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L'Esprit Basque
Polentzi Guezala, le souvenir d'un grand talent de la musique et des traditions basques
Polentzi Guezala, le souvenir d'un grand talent de la musique et des traditions basques

| Alexandre de La Cerda 1238 mots

Polentzi Guezala, le souvenir d'un grand talent de la musique et des traditions basques

Afin de célébrer la mémoire de Polentzi Guezala pour la date anniversaire de sa naissance - le 20 novembre 1919 - et pour la fête du Christ Roi, l’église Notre-Dame du Travail (dans le XIVe arrondissement, avec des galeries rappelant les églises basques !) a reçu, comme chaque année, l’ensemble vocal Anaiki – formé de Basques de Paris - dirigé par Jean-Marie Gezala, également coordinateur d’un ensemble d'espaces culturels parisiens. Il s’agit précisément du fils de l’illustre txistulari Polentzi Gezala, pour qui, ainsi que pour leur membre récemment disparu Robert Curutchet, les choristes ont interprété « Euzkel Mezea » de Ruperto Iruarrizaga, accompagnés à l’orgue par Jean-Philippe Navez qui en est le titulaire, également maître de chapelle de la cathédrale Saint-Louis des Invalides.

Le nom de Polentzi Guezala, aux sonorités quelque peu étranges pour le petit garçon que j’étais à Biarritz, restera à jamais lié à un merveilleux microsillon 33 t que ma grand-mère me fit un jour écouter dans notre villa Ibañeta, ce devait être l’été 1958. Ce disque enregistré quelques années auparavant marquait la participation du célèbre musicien à « l’épopée » de Philippe Oyhamburu et de son groupe Etorki, témoin d’une volonté de professionnalisation qui constituait pour l’époque un défi peu commun. Ne lisant certes pas « Combat » à cet âge-là, je ne savais pas que le critique du quotidien avait comparé « à du Jean-Sébastien Bach les extraordinaires variations au txistu de Polentzi Guezala sur « Kontrapas d’Intxausti », d’une habileté folle » !

Plus tard, lorsque je créais Radio-Adour-Navarre, c’est un autre disque d’Etorki, ainsi que celui enregistré par Polentzi Guezala pour Columbia à Madrid, peu de temps avant les débuts de la station, qui enchanteront nos auditeurs.

Or, c’est dans une famille originaire de Lezo (entre Irun et Pasajes) où la musique tenait une place primordiale que Polentzi Guezala naquit en 1919. Depuis le grand-père flûtiste, le père - directeur de l’harmonie Municipale -, la mère - adepte des kriskitin (castagnettes) -, jusqu’aux frères qui jouaient d’une multitude d’instruments, saxophone, piano, txistu, atabal (tambour), accordéon, etc. Bénéficiant de l’enseignement des plus grands professeurs du moment, Alejandro Lizaso et Isidro Ansorena, notre futur virtuose du txistu joua même à Radio Saint-Sébastien à l’âge de 8 ans et accompagna dans des tournées en Espagne et à l’étranger les plus grands groupes du moment avant d’être reconnu comme un soliste exceptionnel et parcourir les scènes du monde, du théâtre des Champs-Élysées à Paris au Carnegie Hall de New York.

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Polentzi avec Isidro Ansorena ©
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Polentzi Guezala s'était perfectionné auprès d’Isidro Ansorena, à Saint Sébastien. Maître particulièrement reconnu, Isidro Ansorena dirigeait l’ensemble de txistularis de Saint Sébastien.

Au cours d’un Alarde (concert) de txistularis d’avant-guerre, Isidro Ansorena le fit se produire en tant que soliste. Les “Valses avec variations” de Federico Corto, un morceau d’une grande complexité, comportait quelques adaptations permettant des solos et ce furent précisément ces morceaux-là qu’il lui fit jouer. Le public resta bouche bée à la vue de ce Polentzi si jeune – il n’avait que quinze ans - mais si virtuose... Isidro ne laissait pas n’importe qui se produire en public. Cela signifiait donc que Polentzi faisait partie, pour lors, des musiciens confirmés.

Il jouait également à l’église paroissiale, pour les fêtes de villages, les groupes de danse, dans les bals et autres événements

En plus du txistu, Polentzi était membre de la chorale paroissiale de Lezo, en tant que premier ténor, sous la direction de Fermin Pikabea. L’organiste à cette époque était Hipolito Gezala.

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Polentzi Guezala aide les couturières du groupe Etorki ©
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Le 4 avril 1954 Polentzi Guezala avait rejoint au château de Launay Maine et Loire la troupe "Etorki" que Filipe Oyhamburu était en train de former : il en sera le txistulari avec Pio Zubillaga. C’est au cours de ce séjour de deux mois qu'Oyhamburu constituera la base du futur spectacle d’Etorki: danses populaires, ballet, chœur et concert de txistu par Polentzi Guezala.

