La capitale de la Nouvelle Aquitaine aura de toute évidence un maire venu du sud de la région.
Pierre Hurmic est né à Donapaleu/Saint-Palais en avril 1955, fils de Lucien Hurmic chirurgien, fondateur de la Clinique de Saint-Palais, et d’une mère exerçant dans la santé, souletine de naissance.
Une belle ascendance basque
L'occasion nous est ainsi fournie de revenir sur la riche trajectoire de Lucien Hurmic, ce remarquable membre du corps médical - décédé au mois en mars dernier - qui exerça en la maison Saint Elizabeth de la commune tenue par les Soeurs Franciscaines de Montpellier, où fut créé le premier service chirurgical dans cet établissement de soins et un hospice plus ancien déjà existant. Lucien Hurmic fonda par la suite la Clinique de Saint Palais, qui a depuis rejoint le réseau hospitalier de Bayonne, avec son relai du Pays Basque intérieur.
Président des Amis de la Vieille Navarre de 1987 à 2011 – la présidence la plus longue de l’association -, Lucien Hurmic a laissé une très forte empreinte sur la vie culturelle et patrimoniale bas-navarraise au cours de cette période. Il sut donner une caution plus professionnelle à l’organisation qu’il dirigeait en employant des historiens de métier qui firent de l’association un partenaire recherché scientifiquement. Lorsqu’en 2005 la Communauté Forale de Navarre contacta Pierre Bidart pour organiser annuellement des Séminaires des Deux Navarre, l’universitaire se tourna, avec le succès que l’on connaît, vers Lucien Hurmic. Très attaché aux valeurs spirituelles, cet ancien marxiste converti à la religion catholique a toujours considéré que la culture était essentielle pour rapprocher les peuples et apporter une plénitude à l’individu (le « Gai savoir » de Nietzsche qu’il aimait beaucoup citer).
Alors président du gouvernement de Navarre, Miguel Sanz avait remis au docteur Hurmic la médaille Charles-III Le Noble attribuée à l’association les Amis de la Vieille-Navarre, reconnaissant par cette distinction « l’effort soutenu de l’association pour resserrer les liens avec la Haute-Navarre (espagnole) et son engagement dans la défense et la préservation du patrimoine historique et culturel de la Basse-Navarre, en cultivant depuis près d'un demi-siècle cet amour pour la culture et les racines historiques qui sont les nôtres, des racines qui nous rendent frères, nous les Navarrais qui vivons de part et d’autre des Pyrénées ».
Et pour souligner l’importance de cet acte, le gouvernement de Navarre avait fait venir de Pampelune les éléments du cortège qui accompagnent la représentation institutionnelle de Navarre au cours des actes solennels : porteurs de masse, roi d’armes, trompettes et tambours. A travers eux, se pérennisent les symboles des anciens territoires du royaume de Navarre !
Et peu de temps avant son décès, la Ligue des associations de journalistes du Camino de Santiago, composée de professionnels d'Aragon, Burgos, La Rioja, León, Lugo, Navarra et Santiago de Compostela, lui avait décerné le VIIème Prix international Aymeric Picaud avec remise au lauréat duun fac-similé du Codex Calixtinus de la bibliothèque universitaire de Salamanque ! Il habitait la très belle maison-forte noble datant du XVIème siècle, élevée à l'origine par la famille Larrea (à l'origine, venue de Guipuzcoa), un beau manoir situé à Ispoure, aux portes de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Quant à la mère de Pierre Hurmic, il s'agit d'une femme de conviction engagée dans l’humanitaire, la santé, les oeuvres paroissiales et la vie de la cité. Les garçons - Jean et Pierre - seront scolarisés au Cours Etchecopar tenu par les pères de Bétharram, les soeurs chez les religieuses. Dans ces années 60 et suivantes, Saint-Palais connaîtra une métamorphose d’importance sous le signe de l’extension de la Coopérative Lur Berri et du Lycée agricole Jean Errécart promu par le sénateur du même nom. L’enseignement et la profession agricole prennent de l’importance, devenant la vitrine économique de l’intérieur du Pays Basque sis autour de Saint-Palais.
Leur fils, "écolo & catho"...
L’écologie est dans cette région verte inscrite dans l’environnement. Pierre Hurmic connaîtra une enfance privilégiée de ce temps proche de la nature préservée de quelque pollution environnementale. Saint-Palais sur le chemin jacquaire, recueillant les richesses patrimoniales du passé en son musée de Basse-Navarre, entouré de cours d’eau, des crêtes du quartier Gibraltar, de marchés et de vie sociale était à la croisée des villages du Pays Basque intérieur et du Béarn.
