Ils sont fêtés ensemble le même jour par tous les chrétiens pour rappeler que « les deux poumons de l’Eglise » ont donné tout le souffle de l’Evangile aux chrétiens du monde entier. Ils changèrent de nom, de fonction et de mission en mettant leur vie sur les pas de Jésus le Christ, pour le service de la Parole.
La tradition rapporte qu’ils moururent à Rome : Paul, décapité et Pierre, crucifié, sur des lieux mémoriels vénérés de la Ville Sainte, en l’an 64 pour Pierre, et 67 pour Paul, tous deux témoins et acteurs des origines antiques de l’Eglise.
Les orthodoxes achèvent un temps de carême des apôtres à la veille des célébrations des deux saints patrons de l’Eglise. Et à Saint-Pétersbourg, on admire les premiers édifices de l’ancienne capitale impériale fondée par Pierre le Grand, la forteresse St-Pierre-et-St-Paul et la cathédrale du même nom qui renferme les tombeaux des souverains russes.
En de nombreux pays, cette date du calendrier donne lieu aux ordinations sacerdotales, et à Rome à la remise du pallium, le « vêtement » que portent les archevêques nouvellement élus par le pape, cette écharpe particulière qui entoure leur tête leur signifiant la fonction et la charge de berger d’un troupeau dans leur église d’origine.
Saint Augustin eut la formule juste à leur égard : pourquoi les séparer le jour de leur mémoire ?
Ils ne furent qu’un depuis leur conversion. Ils sont portés par leur origine, leur tradition, leur mission dans et hors l’église, ad intra et ad extra...
Le flot de milliers de pèlerins se rendant à Rome en ces lieux vénérés pour leur fête conforte la Foi portée par les chrétiens venus du monde entier, chaque année, en cette fin du mois de juin. Sans doute, une allusion directe au message que les papes adressent lors de leurs vœux à la ville et au monde, en pensant à ces deux Grands Témoins, martyrs uniques de la foi qui ne cessent de nous émouvoir et nous sont indispensables.
Attardons-nous, maintenant, sur Pierre, le premier évêque de Rome.
1 – Pierre de Béthsaide
Pierre de Bethsaide, pécheur de son métier du côté de Tibériade et portant le nom de « Simon le révolutionnaire » semble avoir le caractère trempé d’un oriental fort de coffrage comme désigné en sa langue araméenne, et en latin comme le roc de l’église. Chef des premières communautés paléochrétiennes, il succéda à Jésus après sa mort et selon les traditions rapportées par ses fidèles, et dut quitter Jérusalem lors de persécutions successives, pour des destinations orientales et latines fort discutées par les historiens, mais bien documentées chez les hagiographes, peu ou prou soucieux des vérités historiques le concernant.
Pierre est cité dans tous les Evangiles, dans les Actes des Apôtres et les Epitres Pauliennes. Ceci, pour la littérature canonique le concernant. Et au-delà, dans les textes apocryphes numériques sur Pierre et Paul dans les temps de l’implantation de l’église primitive.
Les Pères de l’Eglise ne seront pas en reste. Eusèbe de Césarée reconnaît le premier des apôtres au second siècle de notre ère, et le qualifie de roc, de rocher et de pierre d’angle de l’église fondée sur celle du Christ lui-même.
De son surnom du côté de Tibériade - le révolutionnaire - on lui prêterait d’avoir suivi Jean le Baptiste, un croisé de son temps avec son frère André et Philippe le compagnon de route de ses débuts, soucieux de libérer la terre occupée par les Romains et renouer avec leur ancienne liberté.
Il connaissait l’araméen, l’hébreu et le grec. Sans doute pas le latin, bien qu’investi de tous les attributs de l’église latine qui demeure, rappelons-le, la fille succédant à l’église araméenne primitive, la plus ancienne dans le temps historique de la Foi. Il était marié et la mention de sa belle-mère est un détail auquel les contemporains prêtent beaucoup d’intérêt.
Avait-il des enfants ? Une femme sans doute, et qu’était-elle devenue ? Les évangiles ne répondent pas à cette enquête personnelle sur Pierre. Les hagiographes pas davantage, mais leurs récits imagés abondent de détails pittoresques !
