1 - L’histoire est un récit aléatoire dans le texte et peut s’exprimer diversement selon les époques. Noël et les fêtes du changement de saison de décembre ne sont pas exempts de cette évolution dans le temps.
Dans l’antiquité des origines, la naissance de Jésus « ce Dieu qui sauve » dans le texte n’a pas les faveurs ni l’importance que lui donneront les siècles suivants.
Pour les premiers fidèles du Christ, c’est sa résurrection première et les récits de ses manifestations qui primeront sur les récits de l’enfance.
Origène, au IIIème siècle de notre ère - encore proche du témoignage des martyrs de la Foi -, met ses fidèles en garde contre l’imagerie de Noël embuée de coutumes païennes et sans doute de pratiques superstitieuses, comme relaté par les saturnales et les cultes à mystères tournés vers le firmament, si présents dans le paysage culturel de ces époques à l’heure du solstice de décembre.
En 353, rapportent des témoins, une liturgie chrétienne atteste la naissance d’un enfant roi exceptionnel, mais il faudra attendre encore une dizaine d’années, jusqu’en 362-63, pour entendre une prédication autorisée sur le sujet.
Noël est pour les anciens et les Romains « une célébration cosmique », où la référence au soleil et au firmament des étoiles dans le ciel annonçant le changement de saison prend le pas sur le Fils de lumière incarné en un certain Jésus reconnu par les premiers témoins dans son incarnation humaine.
2 - François d’Assise, postérieur au Moyen Age, imagine la crèche où deux personnages familiers de la campagne environnante, l’âne et le bœuf, figurent dans le paysage de l’Enfant Dieu de la crèche. Mais il ne s’agit pour l’heure que de figurants, en attendant de voir chez les jésuites de Prague - en 1562 - la première représentation grandeur nature d’une crèche de personnages bibliques vivants bien situés dans le temps de l’histoire sainte.
Les Français, qui ne sont pas de reste, apporteront dès le XVIIème siècle (chez les Oratoriens de Paris) une touche familiale à l’enfant Jésus et à ses parents placés dans une crèche vivante en ses débuts. Ce sera la nouveauté car dans une société où ni la mère ni l’enfant ne sont des sujets autonomes, leur présence autour du père et des siens est un message fort sur la portée de toutes les familles humaines semblables à celle de l’enfant Jésus, d’inspiration biblique.
Mais entre le 25 décembre et le 6 janvier, période traversée par des rites et des traditions grégaires et anciennes, d’autres cultes - dont celui de l’âne et des fous, et cette curieuse représentation des Innocents le 28 décembre de chaque année -, pléthore d’expressions culturelles d’avant le christianisme demeurent et se perpétuent, travestissant parfois le message chrétien des évangiles ou l’obligeant à pactiser avec ces usages toujours en faveur chez leurs adeptes. Saint Sylvestre en est un autre exemple et l’Espagne en demeura un vivier fervent !
3 - Au cœur de la Réforme protestante, on constate peu d’empressement pour ces rites de la terre que les Réformés vont vouloir supprimer, parfois par la force, quand ils le peuvent.
Nos régions où les catholiques coexistaient avec les calvinistes le surent à leurs dépens. Avec peu de résultats, semble-t-il, car une fois passées les sanctions contre les fidèles réputés superstitieux, ces derniers renoueront avec leurs antiques cultes grégaires.
N’oublions pas enfin le volet royal ou politique du Baptême de Clovis à Noël (à la fin du Ve siècle) dans un temps originel de la Foi du Royaume de la Gaule. En s’identifiant ainsi à l’Enfant-Dieu le jour-même de sa naissance, chacun comprend que le Roi est investi des grâces souveraines de Dieu pour le gouvernement de son royaume.
Dans les années troublées de 1870 et pendant la guerre de 1914 – 18, Noël est célébré comme fête d’unité de la nation française et modèle des familles en quête de sens sous le poids des morts sur le champ d’honneur. Patrie et Nativité d’un pays déchiré par la guerre inspireront aux gouvernants de chaque époque un regain d’intérêt pour la famille humaine, semblable à celle de l’exode de Jésus dans la condition de pauvreté d’une crèche et d’une naissance bien incertaine.
Noël demeure une fête religieuse avec ses multiples inspirations dans le terreau historique du pays, jamais épargnée de l’intérieur ni de l’extérieur par toutes sortes d’ influences qu’elle doit subir parfois malgré elle !
François-Xavier Esponde