Né en 1923, l’historien Pierre Hourmat, retiré de la vie active et universitaire de Bayonne, laisse un héritage patrimonial de la ville qui recueille dans ses livres les volets multiples de ses recherches culturelles.
Il fut enseignant et auteur rigoureux de l’histoire de la région. Avec humour et un esprit juvénile, il rapportait que tout au long de sa vie, il avait connu toutes les étapes d’une instruction au gré de la craie sur le tableau noir, de l’encrier et de la plume sur le cahier des écoliers, des premières polycopies à l’ancienne avec ces reproductions artisanales, de la machine à écrire rudimentaire, puis venant au fil du temps, l’avènement de l’ordinateur et de sa mémoire universelle.
Au milieu de milliers de fiches ajoutées et rangées de son bureau à la main, à l’ancienne, il découvrait l’usage du numérique qui en quelques clics instantanés lui procuraient les sources des Archives historiques des bibliothèques françaises, du département des P.-A. et de Bayonne.
Agrégé d’histoire, Maître de conférences à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines à l’Université de Pau, il figure avec d’autres noms du lieu, parmi les auteurs référencés de la vie culturelle de la région.
Jusqu’en 2004 où, devenant Président Honoraire de la SSLA, Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, il poursuivait ses recherches comme tout bon étudiant-chercheur, habitué des arcanes des bibliothèques à Pau-Bayonne.
La mémoire bayonnaise décline sous la plume de Pierre Hourmat des ouvrages imprimés ou brochés, sur l’Histoire de Bayonne en plusieurs tomes, la Médecine à Bayonne, la Restauration 1814-1830 en quatre volumes, l’Enseignement primaire dans les Basses Pyrénées, et tout particulièrement à Mauléon, des ouvrages documentés et illustrés sur La visite de Bayonne, puis encore l’Emigration basco-béarnaise du XVIIIème siècle à nos jours
L’Histoire du chemin de fer, Paris-Bordeaux-Bayonne fait encore l’objet de ses recherches sous le titre, 130 ans de chemin de fer, ‘'(ouvrage préfacé par Henri Grenet, paru chez Hachette.)
L’histoire de la Chambre de commerce et d’industrie de Bayonne de 1726-1976, puis encore l’histoire de Bayonne des origines à la Révolution française sont publiées par l’auteur.
L’historien préface encore des ouvrages sur l’histoire mouvementée de l’Adour qui traverse Pays Basque et Béarn ainsi que les Landes, le thème de la vie des révolutionnaires à Bayonne nourrit ses travaux, la personnalité d’Augustin Chaho le séduit, les grandes étapes de l’urbanisation de la ville au fil du temps le fascinent, le rapport de la capitale du Labourd, Ustaritz, avec la révolution l’inspire.
Les archives de la SSLA sont une mine de connaissances sur de tels sujets.
La vie de la presse locale typiquement bayonnaise au XIXème siècle, l’enrichit. La figure de Bertrand d’Echauz le passionne... Nombre de ces textes inédits seront publiés au sein du Bulletin de la SSLA, Société des sciences lettres et arts de Bayonne..
Directeur de thèse, il dirigea un travail sur l’immigration portugaise à Pau, reliant sans discontinuer le rapport de Pau-Bayonne du lien indélébile de ces deux villes à travers des thèmes retenus comme celui des Regards sur l’histoire de Bayonne et du Sud-Ouest aquitain.. (Mélanges universitaires offerts à l’historien sous la direction de Josette Pontet en 2002).
La complicité intellectuelle d'Henri Grenet, maire de la cité, avec Pierre Hourmat s’exerça autour de Georges Hahn, initiateur des "Entretiens de Bayonne" qui, des années durant, firent florès dans la région du Labourd.
Georges Hahn, directeur des Editions Privat à Toulouse, avait introduit tout d’abord au Collège Francois Xavier d’Ustaritz, ensuite à Landagoyen puis à Bayonne, le projet des entretiens auxquels participèrent des invités de la vie culturelle et politique de tous bords.
Bayonne, pendant ces années 80 et suivantes, entretenait cette fibre intellectuelle à laquelle Pierre Hourmat participait par les liens personnels qui le rattachaient aux édiles de la ville.
Une ville qui n’a cessé d’entretenir ces espaces culturels singuliers et pluriels au fil de son histoire.
On peut se souvenir de la tentative de revitaliser les "Entretiens de Bayonne" par le Dr Nadin, puis encore les récentes "Confluences", contrariées par la covid comme toute vie culturelle présente, qui témoignent de cette curiosité culturelle propre à la cité et à ses habitants.
Quelque temps avant l’épidémie par exemple, l’architecte Nouvel vint à la mairie donner une conférence un samedi après-midi pour un public qui semblait confidentiel. Or, l’arrivée inattendue de centaines d’auditeurs transforma le Grand salon en théâtre ouvert de gens debout, dans les couloirs de la mairie, qui venaient à la source, écouter le témoignage d’un créateur génial de sa génération, accueilli par les Bayonnais avec admiration et sympathie !
