Giovanni (Nanni Moretti) incarne un célèbre réalisateur italien qui éprouve de grandes difficultés professionnelles pour tourner son nouveau film : l’histoire se passe en octobre 1956 lors de l’invasion de la Hongrie par les troupes du Pacte de Varsovie afin de mater, dans le sang, « l’insurrection de Budapest », un soulèvement de la population accablée par un régime autoritaire et répressif.
Pourtant, en février 1956, le fameux rapport Khrouchtchev (1894/1971) dénonçait les crimes de Staline (mort en mars 1953) et semblait inaugurer une période de relative libéralisation. Dans les faits, il n’en n’est rien.
En octobre 1956, le monde entier est spectateur d’une sanglante répression, menée, notamment par des chars soviétiques. Giovanni tente, avec ses collaborateurs de rédiger un scénario sur cette tragédie, laquelle a eu une énorme répercussion/interrogation sur les partis communistes des démocraties occidentales, en particulier au sein des deux plus importants par leur nombre d’adhérents : le Parti Communiste Français (PCF) et le Parti Communiste Italien (PCI) dirigés respectivement par leurs secrétaires généraux, Maurice Thorez (1900/1964) et Palmiro Togliatti (1893/1964).
Dans la rédaction laborieuse du scénario sur ce drame, Giovanni et ses collaborateurs, introduisent un cirque hongrois qui arrive dans une banlieue italienne toute acquise au PCI représenté par son secrétaire de section Ennio (Silvio Orlando) et par Emma, sa femme, tous deux communistes convaincus, mais troublés par les évènements de Hongrie. Quelle va être la position du parti ? Le journal du PCI, l’Unita, ne donne aucune information ni consigne sur ce sujet brûlant.
La femme de Giovanni, Paola (Margherita Buy) est productrice de cinéma. Elle ne veut pas financer le film politique que son mari espère tourner. Le couple marié depuis 40 ans est en crise … Leur fille unique, Vera, est amoureuse. Elle déserte de plus en plus souvent le foyer familial pour rejoindre son amoureux. Giovanni se rend sur le tournage d’un film d’action financé par sa femme : il est atterré par la mise en scène grossière … Pierre (Mathieu Amalric), son producteur français admiratif, l’approche en promettant de trouver un financement à son film …
Giovanni commence à tourner a Cinecittà un récit sur les atermoiements du PCI face aux évènements de Hongrie mais son entourage (acteurs, techniciens, etc.) ne comprend pas son projet …
Nanni Moretti, à bientôt 70 ans (naissance en 1953) est un réalisateur à part dans le cinéma italien depuis que nous l’avons découvert dans Ecce bombo (1978). Son seizième long métrage Vers un avenir radieux (Il sol dell’avvenire) ne déroge pas à la règle qu’il s’est fixée : apparaitre dans toures ses œuvres en développant une forme particulière d’autofiction. Sa filmographie constitue une sorte de chronique mordante, ironique, de l’Italie post 1968 et le début du XXI ème siècle. Son personnage central, de film en film, parle toujours haut, d’une diction lente aux syllabes détachées, distillant des aphorismes drolatiques.
Le réalisateur/acteur peut apparaitre narcissique et pédant, mais ses saillies touchent juste et font rire. Ses scénarios à plusieurs intervenants (ici pas moins de quatre dans la tradition du cinéma italien), sont habilement construits, malgré de nombreuses ruptures de scènes et de ton : les tête-à-queue n'en sont que plus réjouissants !
Nani Moretti a déclaré à propos de son dernier opus : « Je voulais que le film suive le flux des pensées et des émotions de Giovanni. Pour cela, tout en racontant une histoire (ou plutôt plusieurs histoires), j’avais besoin d’un scénario ample et libre, capable de contenir différentes couches, tonalités et styles ». Vers un avenir radieux ravira à coup sûr tous les « Morettiens » (ils sont nombreux … et fidèles !) tant son dernier opus est un concentré, d’une grande fluidité, de sa verve ironique, satirique, sur la société italienne depuis quarante ans (1978 : Ecce bombo).
Avec sa famille de cinéma (scénaristes, acteurs, techniciens, etc.) qui lui sont attaché, Nanni Moretti moins agressif et sermonneur que de coutume (un effet secondaire de son âge, bientôt 70 ans ?) nous livre un film jubilatoire mais détaché, sans amertume, sur le cinéma italien qui a toujours rythmé et accompagné sa vie. A cet égard, il nous montre de courtes séquences de ses deux longs métrages préférés : Lola (1961) de Jacques Demy (1931/1990), La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini (1920/1993), et nous parle d’autres.
Vers un avenir radieux a été projeté au Festival de Cannes 2023 dans le cadre de la Sélection Officielle. C’est un oublié du palmarès.