Au Pays Basque, au temps où nos grands-parents se souciaient encore des cycles lunaires pour établir leur calendrier agricole de plantation (au dernier quartier de lune), de récolte et même de coupe du bois, on retenait avec attention la « météo » des Zotalegunak, soit les douze premiers jours de l'année qui annonçaient le temps des douze mois de l'année. Dans certaines provinces de France, il s’agissait des six derniers jours de l'année écoulée et des six premiers de l'an nouveau.
Période de joie et de ripailles favorisées par la pelère des cochons, elle s’accompagnait des étrennes et des cadeaux qui existaient déjà dans la Rome antique où on s’échangeait des « Strenuae » ou étrennes sous forme de rayons de miel, de dattes enveloppées dans des feuilles d’or ou des figues sèches dont on gavait les oies.
A Babylone, la nouvelle année débutait lors de la première lune suivant le solstice de printemps. Quant aux Romains, ils instaurent sous Jules César le 1er janvier, date où l'on célébrait le Dieu Janus (d’où le nom de janvier) pour commencer l'année. Au moyen-âge, en France, l'année commençait le dimanche de Pâques, déjà prétexte à l'échange de cadeaux accompagnés d’enluminures (que l’on pourrait considérer comme l’ancêtre des cartes de vœux répandues à partir du XIXe siècle)… Jusqu’à ce qu’en 1564, Charles IX impose définitivement la date du 1er janvier, suivi peu après de toute l’Europe.
Les étrennes du Nouvel-An
Après Noël, fête éminemment religieuse précédée du jeûne de l'Avent, la célébration du Nouvel-An redoublait de vigueur au Pays Basque et en Gascogne.
Les amusements et les ripailles de l’An Neuf ouvraient la période de la pelère ou « pèleporc » que la malice paysanne proclamait irrévérencieusement la plus grande fête de l'année !
Au catéchisme, un curé landais interrogeait un jour ses petits élèves : « dis-moi, quelle est la plus grande fête de l'année, Noël, Pâques »… ? Et un élève, aussi appliqué qu’enthousiaste de répliquer : « C’est la « Sent-Porc », moussu curé » !
C’est également la période des étrennes et des cadeaux qui existaient déjà dans la Rome antique où on s’échangeait des « Strenuae » ou étrennes sous forme de rayons de miel, de dattes enveloppées dans des feuilles d’or ou des figues sèches dont on gavait les oies.
Et, notre région n’échappait pas à ces traditions : les fêtes de fin d’année ont toujours constitué une bonne occasion pour faire des cadeaux. C'est ainsi que la veille de Noël, il était de coutume à Sare de faire quelque présent (une paire de poulets par exemple) à ceux dont on voulait reconnaître les bienfaits. Et sur la côte guipuzcoane, les propriétaires désireux de remercier ceux de leurs fermiers qui payaient le loyer en espèces les régalaient pour la Santo Tomas d'un besugo (dorade) auquel se substituait, plus à l'intérieur des terres, une morue séchée !
A ces étrennes « volontaires » ou consenties s’ajoutaient celles - un brin « forcées » -pendant des tournées et des rondes, un peu comme à l’occasion de Sainte Agathe en février ou pendant les mascarades souletines, lors des « prises de barricades » devant les maisons où les « attaquants » trouvaient des tables bien garnies !
Rondes et Piquehoo
La tradition de ces tournées dans les quartiers est encore bien vivante dans le bassin de la Bidassoa. Ainsi, les enfants de Vera parcourent-ils l’après-midi de la Saint-Sylvestre les rues de la localité en chantant le traditionnel « Glin-Glan » qui accompagne la quête devant les maisons : on leur lance, depuis les fenêtres et les balcons, des fruits frais ou secs, des caramels, etc. Le soir, c’est au tour des adultes de faire résonner les rues de leurs couplets parfois malicieux afin de prendre congé de l’année ancienne en saluant la nouvelle…
A Etchalar, les petits partent également en quête d’Urtatxak au chant des couplets de l’« Ela-Ela ». Et dans le joli bourg moyenâgeux de Lesaka traversé par ses canaux, ce sont tous les groupes choraux et instrumentaux qui participent au « passe-rues ».
