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Tradition de la semaine
Rome : le 24 décembre, le Saint-Père ouvrira les portes de la Basilique St-Pierre pour un an
Rome : le 24 décembre, le Saint-Père ouvrira les portes de la Basilique St-Pierre pour un an

| François-Xavier Esponde 1619 mots

Rome : le 24 décembre, le Saint-Père ouvrira les portes de la Basilique St-Pierre pour un an

A - Jubilé en 1300

2025 s'inscrit dans le déroulé du temps de l'Eglise, en l'année jubilaire voulue par le pape François. L'occasion d'accueillir en la ville sainte de Rome des millions de pèlerins comme en ces moments intenses du passé où le retour en cette cité apostolique était aussi voie de conversion dans cet espace sacré unique pour les chrétiens.

Dès les premiers jours de 1300, année de ce Jubilé premier de l'histoire, les foules affluent en la ville pour poser leurs pas dans ceux des apôtres comme on le fait dans la ferveur et l'émotion de ce rendez vous spirituel. En visitant les basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul, "on peut gagner la rémission de ses péchés", l'indulgence qui permet à chacun de retrouver son indépendance et sa dignité. On disait, indiquent les chroniqueurs du temps, que seuls jadis les Croisés pouvaient y accéder, et la démarche deviendra personnelle chez tout pèlerin en ce lieu de la foi. "Jusqu'à ce XIVème siècle, on ne trouvait pas de preuves de telles manifestations de foi partagée sur un tel itinéraire, traversant les régions de l'Empire, les risques du chemin et les populations autochtones plus ou moins habituées à ces rencontres".

Mais les historiens développent leurs arguments. Le retour vers les lieux saints, Jérusalem et Rome, s'inscrivait dans le récit inachevé de la fin malheureuse des croisades à Saint jean d'Acre en 1291. Des mouvements millénaristes autour du moine cistercien Joakim de Flore affirmaient que "l'âge du Christ venait de s'achever sur terre et que l'on était désormais dans l'âge du saint esprit". Mais les fidèles de l'époque, dont le pape régnant Boniface VIII, ne partageaient pas cet avis. Ils voulaient embrasser et associer l'Eglise au-delà des provinces impériales de ce temps. Succédant à un vénérable pape Célestin V élu au Siège sans l'avoir trop voulu, et qui avait renoncé à la charge par une démission, la mission papale demeurait menacée et dangereuse en ces siècles d'invasions guerrières et de rébellions...

Le tempérament de Boniface semblait trancher, disent les chroniqueurs, par ses décisions autoritaires qui aliénaient une part de fidèles de courant franciscain, spirituel et moins doctrinaire dominant. "La venue de nombreux pèlerins ouvrait les portes du Ciel et de la Terre en cette ville sainte ouverte aux dimensions impériales du royaume et de l'église". Le jour de la fête de la Chaire de Saint-Pierre le 22 février, le dit pape promulgua la Bulle instituant l'année sainte. Une fresque de Giotto dans la basilique du Latran nous illustre la scène médiatique de ce temps !

Le terme Jubilé ne figurait pas dans la Bulle papale pour cette institution biblique célébrée tous les 50 ans, soit sept semaines d'années. On évoquait alors "l'année séculaire" ! 

La venue de nombreux pèlerins visiteurs dépassait les espérances si tant est qu'elles existaient autour d'un événement inédit. On ne recula pas devant les chiffres de deux millions de visiteurs pour l'année. soit trente mille personnes par jour. dans une ville qui comptait au mieux ce décompte d'habitants.

Qu'importe la véracité comptable, on était au-delà des estimations et le pape dans son élan mystique avait institué que lors de ce pèlerinage et l'obtention de l'indulgence acquise, "il fallait à chaque pèlerin se rendre dans les deux basiliques prestigieuses de la capitale impériale et de l'église. Soit trente jours de suite pour les Romains, quinze jours de suite pour les étrangers". Comprenez pas de bénéfice spirituel sans effort vertueux !

On n'exigeait pas d'offrande mais elle pouvait exister de bonne intention. Un récit imagé raconte que deux acolytes - clercs de leur état - se tenaient dans les basiliques près de l'autel, armés de râteaux ou de pelles, pour recueillir la précieuse manne des bienfaisants, des pièces de monnaie venues de tout l'empire latin jetées sur le sol, en ce Jubilé mémoriel et sacré. Les historiens ajoutent que l'alimentation des visiteurs se faisait sans difficulté, suite aux récoltes fertiles de blé, de céréales et de vin. Seul le foin manqua pour le bétail ! Comprenez pourquoi ?

Les aubergistes des sanctuaires n'eurent guère de raison de se plaindre, et pour loger tout ce monde, les particuliers romains mirent leur "home" à disposition pour accueillir ces visiteurs. Ne sourions pas, l'hôtellerie romaine a quelques siècles d'avance sur l'agenda touristique de l'année aujourd'hui !.

Parmi les visiteurs on compta Dante lui même, selon ses confidences dans la Divine Comédie. Et les commentateurs rapportent que c'est pendant le temps jubilaire lors de la quinzaine de Pâques, que le poète place son voyage dans l'au-delà. Dans l'Enfer  il évoque les files ininterrompues qui se croisent sur le Pont saint Ange, "seul pont d'alors permettant l'accès au Vatican", car pour la bonne guidance du chemin, on avait dû établir une palissade pour désigner le sens unique du circuit.