Et très rapidement, la troupe d’Etorki (grâce à quelques contacts personnels) eut accès au Théâtre des Champs Elysées à Paris alors que son association de bienfaiteurs, présidée par le président du Gouvernement Basque Jose Antonio Agirre, comptait également le marquis d’Arcangues, le marquis de Cuevas, Guy Petit, Henri Sauguet, le chanoine Pierre Narbaitz, André Dassary, Ramiro Arrue, Serge Golovine, Rosella Hightower, Pierre Apesteguy, G.G. Duret, Jean Etchepare, Etchahun, J.P. Grenier, Olivier Hussenot, Paul Légarralde, Telesforo Monzon, Noël-Noël, Jean Silvant, Robert Toutain et J. Uruñuela ! 

Leur but étant de faire connaître les danses et le folklore basques de par le monde… Et l'élan était donné, dans toute l'Europe, puis aux Amériques où en 1957, c'est avec le groupe Oldarra que Polentzi partit comme txistulari : ses plus grands succès, il les connut au célèbre Carnegie Hall de New York ainsi qu’à l’Opéra de San Francisco !

Polentzi évoquait souvent les acteurs dont il fit la connaissance au cours de cette tournée : Liz Taylor, Marlon Brando... Mais également Jacques Bergerac, à l'époque marié avec l’actrice et danseuse Ginger Rogers, et Brigitte Bardot (avec le groupe, Polentzi joua du txistu dans les jardins respectifs des maisons de ces célèbres acteurs). Et même les écrans : ceux, « petits », de la télévision naissante, aux Pays-Bas comme en France (dans l’émission « Joie de vivre » de l’écrivain Pierre Benoît en 1956) ou les « grands », avec Brigitte Bardot dans le film « La femme et le pantin » de Julien Duvivier (1959). Cependant, le grand bonheur du musicien fut complet lorsqu’il put jouer avec ses fils, et la Chorale Anaiki dirigée par Jean-Marie avec qui il forma un duo txistu et orgue. N’avait-il pas bénéficié des œuvres et arrangements pour orgue écrits pour lui par le compositeur Tomas Garbizu, originaire comme lui de Lezo ?

Mais le Pays Basque n'était pas oublié : les 27 et 28 août 1956, un magnifique spectacle était donné au théâtre Victoria Eugenia de Saint-Sébastien / Donostia, dans des décors de Ramiro Arrue et deux concerts solo de txistu de Polentzi Guezala qui, plus tard, sera également deuxième ténor au sein du chœur Etorki.

La couture constitua l’autre grande occupation de Polentzi Guezala, dans le sillage de Balenciaga et pour une clientèle allant des duchesses de La Rochefoucauld aux Rockefeller.

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Polentzi Gezala à l'église Sainte-Eugénie à Biarritz, 2005 ©
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Mais au début de cette passionnante trajectoire, n’avait-il pas connu les affres de la guerre civile en Euskadi et l’exil de sa famille abertzale ? Polentzi Guezala en avait toujours gardé une pointe de regret pour le temps béni où, malgré les tragiques événements, tous les patriotes basque étaient unis autour du président Jose-Antonio Aguirre. La Foi l’avait beaucoup aidé à surmonter ces moments difficiles, en particulier « la Vierge d’Arantzazu et le Saint-Christ de Lezo ».

Dans la maison des Guezala à Paris, l’atmosphère était empreinte de folklore basque, que Polentzi et son épouse Annie (originaire de Coarraze et rencontrée au "Réveil Basco-Béarnais à Paris) firent partager à leurs fils Pierre - qui créa le groupe de danse "Jeiki" en prenant la suite du Revéil Basco-Bearnais - et Jean-Marie, le fils cadet de Polentzi, qui intégra la chorale "Anaiki", créée par le curé Jean Eliçagarai à “Euskal Etxea”, avant d'en prendre la direction en 1989 : évidemment, Polentzi y prit part avec son instrument...

En 1977, La Mairie de Paris lui remet la médaille des Arts, Sciences et Lettres. Et en 2003, la Municipalité de Lezo inaugura l’Auditorium Gezala en hommage à la famille Gezala.

En 2005, Polentzi joua une fois de plus pour le concert basco-russe de Noël à Paris ; il fit sa dernière apparition artistique le 22 décembre 2007 à Saint-Jean-de-Luz, lors du concert du vingtième anniversaire d’Anaiki, avant de s’éteindre deux mois plus tard.

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