Dans nos provinces du Pays Basque Nord, ces coutumes sont également bien enracinées :
trois, quatre ou cinq jeunes représentant les Rois Mages et leur suite, dont l’un chevauchait un petit âne et son compagnon portait une lanterne simulant une étoile à cinq rayons, chantaient et quêtaient d’une maison à l’autre.
A Sare, les jeunes quêteurs portaient un pantalon blanc orné de bandes rouges ou bleues et de grelots ainsi qu’une chemise blanche avec des rubans rouges pendant aux avant-bras , un mouchoir de soie rouge bordé de « korskoilak » (grelots) avec houppe rouge au centre. Parfois aussi, ils arboraient la « Carrossa » (une blouse de couleur bleu sombre) avec un mouchoir « basque » autour du cou. Au son des tambours et des accordéons, ils arrivaient donc au seuil d’une maison et, souhaitant la bonne année, s’adressaient à l’etxekanderea : « Elégante maîtresse de maison, nous nous présentons à vous ; si l’argent manque, ces méchants garçons emporteront le lapin ! »
Evidemment , aucune traduction ne peut rendre l’esprit et l’humour de ces ritournelles en basque, à l’image de celle que Pierre Etxegoyen composa au siècle dernier pour un ancien marin, invalide et boîteux appelé « Cadet » de la maison Arrosagaraya :
Agur Kadet mingua
Aspaldi galdua
Erremangua
Zuk ere etxean baduzu
Urte onaren lekua
(Salut Cadet le boîteux , depuis longtemps estropié, l’invalide, vous aussi avez chez vous assez d’espace pour loger une bonne année…)
Ces rondes étaient également bien présentes dans le pays gascon avoisinant sous l’appellation de « Piquehoo », en particulier à Peyrehorade et dans le pays d’Orthe où elles redoublaient de malice : si les habitants d’une maison « quêtée » étaient jugés un peu « durs à la détente » alors que la maîtresse de maison était proche d’accoucher, on n’hésitait pas à promettre un nouveau-né « tort coum un esclop » (tordu comme un sabot) !
Les marins accompagnent les Rois Mages
Comme dans toute l’Espagne voisine, la cavalcade des Rois Mages qui revêt une forme particulièrement spectaculaire dans les rues de Saint-Sébastien apporte également son lot de cadeaux aux enfants.
A Saint-Jean-de-Luz, elle s’accompagne d’une autre tradition assez curieuse basque qui existait également dans certains ports bretons. Il s’agit d’un vieux privilège qui autorise les marins luziens à célébrer la Fête-Dieu au moment de l’Epiphanie, époque où ils étaient encore sur terre ferme pendant les grands froids, avant de reprendre la mer vers les bancs de poissons de Terre-Neuve. Alors que le Pays Basque célèbre cette solennité au printemps avec l’apparat en Basse Navarre des gardes nationales, sapeurs et autres uniformes hérités de l’époque napoléoniennes, à Saint-Jean-de-Luz, la procession avec le Saint-Sacrement fait le tour de l’église au moment de l’Epiphanie, donc, mais elle est tout de même précédée d’enfants habillés en Rois Mages et d’autres en aubes blanches, ce qui constitue un joyeux mélange comme on sait faire au Pays Basque !
Pour en revenir aux vœux pour la Nouvelle Année, les Gascons, enjoués et malicieux en diable, substituaient à la traditionnelle formule « qu’ep souhaiti une boune e hurouse anade acoumpagnade de hort d’aoutes » (une bonne et heureuse année accompagnée de beaucoup d’autres) cette finale plus intéressée : « acoumpagnade de porcs e d’aouques » (accompagnée de porcs et d’oies) !
Alexandre de La Cerda