Pierre Hourmat demeure parmi nous une figure admirée et rigoureuse de son temps. Avec une présence appliquée et exigeante, l’auteur n’eut de cesse de travailler et de produire des ouvrages référencés sur la ville et sa population qu’il affectionnait particulièrement.
A 98 ans et des décennies de travaux intellectuels continus, l’homme séduit, inspire de l’admiration et de l’attachement. Pierre Hourmat le plus gascon, le plus landais, le plus basque d’entre tous ?
Qu’importe sa réputation ! Son empreinte est universelle à ces sensibilités diverses qui qualifient la personnalité intense d’un “honnête homme” de son temps !
2 – Baiona,” nunquam polluta”!
Telle une devise immortelle, la ville rapporte sa vocation jamais dénaturée de son origine et de son histoire. L’historien en donnera le tracé résumé en ces quelques extraits savoureux publiés il y a quelques années dans "l’Express".
“Aux confins de la France, à l’orée de l’Espagne, au confluent de l’Adour et de la Nive, niché sur une butte, on a l’emplacement idéal pour édifier une place forte. Les Romains ne s’y sont pas trompés qui ont installé sur la hauteur du Grand Bayonne aux marches de l’empire, le Castrum du Lapurdum, un important camp de 8,5 hectares d’usage militaire.”
Et de ce décor planté in situ, suivent les questionnements de l’historien : Baiona ou Ibai -ona, gascon ou basque ?
Question de sémantique ou d’humeur personnelle d’une population aux traits identitaires variables ? Interrogations du passé ou bien celles encore d’aujourd’hui ?
La contribution savoureuse de l’auteur laisse goûter aux prédilections possibles “des senteurs perpétuelles de la vie bayonnaise !”
Pierre Hourmat soulignera qu’à partir du Vème siècle, c’est le grand vide dans la vie de la cité, avant la venue ombrageuse de barbares normands pendant cinq siècles de terreur et d’invasion.
On commencera à écrire l’histoire de Baiona, Ibaiona selon le stylet emprunté pour le faire, avec le réveil religieux du Xème siècle, la restauration d’un évêché dans la ville et l’installation du vicomte du Labourd.
Le XIIème siècle créera l’urbanisation des basses terres de la cité dites du Bourg Neuf, sur la rive droite de la Nive.
Date mémorable, le mariage en 1152 d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt ouvre la ville à la présence anglaise, longue et prospère pour ses habitants.
Un âge d’or, dira Pierre Hourmat, qui dura jusqu’à la fin 1451 et la reconquête de la ville par Charles VII, ces guerres sempiternelles avec l’Espagne, celles ayant trait aux religions au XVIème siècle, Bayonne dans l’adversité et l’épreuve, demeurera "numquam polluta" et résistera aux conquérants.
Bien d’autres drames suivront, ceux des épidémies, de la peste et des difficultés économiques jusqu’à l’avènement d’Henri IV et son règne de 1589-1610, soulignera Pierre Hourmat.
Dans le descriptif commenté et illustré de la Ville de Bayonne par l’auteur, son histoire, ses enracinements, ses origines, le narrateur détaille le récit du Château Neuf, celui du Château Vieux historique et anglais, la Cathédrale et les couvents du Petit Bayonne, des portées de la Nive, (les cordeliers, les jacobins, les dominicains...)
Et puis encore le déroulé physique, géographique et historique de l’Adour, par son détournement au XVIème siècle, les conséquences induites d’un tel désastre économique pour les usagers du cours d’eau, le profil de Louis de Foix, salué à Bayonne comme un sauveur de la cité quittant des Landes l’embouchure vers Boucau neuf, toujours landais mais proche de la vie bayonnaise.
“Nunquam Polluta”, au delà de la devise reprise plusieurs fois sous d’autres cieux par les témoins actifs de la vie de la cité, militaires, économiques, acteurs de la vie sous d’autres logos, tels - Qui ose gagne – Bethi bethi segui - Aintzina bethi, l’historien bayonnais Pierre Hourmat sut s’en inspirer longuement pour désigner le propre singulier jamais défiguré de la personnalité des Bayonnais d’hier à aujourd’hui !
NDLR : nous remercions Mmes Josette Pontet, présidente, et Sylvie Rouaux, de la Sté Sciences, Lettres & Arts de Bayonne, qui nous ont aimablement procuré les photos de Pierre Hourmat, la remise de la médaille de la Ville en novembre 1993 à la mairie de Bayonne, ainsi que celle (en noir et blanc) prise le 9 octobre 1991 devant le perron de la Bibliothèque municipale de Bayonne à la suite d'une réunion des membres du bureau élargi de la S. S. L. A.