Il y a huit ans, l’Islande mettait fin à une parenthèse de 400 ans, en abrogeant un décret qui permettait de tuer des Basques en tout impunité.
Au XVIIème siècle, les baleines devenant rares dans le golfe de Gascogne à cause (déjà !) d'un réchauffement des eaux, nos pêcheurs basques partaient la chasser au large des côtes islandaises, sous le nez des marins locaux qui n'appréciaient guère...
D'autant plus que la population locale connaissait une famine sérieuse après un hiver particulièrement rigoureux, ce qui accentua les tensions.
Profitant du naufrage de galions basques, un responsable local ordonna en 1615 l’exécution des trente-deux marins naufragés. Quand les autorités durent enquêter, l’administrateur de la région prit une position radicale et déclara que les Basques pouvaient être tués en toute impunité.
C'est sur ces entrefaites que des représentants des chantiers navals Albaola de Pasajes / voyez notre article :
https://www.baskulture.com/article/pasajes-baptme-de-la-patachejuania-larandoau-chantier-naval-dalbaola-4226
viennent de se rendre en Islande, dans le fil de cette histoire commune qui avait naguère opposé les Basques aux Islandais, afin de lancer un nouveau projet.
“Basque Association in Iceland”, commémore l´histoire commune entre l´Islande et des marins du Pays Basque qui avait cependant débuté sous de meilleurs auspices, une sorte de langue commune, le pidgin, ayant même été créée à l'époque (avant la tragédie de 1615) pour mieux se comprendre – il existe un dictionnaire conservé à Reykjavik qui le prouve !
L´association a pour objectif d´établir un Centre basque sur le site commémoratif de Djúpavík, dans la région de Strandir située dans les fjords occidentaux d´Islande.
Cette région est celle ayant le lien le plus étroit avec les marins basques qui partaient pour l´Islande.
Connu pour ses industries liées à la mer, c'est précisément au large de ce petit village de Djúpavík qu'avait eu lieu en 1615 le naufrage de baleiniers basques suivi de l'exécution des survivants.
C'est ainsi qu'Albaola avait été invitée en 2021 à participer à la création du Centre basque destiné à commémorer l´histoire de ces deux petites nations d´Europe liées à la mer, la basque et l'islandaise.
Cet objectif coïncide pleinement avec ceux d´Albaola d´établir de nouvelles relations, de sensibiliser de nouveaux publics et de développer de nouveaux projets qui mettent en valeur notre histoire maritime
Les partenaires islandais pourront ainsi créer un héritage faisant partie du patrimoine culturel maritime vasco-islandais. Albaola apportera son expérience concernant la chaloupe baleinière au service du projet, puisque est spécialiste de la construction de chaloupe baleinière.
En 2006, une expédition d´Albaola menée par son président Xabier Agote fut l´occasion de naviguer à la voile et l´aviron sur l´estuaire du Saint-Laurent au Canada. Cette expédition dénommée Apaizac Obeto constitua une expérience d´archéonavigation lors de laquelle 1000 miles nautiques furent parcourues sur l´une des répliques de celle que Parks Canada trouva à Red Bay.
Albaola aura donc trois tâches à accomplir dans ce projet.
- Premièrement, l´organisation d´un colloque à Albaola, Faktoria maritime basque, le 16 et 17 octobre. Ouvert au public, il rassemblera constructeurs et historiens navals des membres du consortium pour partager des connaissances concernant la charpenterie de marine basque et notamment la construction de baleinières.
- Deuxièmement, une formation intensive à donner à quelques charpentiers de marine islandais pour la construction d´une chaloupe baleinière. Celle-ci aura lieu au chantier naval de Pasaia avec un premier workshop d´initiation en octobre prochain, suivi d´une plus longue formation en 2024.
Tout cela pour que les charpentiers islandais puissent construire une chaloupe baleinière dans le nouveau Centre basque de Djúpavík, face au public.
Finalement, le directeur scientifique d´Albaola, Xabier Alberdi, a été chargé de superviser les contenus de l'exposition qui accompagnera la construction de la chaloupe baleinière à Djúpavík et apportera ses connaissances historiques sur cet important chapitre historique. Le musée aura pour nom Baskasetur et évoquera les liens entre Basques et Islandais avant le tristement célèbre massacre de 1615.
Culture et traditions seront réunies dans une exposition accompagnée d´ateliers, d´activités, de concerts et de manifestations artistiques. Y seront évoquées l´histoire des baleiniers basques en Islande mais aussi la situation actuelle de l´environnement marin. Les petites communautés de pêcheurs locaux y seront notamment impliquées.
L´objectif est de créer une exposition basque permanente pour commémorer la culture et le patrimoine en commun partagé par basques et islandais, pour pouvoir trouver des points de convergence dans l´histoire et l´actualité.
Le processus de construction du musée a déjà commencé et l´inauguration de l´exposition est prévue pour 2025, dans le cadre d´un projet de trois ans cofinancé par le fonds communautaire européen Creative Europe. Porté auprès de l´Union Européenne par la Basque Association in Iceland, Albaola n´en est pas le seul représentant. L’association est accompagnée par différents acteurs du monde culturel basque et des institutions islandaises. Parmi elles l´association musicale basque Haizebegi ou l´University Centre of the Westfjords (University of Iceland). Les autres collaborateurs seront Strandagaldur ses, Hótel Djúpavík et Árneshreppur.
Après des mois de travail ensemble, les responsables de chaque organisme doivent se rencontrer en Islande afin d'y visiter et inaugurer l´espace d´exposition de Djúpavík, avec un concert de txalaparta du groupe basque Habia, le tout organisé par le partenaire Haizebegi.
Ce sera aussi l´occasion de préparer la prochaine rencontre d´octobre pour connaitre l´écosystème d´Albaola concernant la préservation et la diffusion du patrimoine maritime matériel et immatériel. Et bien sur l´occasion de voir la chaloupe baleinière en vrai, ainsi que la construction du baleinier San Juan, parrainé par l´UNESCO depuis 2015.