 heures. C’est un des moines, le père Benoît, très apprécié des enfants ainsi que des amateurs du 7ème Art, qui s’y consacrait.
(*) Pierre Jean Etchegoyen, dont le père (natif de Saint-Palais), nommé capitaine, puis commandant, était resté en Angleterre avec De Gaulle (pendant la guerre), alors que lui-même habitait à Saint-Palais avec sa mère, et son frère, poursuivra sa scolarité à l’école de Saint-Palais puis au collège Saint-Bernard à Bayonne (jusqu’au bac). Il fera carrière dans l’administration, devenant sous-préfet et prenant sa retraite à Saint-Palais après son dernier poste à Haguenau, « la plus grosse sous-préfecture de France »…