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Critique
Monte-carl’Toccatas, nouveaux CD de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague
Monte-carl’Toccatas, nouveaux CD de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague
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| Alexandre de La Cerda 1166 mots

Monte-carl’Toccatas, nouveaux CD de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague

Nous avions déjà évoqué dans nos précédentes « Lettres » l’extraordinaire saga de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague qui déroule la partition d’un jeune musicien bayonnais aux ascendances garaztar dont le talent musical s’est remarquablement épanoui sur le fameux « Rocher » monégasque. Ainsi, il y a cinq ans , des millions de téléspectateurs à travers le monde avaient écouté sa musique dont plusieurs partitions avaient été jouées lors du mariage du prince Albert de Monaco. Car, cet ancien lauréat de la classe d'orgue du conservatoire de Bayonne où il étudia au début des années 80 - également médaille d'or en 1986 de la classe d'orgue de Xavier Darasse au conservatoire de Toulouse - est titulaire des orgues de l'église du Sacré-Cœur dans la Principauté de Monaco, une belle église fondée par les Jésuites qui a bénéficié d’une importante restauration, dont celle de son instrument. Déjà auteur de nombreuses œuvres dont certaines, telles ces « Paraphrases de cantiques populaires basques », ainsi qu’un recueil de pièces de concert pour orgue symphonique intitulé « Impressions Romanesques d’Ilbarritz » s’inspirent de son pays d’origine, Jean-Christophe Aurnague vient d’éditer un nouveau double album d’une richesse et d’une diversité rarement égalées. Qu’on puisse encore composer pareille musique à notre époque tient du miracle, et ce prodige, Jean-Christophe Aurnague l’a réalisé avec un pur chef-d’œuvre : les deux CD de « Monte-carl’Toccatas ».

Et quelle surprise, quel plaisir de découvrir dès le début de l’enregistrement cette « Ode aux sources » (sur le cantique populaire basque Erkundego Ama Birjina), et Dieu sait si elles sont nombreuses et bienfaisantes au Pays Basque (voyez mon article « Les eaux vives du Pays Basque » dans notre « Lettre » du 2 février), tout comme cette belle composition de  J.-C. Aurnague, aussi mélodique dans sa pureté que limpide : une vraie source de bonheur et de sérénité ! Et dans les morceaux suivants, le hautbois de François Meyer procure de « l’allant » à la musique. Quant à la « Toccata en ut mineur, elle confère une note majestueuse « Grand Siècle » à l’orgue que la « Suite ailée » fait s’envoler vers des lointains espaces, accessibles aux âmes pures dans leurs rêves étoilés. Car, ce sont bien la Foi, l’Espérance – et j’allais ajouter l’Amour, comme dans l’Église orthodoxe « Véra, Nadiéjda i Lioubov », mais ici, c’est la Charité (qui va de pair avec l’Amour) – que notre compositeur garaztar a mis en exergue pour inviter à la méditation…

Le début du deuxième CD de « Monte-carl’ Toccatas » relate toute une histoire « sur flots » (fluxorum) de la principauté avant que les battements d’ailes de la « Toccata angelorum » n’attirent l’auditeur vers l’infini des espaces célestes aux riches et intenses couleurs sonores de la « Toccata caelorum » ! Sur ces cimes musicales, le cor anglais de  François Meyer (soliste à l’Orchestre Symphonique du Rhin et au Philharmonique de Nice) s’allie merveilleusement à l’orgue dans la mélodie un brin nostalgique du « Chant séraphique ». Et dans la « Fantaisie médiévale sur le cantique Chez nous soyez Reine », je doute que l’on ait jamais tiré de ce populaire chant marial une telle profusion de thèmes et de couleurs qui abreuvent l’âme à satiété ! Quant à l’« Ode à la Princesse Charlène » qui conclut ce deuxième CD, l’orgue est heureusement soutenu par la belle mélodie à la trompette (d’Hervé Féraud, médaille d’or à l’Académie de Musique Rainier III et au conservatoire rég. de Perpignan) qui rend hommage à la princesse régnante monégasque, ponctuée de quelques « éclats » rehaussant sa solennité.

