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Musique de la Semaine
Un Bach peut en cacher un autre
Un Bach peut en cacher un autre

| Yves Bouillier 875 mots

Un Bach peut en cacher un autre

Si le Messie de Haendel est intimement lié à l'idée de Noël, le Nouvel An est musicalement associé à Vienne, à la valse et au raffinement des compositions de la Dynastie des Strauss. 

Bien que la période voudrait que l'on évoque le savoureux concert du Nouvel An qui se donne traditionnellement depuis 1939 au Goldener Sall (salle dorée) du Musikverein à Vienne le 1er janvier, j'ai souhaité mettre à l'honneur cette semaine un compositeur dont l'œuvre est particulièrement abondante et innovante, mais malheureusement assez peu jouée ; il s 'agit de Johann-Christian Bach, décédé un 1er janvier ; le 1er janvier 1782 à Londres.

Johann-Christian Bach (Jean- Chrétien Bach en français) fut le dix-huitième et dernier fils de Jean-Sébastien Bach qu'il eut avec sa seconde épouse Anna Magdalena.

Lorsque Jean-Sébastien Bach décède en 1750, le jeune Johann-Christian alors âgé de 15 ans, poursuit des études d 'orgue, et se rapproche de son demi-frère Carl-Philipp-Emanuel Bach, claveciniste à Berlin, à la cour du Roi Frédéric II.

On peut assurément dire que sur les quatre fils de Bach devenus musiciens, Carl-Philipp- Emanuel et Johann-Christian ont eu une carrière plus riche et plus brillante que celles de Wilhelm-Friedemann et Johann- Christoph-Friedrich.

A l'âge de 20 ans, Johann-Christian, devenu également compositeur, se rend en Italie à Milan où il entre au service du comte Agostino Litta et il composera notamment trois opéras durant la période de sept ans où il y restera.

Aucun Bach avant lui ne s'était rendu en Italie et aucun d'entre eux n'avait avant lui composé d'opéras.

Avec Johann-Christian Bach, on peut dire que l’on s'écarte des traditions familiales, d'autant qu'il se convertira au catholicisme pour obtenir le poste d'organiste à la cathédrale de Milan. Les Bach étaient tous des protestants calvinistes. C'est en tant que musicien « italien » qu'en 1762, Johann-Christian fut appelé à Londres, cité particulièrement cosmopolite et mondaine à l'époque.

Si l'on en croit son frère Wilhelm Friedemann Bach, le père Bach aurait dit un jour : « Mon Christian, un gamin fort sot, et c'est la raison pour laquelle il aura des succès dans le monde ».

Il est certain que Johann-Christian qui se faisait appeler en Angleterre John Bach avait le don de se faire aimer et de se faire des amis ; il possédait une facilité d 'adaptation et un charme que l'on ne retrouvait pas vraiment chez son père et ses frères...

En plus d 'avoir passé les frontières, Johann-Christian est le seul des quatre fils compositeurs à avoir rompu avec l'héritage musical familial, n'ayant en outre jamais joué en concert une œuvre de son père, et cultivant volontiers la galanterie.

Le succès de ses opéras lui assure une telle réputation, que l'épouse du Roi d'Angleterre, la Reine Charlotte, l'engage comme Maître de Chapelle. Très actif dans la vie musicale de Londres, il compose plus d 'une vingtaine d 'opéras dont les plus célèbres sont Amadis de Gaule et Clemenza di Scipione, et il fonde en 1765 avec son ami et compositeur Karl Friedrich Abel une société de concerts " Les Bach-Abel Concerts". Outre les opéras, Johann-Christian composa un nombre considérable d'œuvres instrumentales, une trentaine de concertos et une vingtaine de symphonies.

Mozart né une vingtaine d'années après Johann-Christian Bach l'admirait beaucoup. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises. Mozart écrira en apprenant le décès de Johann- Christian Bach : "Vous savez certainement que le Bach de Londres est mort, quelle perte pour le monde musical". Certains historiens musicologues considèrent même Johann-Christian Bach comme le précurseur de Mozart, composant une musique pleine d’ivresse mélodique, d'élégance, de sensualité et de facilité apparente. Je pense que l'on ne peut tout de même mettre de côté la forte influence qu'a eu Joseph Haydn sur le geste compositionnel de Mozart, mais il est intéressant de prendre conscience qu'il est probable que Johann- Christian a pu peser sur l'évolution artistique du prodige autrichien.

Je vous propose d 'écouter le très vif premier mouvement de la 6ème symphonie op.6 de Johann-Christian, particulièrement mozartienne et très éloignée du langage musical de son père JS Bach.

https://www.youtube.com/watch?v=HMttn5wz1FQ

Dans un CD consacré à Johann -Christian Bach enregistré en 2009, le contre-ténor français Philippe Jaroussky présente des airs d'opéras ainsi que des airs de concerts oubliés pour castrats dont neuf d 'entre eux sont des premières mondiales.

« Les quatorze airs choisis ont le mérite de mettre en valeur un prénom, celui du dernier fils de Bach, Johann Christian, à qui son illustre père fait bien de l’ombre. Ces airs possèdent une fraîcheur et une originalité qui sont le reflet d’une personnalité hors du commun, à la fois charmeuse, intrépide, rebelle et à l’affût des innovations de son temps ».P.Jaroussky

Savourons la voix belle et pure de Philippe Jaroussky dans cet air « Ebben si vada... lo ti lascio » où la sensibilité, la délicatesse et la sensuelle beauté de cette musique de Johann- Christian Bach, décidément aux antipodes de son père, enchantent les sens, ce dont nous avons tous besoin en cette période.

https://www.youtube.com/watch?v=rPCZihBlnjE

J'avais tout de même envie de partager avec vous une petite friandise franco-viennoise et vous adresser mes vœux les meilleurs pour 2021 avec ce « Champagne- Polka » de Strauss dirigé par le grand chef d'orchestre français Georges Prêtre disparu il y a tout juste 4 ans, le 04 janvier 2017.

https://www.youtube.com/watch?v=Dv3HPfTS1jA

Portait de Johann-Christian Bach par Thomas Gainsborough (1776, National Portrait Gallery de Londres).

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Symphonie en G Minor, Op. 6 de Bach ©
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zMusique1 Johann Christian Bach - Ebben si vada... Io ti lascio - Philippe Jaroussky.jpg
Johann Christian Bach - "Ebben si vada... Io ti lascio" - Philippe Jaroussky ©
zMusique1 Johann Christian Bach - Ebben si vada... Io ti lascio - Philippe Jaroussky.jpg
zMusique1 Champagner polka, Musikalischer scherz, Op. 211.jpg
"Champagner polka", Musikalischer scherz, Op. 211 ©
zMusique1 Champagner polka, Musikalischer scherz, Op. 211.jpg

Répondre à () :

MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS | 02/01/2021 09:33

Merci pour ces éclairages et même ces révélations pour moi. Je n'ai pas étudié la descendance de J-S BACH... Pourtant, étant jeune, j'ai étonné bien des gens à passer mes rares moments libres à écouter la musique classique et à en étudier l'histoire... De même qu'à lire les ouvres complètes des grands littérateurs français à commencer par ceux de la Pléiade. Je connaissais par contre très bien le fameux "champagne Polka" que j'ai souvent danser ! Mais je préfère comme meilleure interprétation possible celle de KARAJAN.

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