Selon la légende, un ours a enlevé une jeune bergère de la vallée de l’Arberoue. Les chasseurs partent traquer l’ours. La jeune bergère sera-t-elle sauvée ? Réponse le jour de la fête de l’ours qui se tiendra à Saint Martin d’Arberoue, dans le massif d’Eltzarruze à proximité des grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya. Une fête qui se déroulera samedi 1er avril (ce n’est pas un « poisson » !) à partir de 9 h à Saint-Martin d’Arberoue (près des grottes). Animée par Gorka Echarri, elle comprendra une « chasse à l’ours » dans le massif d’Eltzarruze, un repas partagé, des animations, jeux, contes, feu, pétards et bonne ambiance jusqu’à 17 h. Restauration et buvette sur place dès 9 h (la journée au tarif unique de 5 €).
Auparavant, ce mardi 28 mars à 19 h, c’est au Musée San Telmo de Saint-Sébastien que se déroulera un « Homo sapiens Café » par Aritza Villaluenga, Docteur en préhistoire, sur le thème « Ours, hommes et carnivores, une cohabitation complexe, dans les grottes du Pays Basque aux temps de la Préhistoire ».
Et vendredi 31 mars à 20 h 30, c’est au Foyer rural de Saint-Martin d’Arberoue (près des grottes) que Guy Aubertin - Ingénieur géologue – Ecrivain – tiendra un Homo sapiens Café sur « Les Ours d’Isturitz et Oxocelhaya, paléontologie, art préhistorique & croyances populaires, présentation des trésors d’Isturitz & Oxocelhaya ».
Les premières découvertes d'art pariétal au Pays Basque
Nous avions évoqué la semaine dernière la petite tête d'ours sculptée au silex par un artiste préhistorique à laquelle l’archéologue Emmanuel Passemard attribuait « une expression presque humoristique » avec son « air à la fois bonasse et féroce d'un mangeur de miel qui ne devait pas dédaigner la viande fraîche » ? Or, c’est dès 1913 que Passemard avait répertorié une quinzaine de gravures d’animaux sur le pilier central de la Grande salle d’Isturitz. Un nouvel examen approfondi des figurations de ce pilier, réalisé en 1971 par l’archéologue Ignacio Barandiaran et George Laplace, maître de recherches au CNRS et responsable scientifique des grottes, authentifiait six représentations animales : deux petits cervidés, un renne, un ours, un bouquetin et un cheval.
Ailleurs, en Guipuzkoa, la grotte d’Ekain avec ses magnifiques panneaux aux chevaux en noir et rouge auxquels se mêlent bisons, bouquetins et cerfs, et même un saumon peint - dont l'œil et la partie antérieure du dos utilisent un trou naturel et une bordure rocheuse alors que le reste de la silhouette avec la bouche, la ligne des ouïes, les nageoires et la ligne latérale d’écailles sur ses flancs ont été complétés par l’artiste à la peinture noire - comporte au fond d’une galerie le trou d’hibernation de l’ours des cavernes avec des saillants rocheux usés par le frottement de centaines d’ours qui pénétraient à tâtons dans cet endroit.
Près de l'ermitage de San Lorenzo Urkuleta à Mañaria, la grotte d’Askondo recèle également des restes d'ours des cavernes.
Un art pariétal lié à l’origine des Basques
De récentes découvertes dans les Asturies sont venues confirmer la localisation entre l'Ariège et la corniche cantabrique d’une certaine unité artistique des peintres et graveurs préhistoriques pyrénéens mise en valeur par les splendides os plats de langue de cheval gravés représentant des têtes de cheval. Une zone géographique qui recouvre à peu près l’aire d’extension de toponymes pouvant s’apparenter à une langue « proto-basque ».
A ce propos, il convient de rappeler les travaux de Jose-Miguel de Barandiaran, le « patriarche de la culture basque », cet extraordinaire anthropologue, auteur d’innombrables ouvrages et encyclopédies savantes qui a généré une véritable « université en marche » et que l’on avait vu - déjà centenaire - participer à la korrika (course-relais en faveur des ikastolas). C’est à lui qu’on doit l’élaboration d’une espèce de filiation du Basque à partir d'une évolution locale de l'homme de Cro-Magnon.