Une brillante carrière musicale débutée à Bayonne

Pour en revenir à notre jeune musicien né à Bayonne d’un père aux origines baigorriar et d’une mère issue d’une dynastie de maître-verriers et de musiciens lorrains – son arrière-grand-père fut maître de musique en Alsace –, il avait débuté son initiation musicale à la cathédrale de Bayonne, lorsqu’à la sortie de la messe, il déclara à ses parent, sur le ton résolu de ses six ans, en pointant du doigt sur le grand orgue : « Cest ça que je veux faire » ! Des années plus tard, l’organiste se souvient de cette impression mêlée de peur et d’exaltation qui l’avait saisi, enfant : « Peur d’être enfermé, là-haut, à la tribune de lorgue, mais extasié par la musique »… Plus tard, en hommage à Notre-Dame de Bayonne « dont l'imposant vaisseau gothique constitue, l'antichambre des cieux » et pour laquelle il éprouve « une véritable affection filiale », il composera sa « Fantaisie médiévale » inspirée du cantique du chanoine Huet « Chez nous soyez reine », entonné par « des générations de voix ferventes en dévotion à la reine du ciel ». Cette pièce est inscrite au programme de ses nouveaux enregistrements.

Malgré la mutation de son père à la tête du Crédit Agricole garaztar – Jean-Christophe avait dix ans -, il reçut ses premiers cours de Renée Germain qui avait succédé à son maître Ermend Bonnal sur l’Orgue Impérial de Saint-André à Bayonne, avant de poursuivre sa formation aux grandes orgues de Saint-Jacques à Pau avec Jean Laporte, disciple d’André Marchal, puis dans la classe de Marie-Bernadette Carrau au Conservatoire régional de Bayonne (deux médailles dont une de vermeil à l’unanimité). Admis dans la classe de Xavier Darasse et dans celle de Jan Willem Janssen (clavecin) au Conservatoire de Toulouse, ainsi qu’auprès de l’organiste Michel Bouvard, notre jeune basque suivra parallèlement les cours de formation musicale, analyse, histoire de la musique, musique de chambre, harmonie, contrepoint. Il y obtint en 1986 une médaille d’or premier nommé et la ville de Toulouse lui décerne le prix Vidal. Cette même année, il sera recruté sur concours à Saint-Jean-de-Luz pour y succéder à Daniel Matrone à l’orgue de l’église Saint-Jean-Baptiste.

Mais une rencontre provoque alors l’étincelle de sa destinée : Dominique Baubet, titulaire de l’église Saint-Paul à Paris lui fait faire des « remplacements » aux grandes-orgues de la capitale qui avaient, toutes, leur titulaire, avant qu’un séjour de vacances à Menton où il interprète « une messe médiévale en costumes d’époque » ne le retienne à l’orgue de la basilique Saint-Michel où il sera remarqué par le curé du Sacré-Cœur de Monaco… Est-ce un hasard, Ermend Bonnal y avait donné un concert. Mais Jean-Christophe Aurnague ne croit pas au hasard : comme titulaire des orgues de l’église du Sacré-Cœur de Monaco qui appartenait anciennement aux Jésuites, n’y retrouve-t-il pas des vitraux de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier qui l’« encadraient » également lorsqu’il jouait à Saint-Jean-Pied-de-Port ? Tout en donnant de nombreux concerts avec les orchestres de Nice et de San Remo ainsi que des chanteurs d’opéra, notre organiste-compositeur n’en garde pas moins au cœur une secrète nostalgie pour son Pays Basque natal où il retrouve régulièrement ses cousins germains, l’avocate garaztar Marielle Aurnague-Chiquirin et Mixel Aurnague, passionné de linguistique basque.

« Monte-carl’Toccatas » chez Liamar Editions, 41 avenue Hector Otto à Monaco, tél. (+377)  97 77 16 39 – devrait être également disponible fin mars chez Pradier à Bayonne (7, place Pasteur, près de la cathédrale).

 

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