"Ainsi les romains l'année du jubilé ont à cause de la foule nombreuse établi cet ordre pour le passage du pont, que d'un côté tous regardent le château et de l'autre ils vont vers le mont" !

Dans le Paradis citons encore Dante, "chaque vendredi et les jours de fête on dévoilait aux pèlerins le voile de Véronique, montrant l'empreinte miraculeuse de la sainte face", disons une copie du visage du Saint Suaire. Dante fait dire par un pèlerin venue de loin de Croatie cette exclamation.
Signor mio  jesu Cristo, Dio verace ; or fu si fatta la sembianza vostra ? O mon Seigneur Jésus Christ Dieu véritable, tels étaient donc les traits de votre visage ?

Le chroniqueur, historien de son état, de cette bulle véritablement en phase avec cette perspective récente, ramena à 25 ans le délai des indulgences romaines 2000 et 2025, les dernières pour cette suivante !

Rome prépare ce temps jubilaire pour des visiteurs privés de se rendre à Jérusalem en raison de la guerre, désireux cependant de relier ces deux villes du calendrier chrétien contemporain dans des délais de jours meilleurs d'un avenir prochain.

B - Jubilé et histoire religieuse française

Boniface VIII avait clos ce  jubilé pour cent ans. Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu à Rome et avec la France. Le conflit entre Boniface VIII et le roi de France s'étant terminé tragiquement à Anagni en 1301, selon les chroniques, le départ en exil des papes pour Avignon - en France, hors d'Italie - dès 1316 ouvrait une autre histoire.

C'est Clément VI, pape avignonnais, qui décida de renouveler ce jubilé à 50 ans "en raison de la brièveté de la vie humaine"... Malheur des temps, la cruelle peste noire en 1348-1349 changea la donne avec la mort du tiers de la population européenne, au moment où entre l'Angleterre et la France commençait la Guerre de Cent ans ! Lors du Jubilé de 1350, un cardinal représentait le pape en exil. On compléta le programme de la visite des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul par celle du Latran. Les chiffres des pèlerins, amplifiés à un million, demeurent invérifiables, mais la ferveur demeurait et le souvenir de Rome indélébile pour les croyants. 

Après 70 ans de vie en Avignon, le pape Grégoire XI décida en 1378 le retour à Rome. Sa mort fut brutale. Il fallut le remplacer. Deux candidats élus pendant 39 ans pour la même mission se disputèrent entre Rome et Avignon... Il y en eut même un troisième ? Le pouvoir avait bien de l'intérêt ! Ce fut le temps du grand schisme de 1378 à 1417.

Mais les finances étaient restées en France. On décida d'un jubilé pour dix ans suivant la promulgation d'Urbain VI en 1390. Mais il mourut avant l'ouverture que célébra le successeur Boniface IX. Mais ce jubilé ne fut pas couronné de succès et le pape décida de le prolonger en autorisant le jubilé dans les diocèses de la chrétienté, en 1391 et 1392, à condition d'y apporter l'obole tant désirable pour les besoins de l'Eglise romaine.

A Paris, ces propos mercantiles ne semblaient pas être du goût  du chancelier de l'université de Paris, Jean Gerson, qui publia "Une manière de faire un pèlerinage spirituel pour ceux qui ne peuvent pas aller à Rome."

"De France à Rome, il y a 250 lieux de dévotion qui s'accomplissent en cinquante jours. Ainsi donc selon Jean Gerson, le pèlerin récitera chaque jour sept Pater Noster, autant que de lieux qu'il aura eu besoin de parcourir, en rajoutant les offices de matin et du soir, et visitera, en esprit, les sept basiliques romaines priant les saints auxquels elles sont dédiées. Chez lui, il ne manquera pas de visiter une église et suivre la messe. Naturellement, il aura soin de pardonner et de demander le pardon de la pénitence et s'il a des biens, il les répartira avec les plus pauvres, telle sera sa part de charité des frais de voyage" !

Selon Jean Gerson, une discipline de l'esprit sur cinquante jour qui vaut le voyage romain et pèlerin de ceux qui préfèrent ce transport jubilaire !.
Le propos de Jean Gerson surprend les familiers de la voie pélerine. Mais d'autres auteurs comme ceux de l'Imitation de Jésus Christ pensaient la même chose. Sainte Bernadette fut du lot. Une carmélite adopterait le jubilé spirituel au pèlerinage romain.

L'idée semble convenir au pape François qui encourage toutes les générations à adopter le principe et l'adapter à ses facultés. Les moyens médiatiques modernes le permettront chez les gens âgés, malades, handicapés ou sans moyens matériels de faire cette démarche.

François présidera dès ce 24 décembre au soir par l'ouverture des portes de la basilique Saint-Pierre de Rome le Jubilé attendu par des millions de fidèles venant du monde entier, dont 800 000 français déjà inscrits. Un événement spirituel dans un monde privé de l'espérance du lendemain, thème choisi par le pontife pour ce moment de l'histoire religieuse à venir.

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