Desservi jadis par le train, le bus, et des transports aux nombreuses destinations, sans oublier le vélo "individuel" que chaque enfant arborait avec fierté.
Quittant Saint-Palais, Pierre rejoint le Lycée Villa Pia à Bayonne avant de partir vers Bordeaux pour des études de Sciences-Politiques. On lui reconnaîtra l’exercice de la plume pendant ses études, en devenant le rédacteur en chef du journal bordelais “La Vie de Bordeaux”. L’enseignement donné à Science-Po par le penseur protestant Jacques Ellul transformera son parcours intellectuel.
Le voilà engagé comme sa mère jadis dans l’humanitaire auprès “d’Action contre la Faim”.
De plus, délégué syndical des Avocats de Gironde, et militant précoce de l’écologie politique, considéré comme l’un des fondateurs de Génération Ecologie, il y a trente ans désormais. Avec Noël Mamère.
Rejoignant les Verts en 1998, le militant est tenace, convaincu et assuré de la légitimité des idées qu’incarne ce mouvement insolite en ses débuts, dérangeant et nouveau dans le panel politique national.
Trente années d’engagement, de candidatures aux élections face à des ténors tels que Chaban Delmas, Alain Rousset, Alain Juppé, le challenger tient la corde et ne lâche rien.
Résultats progressifs, relatifs et positifs, l’électorat écologique compte de plus en plus nombreux, ses adhésions. Elles percent le plafond de verre.
Les idées vertes ne sont plus disqualifiées, les amitiés écologiques tissées au fil des campagnes, prennent du relief.
La campagne municipale 2020 de Bordeaux pointe à l’horizon du “vieux militant vert.”
Il croit à son destin.
Il croise le fer avec des adversaires qui désormais mesurent l’essor des idées nouvelles d’un Mouvement international bénéficiant de l’engagement pour la planète. Sa persévérance a prévalu. Le "Basque-indigo" s’exerça à l’écriture par la rédaction d’un roman, le premier paru sous son nom : “Pilleur de glace” de Pierre Hurmic, thème prémonitoire évoquant les dangers climatiques portés sur le Groenland, par des sujets sans scrupule, sans retenue sur les dommages commis par l’homme sur son propre destin, et sur les générations suivantes. L’avocat bordelais plaide pour défendre ce sujet qualifié et objet de “non assistance à planète en danger”..!
Il s’est illustré encore en un projet original qualifié de promoteur de Code de la rue, un exercice citoyen et vert qu'en son temps, son prédécesseur à Bordeaux, Alain Juppé, avait accepté de soutenir comme un objectif écologique du futur. Bordeaux aura donc un nouveau maire venu de Basse-Navarres. Le souvenir de son père Lucien disparu presque centenaire pendant le confinement de ce début d’année traversera la mémoire de ceux qui ont connu la famille sise entre Saint-Palais, Ispoure, Mauléon, Bayonne et au-delà ... Sans oublier le frère de Pierre Hurmic qui est encore médecin à Saint-Palais.
François-Xavier Esponde
NDLR : les "menaces" du nouvel élu sur la circulation automobile à l'intérieur de Bordeaux et son indifférence pour le tram (Pierre Hurmic leur préfère des bus à hydrogène) ne laissent pas toutefois d'inquiéter nombre de Bordelais qui osent également espérer que ne seront pas abandonnés les travaux d'entretien et de rénovation du très riche patrimoine architectural de la ville.
Par ailleurs, décryptant les enjeux culturels de cette « poussée verte » dans l’hebdomadaire « Famille Chrétienne », le géographe Jean-Robert Pitte la rapproche d’une certaine vision « protestante » de l’écologie : les Réformés renouent avec le culte de la « nature » pour elle-même venu des anciens paganismes. Dieu dialogue avec les hommes et se révèle à eux directement « par inspiration secrète et, indirectement par les œuvres de la nature », écrivait Calvin, qui proclamait aussi : « Je confesse bien sainement que Dieu est nature, moyennant qu’on le dise en révérence et d’un cœur pur ». Par comparaison, la culture catholique puise en particulier son inspiration chez un Jean Bodin, défenseur de la croissance démographique : « Or il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens : vu qu’il n’y a richesse ni force que d’hommes ». Il affirme en un beau manifeste anti-déterministe la légitimité de l’humanité à transformer son environnement : « Combien la nourriture, les lois, les coutumes ont de puissance à changer la nature»...
Rédaction Baskulture
Légendes : 1. Remise de la médaille de Charles III au docteur Lucien Hurmic (2010)
2. Pierre Hurmic devant le palais Rohan (mairie de Bordeaux)