Toute la sensibilité et le don d'observation d'Yves Ugalde dans cette belle chronique sur le Festival "Confluences" à Bayonne qui se poursuit en cette fin de semaine :
Hier matin à l'invitation de Pierre Vilar, instigateur du Festival Confluences, Fábio Lopez a participé à une table ronde aux côtés de Maya Lauqué, Mizel Théret et Tony Le Guilly autour de la thématique « Art du Corps».
Très beau moment au Grand Salon de l'Hôtel de Ville.
Ce dimanche matin, dans le cadre du festival Confluences, cette année "Arts du corps, arts du sport", la danse était au cœur des interventions des conférenciers, dans le grand salon de l'hôtel de ville. Maya Lauqué, présentatrice de "La Quotidienne" sur la chaîne France 5, est venue témoigner de sa première vie de danseuse comme petit rat de l'opéra de Paris.
Dans l'assistance, son père, Henri, le président de la commission extramunicipale des fêtes de Bayonne. Un auditeur pas vraiment comme les autres, à l'écoute des mots de sa fille qui, aujourd'hui, sait trouver les bons pour évoquer une période de jeunesse où sa passion pour la danse est venue percuter un niveau de discipline hors du commun.
Pour être un ami d'Henri et de son épouse Christine, adjointe au maire chargée de la solidarité, je sais que ces années d'enfance et d'adolescence ne furent pas d'une sérénité totale. Une petite Bayonnaise, scolarisée à Saint Bernard, et qui veut consacrer sa vie à la danse classique et qui, pour ce faire, satisfait aux recrutements du conservatoire pour aller frapper aux portes du palais Garnier, ce n'est pas tout à fait dans l'ordre des choses.
Maya a maintenant pris les distances nécessaires par rapport à cette phase de vie pour analyser les ressorts d'une passion qui l'a conduite à des frontières ténues de souffrances psychologiques et physiques. Séparation d'une famille unie, dortoirs de l'école de danse la plus exigeante de France à 800 kilomètres de la maison et, par dessus tout, cette rigueur qui confine à une exigence militaire.
Dans la salle, Henri écoute et doit refaire dans sa tête le parcours qui l'a mené, avec sa femme Christine, à l'opéra de Paris où, à l'âge des poupées, il a laissé sa fille dans cette maison mondialement célèbre, mais où bien des enfances ont été broyées.
Maya parle de passion et quoi de plus exaltant pour des parents que de tout faire pour que leurs enfants la vivent à plein. Que de larmes intérieures, ou pas, il a fallu, en revanche, écraser pour que l'objectif soit vécu, faute d'être toujours atteint. L'inaccessible étoile...
Henri a entendu sa fille, aujourd'hui vrai pro des plateaux télé, poser des mots intelligents et sensibles sur une tranche de vie dont je sais ce qu'elle fut complexe et pleine d'interrogations douloureuses pour son épouse et lui. Ce corps contraint, parfois martyrisé (moins dans les classes d'aujourd'hui paraît-il) pour entrer dans le moule de maintiens contraires à ce que la nature conseille, et qui, un jour, laisse éclore une nouvelle dimension. Celle de ces trois, quatre pirouettes, assurées à la suite et qui transportèrent Maya dans un espace de liberté donnant enfin du sens et la lumière à ce qui ressemblait bel et bien à un tunnel.
Le visage de Maya s'éclaire à l'évocation de cette accession à la libération d'un corps transformé pour ce qu'on peut enfin considérer comme la bonne cause. Et cela, a-t-elle dit, pour la vie entière.
Les traits de visage d'Henri, seul sur sa rangée, se sont adoucis. La fin de l'histoire est belle. Il voit sa fille heureuse et épanouie. Le jeu en valait vraiment la chandelle. Tant d'illusions de gosses sont restées rentrées ailleurs, dans nos propres vies. Et quelle souffrance, elle sédentaire et les pieds figés au sol, c'est aussi... Aider son enfant à pousser des portes aussi lourdes, n'est-il pas la plus belle preuve d'amour qui soit ?
La suite du programme de "Confluences" sur le thème « Arts du corps, arts du sport » en cette fin de semaine :
- Samedi 15 février à 16h, au musée Basque, « Sorti de sa réserve » avec l’ écrivain Bernard Chambaz.
- Dimanche 16 février à 11h, Grand Salon de l’Hôtel de Ville, dialogue animé par Pierre Vilar avec Isabelle Mir (médaillée olympique, neuf victoires en coupe du monde), Marielle Goitschel (championne mondiale à seize ans, deux médailles d’or olympiques, sept en championnat du monde, sept fois championne de France) et Bernard Chambaz sur « Le ski, un sport qui se danse ». Suivi à 16h, au Grand Salon de l’Hôtel de Ville, d’une rencontre animée par Pierre Vilar « Par les routes » avec Bernard Chambaz (historien, romancier, poète, chroniqueur, voyageur et sportif d’exception qui a toujours lié l’écriture à sa pratique sportive (cycliste Tour de France, d’Italie, d’Espagne, prix Goncourt du premier roman pour « L’Arbre de vies » en 1993, prix Apollinaire et Grand Prix de Littérature sportive en 2014, auteur en 2019 du roman « Un autre Eden ») et Sylvain Prudhomme (prix Femina 2019 pour « Par les routes » chez L’Arbalète/Gallimard, Grand Prix du Roman de l’Académie française, Renaudot des Lycéens, voyageur, traducteur, collecteur de contes et reporteur).