2 – Pierre disciple de Jésus
Il est présent dans les moments importants relatés dans les Evangiles de la marche de Jésus sur les eaux, de la Transfiguration et de la Passion.
Et surtout lors du premier Concile, dit de Jérusalem, où se discutent des opinions sur « l’accueil des juifs non circoncis, des pratiques religieuses anciennes jugées idolâtres, des règles alimentaires, somme toute de la place des païens, des non juifs et des incirconcis, pour lesquels Pierre semble manifester une certaine réserve, à la différence de Paul, moins attaché à la Loi et davantage disposé à la Foi des disciples de Jésus.
En ces temps d’origine du christianisme, ces conduites religieuses et morales portaient le témoignage de l’Eglise. Pierre quittera Jérusalem et, selon les Actes des apôtres, ses voyages le conduiront à Antioche, à Achaie, à Rome, à Corinthe - où demeure son adversaire de la doctrine chrétienne, Simon le magicien, avec lequel ses rapports seront conflictuels et ponctués de procédures judiciaires.
Le Liber Pontificus rédigé en 530 reconstitue la tradition ecclésiastique des premiers siècles de la papauté chrétienne selon des sources que les recherches des historiens mettent à mal dans leur récit au fil des siècles. Mais qu’importe la vérité historique, en sus les légendes et les traditions apportant leurs propres témoignages, « le premier évêque de Rome » serait mort - ainsi que Paul - à Rome.
Faute de preuves, il y a la littérature ecclésiastique du temps qui fournit des arguments pour ce faire. Apocryphes de l’Evangile de Pierre, Actes de Pierre et de Paul, Passion de Pierre et bien plus encore, la figure de Pierre montre une dévotion particulière à sa mission : il est le roc sur lequel est portée l’Eglise du Christ.
On connait la persécution de Néron contre les chrétiens de Rome. Certains disent à ce propos que les chrétiens furent dénoncés comme les auteurs de l’incendie de Rome, non pour leur religion mais à cause de leurs agissements ressentis comme « peu patriotes » à l’adresse de l’empereur, divinité absolue au sein de l’empire, et à laquelle les fidèles de Jésus ne portaient pas une dévotion véritable.
Mais les Pères de l’Eglise, Clément de Rome - l’un des premiers -, Ignace d’Antioche, Eusèbe de Césarée, ne tarissent pas de gratitude pour saluer la figure de Pierre et sa place comme chef désigné par Jésus à la tête de l’église. Accommodant si nécessaire les aspérités existantes entre Pierre et Paul, deux personnalités juives bien différentes, de quelques correctifs historiques pour rendre leur complicité possible et pour le moins admise dans les églises.
3 - Le choix de sépulture à Rome était capital pour ces témoins privilégiés de l’histoire de l’Eglise.
Le romain Gaius désigne le lieu où serait enterré Pierre dans la cité. Eusèbe de Césarée conforte ces sources en citant Denys de Corinthe et Zéphyrin de Rome. Le professer et le faire savoir représentaient des certitudes auxquelles il fallait adhérer. La tradition romaine ayant partagé cette histoire de la mort et de la sépulture romaine du premier chef de l’église, églises, sculptures, mémoriels et espaces sacrés ont habillé la ville latine pour laquelle il ne fait aucun doute que Pierre ait séjourné à Rome, et y fut fait martyr de la Foi entre 64 et 68, ajoutant que 64 pourrait convenir pour Pierre et 68 pour Paul.
Michel Ange - dans le « Martyre de Pierre » - et les peintres ont gravé et représenté Pierre et Paul en ces lieux pour les générations suivantes. Il ne viendrait à l’idée de personne que leur mort ait pu avoir lieu en Orient, sinon en Occident chez les latins que nous sommes. Cependant, de Pierre comme de Paul, les chrétiens de Jérusalem - d’Antioche et de Rome - reconnaissent la valeur unique de leur adhésion au Christ par leur vie et leur enseignement. Sans eux nous ne serions sans doute point devenus ce que nous sommes, des fidèles d’un certain Jésus crucifié, ressuscité et vivant par la Foi aux quatre latitudes du monde d’aujourd’hui, dans une vie de partage, de fraternité et d’humanité.
François-Xavier Esponde