C’était un découvreur de grottes préhistorique dont il pouvait explorer les moindres anfractuosités grâce à sa taille si fine. Barandiaran a pu ainsi étudier celles de Sare où il résida pendant la guerre civile espagnole mais aussi à Ilbarritz, entre Bidart et Biarritz, et jusqu’en Soule… Il a recueilli également des milliers de mots et d’expressions associés à des observations sur le terrain concernant les travaux et la vie de tous les jours des habitants du Pays Basque.
Avec un autre savant, Aranzadi, Barandiaran avait établi une méthode de mensurations crâniennes à partir de ses découvertes dans la grotte d'Iziar en 1936. Et, le premier, il émit l’hypothèse d’une filiation des Basques selon une évolution locale des hommes de Cro-Magnon, ces fameux chasseurs du Paléolithique qui se sont développés à partir d’il y a quelques quarante milliers d’années dans une aire géographique appelée « franco-cantabrique » et grossièrement comprise entre le Périgord, l’Andorre et les Asturies. Particulièrement, les moyennes montagnes basques et leurs vallées avaient offert à ces populations migrantes de chasseurs de rennes le refuge de leurs grottes, en général situées au-dessous d’une altitude de 500 mètres et dans un environnement climatique relativement modéré par les influences océaniques.
Cependant, les travaux de Barandiaran ont été semés d’embûches.
Il est de bon ton, parfois, d'écarter sur le ton de la suffisance des travaux d'historiens et de chercheurs au prétexte qu'ils favoriseraient quelque « basquitude » par trop conquérante.
Cet amalgame simpliste trouve sa meilleure réfutation dans l'attitude d'extrême probité - voire l'humilité - scientifique manifestée par les grands ethnologues et préhistoriens basques, autant Barandiaran que son disciple, l'éminent biologiste et paléontologue Jesus Altuna qui lui a succédé - Jesus Altuna qui affirmait à propos des grottes d'Isturitz qu’elles constituaient un des plus riches gisements du paléolithique en Europe -. Or, jamais ces savants et chercheurs basques n'avaient hésité à remettre constamment en question leurs conclusions.
Une preuve définitive en a été fournie à propos des crânes découverts par Aranzadi et Barandiaran dont la première approche avait été réduite aux techniques de datation encore rudimentaires de l'entre-deux-guerres.
L’un était « cro-magnonoïde », l’autre « intermédiaire » et le troisième se rapprochait du type basque contemporain, et leur localisation respectivement dans des strates magdalénienne (-12 000), azilienne (-8 000) et de l'Age du Bronze (-4 000) semblait conforter la théorie de la filiation des Basques à partir d'une évolution locale de l'homme de Cro-Magnon.
Or, dans les dernières années de Barandiaran, déjà presque centenaire, l'évolution des techniques liées au carbone 14 avait incité son jeune disciple Altuna, qu’il avait détourné de la bactériologie et de la génétique, à envoyer au laboratoire spécialisé d'Uppsala d'infimes parcelles des fameux crânes aux fins de datation. Le verdict, imparable, les situa tous les trois autour de -3580. Les trois types coexistaient donc encore à l'Age du Bronze et semblaient avoir été enterrés dans une fosse creusée au sein de strates plus anciennes ! Aussitôt averti, Barandiaran exigea la publication immédiate de résultats pourtant susceptibles de remettre en question sa théorie, celle de toute une vie.
Il n'en fut rien heureusement car la science génétique vint ajouter ses acquis à la technique des mensurations crâniennes et des os. En 1993, Luigi Cavalli-Sforza, directeur du département de génétique de l'Université Stanford de Californie, Alberto Piazza, de l'Université de Turin et Paolo Menozzi, de Parme, publièrent la somme importante de trente années de recherches sur cent mille ans d'histoire des migrations humaines à travers l'analyse du matériel génétique des populations actuelles.
Il en résultait que « les basques étaient probablement les descendants les plus directs des premiers colons post-néandertaliens en Europe ». En affirmant cela, les universitaires ne prétendaient certes pas que les Basques d'aujourd'hui étaient semblables aux hommes de Cro-Magnon; mais les études de géographie génétique qu'ils avaient menées montraient qu'en Europe, le peuple basque, conservant relativement « intactes » au cours des âges modernes, sa langue, ses traditions, sa culture, avait également gardé un patrimoine génétique distinct.
Alexandre de La Cerda