1 – A propos de Magdala
Marie de Magdala dans sa traduction en français Marie Madeleine est citée douze fois dans les quatre évangiles. Jean dit bien que Marie Madeleine a été la première à avoir vu Jésus le ressuscité au matin de Pâques après la mise au tombeau. Dans celui de Marc, la mention de Marie Madeleine sera ajoutée à son évangile à la fin du IVème siècle, comprenez par ses disciples qui feront connaitre ce message contenu dans l’évangile de Marc.
Mais les commentaires divergent, et sur Magdala, endroit difficile à situer dans la géographie de l’époque, et sur la personne de Marie Madeleine que l’on associe à Marie de Béthanie présente au repas servi chez Simon... Les affirmations des auteurs de l’Antiquité se heurtent à la recherche historique et à la mémoire des témoins qui s’intéressent davantage à la personne de Marie Madeleine qu’aux preuves vérifiables de son origine et de son histoire. Parmi toutes les Marie présentes autour de Jésus.
Chez les orthodoxes, les choses demeurent immuables. On distinguera Marie et Marthe sans demander davantage pour respecter la mémoire sacrée de ces témoins des origines de l’Eglise.
La définition de « Magdala » voudrait signifier une construction en forme de tour ; s’agira-t-il d’une image de tour de la foi, ou d’un lieu bien défini dans l’espace et le temps dominé d’une tour ? Les hypothèses fleurissent au cours du récit, car Marie Madeleine est relatée comme témoin de première place des évangiles par les uns, comme une femme favorite pour d’autres, selon l’image que l’on pouvait se faire de la femme, de l’épouse ou de la mère dans le cours de l’histoire elle-même et dans l’entourage même de Jésus.
Le Talmud parle de Magdala, peut être en lien avec le temps de l’expulsion des Juifs de Jérusalem en 66 –70, et de la villégiature à Magdala de la communauté en exode.
Dans les évangiles, Magdala serait sur les bords du Lac de Tibériade où Jésus aurait délivré Marie Madeleine de ses sept démons comme le faisaient les thaumaturges du temps : guérisseur, médecin, consulté pour libérer les esprits et les cœurs des poids de leur vie.
Sachant que toute affection de santé était pour les anciens le fait du Malin, et les maladies et les infirmités, sa conséquence. On trouve mention dans l’évangile de Marie Madeleine, de Jeanne de Chouza, l’épouse de l’intendant d’Hérode, ou encore de Suzanne, comme des dames de bienfaisance au sein de la naissante communauté des chrétiens.
2 – Une présence continue.
Marie Madeleine est toujours présente auprès de Jésus, sans en connaitre toutes les fonctions, avec d’autres femmes proches et fidèles à sa personne, au pied de la Croix, lors de la mise au tombeau du corps de Jésus, et comme Témoin du Ressuscité quand ce dernier lui demande de ne pas le retenir : « Ne Me touche pas », selon les trois évangélistes Marc, Matthieu et Jean.
Seul Luc donne moins de place à Marie Madeleine. Mais les textes apocryphes de l’église sont plus diserts sur Marie Madeleine.
L’évangile de Marie dans le Codex de Berlin, texte du second siècle en copte, ou le texte intitulé Pistis Sophia, gnostique de 350 après JC, relatant le lien étroit de Jésus avec Marie Madeleine, qui est devenu un classique romancé de la littérature contemporaine sur la vie sentimentale de Jésus ! Sans oublier les récits d’Evangiles de Pierre, de Thomas et de Philippe qui se délectent à relater la place de Marie Madeleine comme disciple préférée de Jésus. Ce qui, de toute évidence, pouvait déranger à cette époque les plus fidèles d’entre les fidèles.
Marie Madeleine connut ainsi un destin singulier dans l’histoire religieuse des chrétiens. Pour les uns, elle est la figure de « l’épouse spirituelle du Christ », une image de l’église à distinguer de celle de Marie, la mère de Jésus, ou encore « l’Apôtre des Apôtres », non sans peine de l’accorder à tous ses premiers témoins au masculin, puis aussi la femme légère, de vie primesautière, attachante mais gênante pour les bien-pensants, d’une interprétation postérieure de Marie Madeleine ! Chaque époque de l’histoire des chrétiens attribue à Marie Madeleine une fonction glorieuse ou particulière, jusqu’à « la pécheresse repentie » dont on affuble sa personne en oubliant celle de ses compagnons du temps du repentir !
3 - Les auteurs et les artistes l’ont adoptée avec délice et grande faveur.
La Madeleine à Paris et celle de Mont de Marsan ont illustré sa beauté et ses charmes, pour se dégager de toute évidence des images pétrifiantes de sa nature par trop représentée au cours du Moyen Age comme une incarnation du Malin et de ses perversions possibles. Le pape Paul VI viendra à son secours en 1969, en rétablissant la figure de Marie Madeleine comme « la première disciple du Christ selon les évangiles ».
La légende rapporte que Marie Madeleine se rendit auprès de Tibère pour lui faire reproche d’avoir fait tuer Jésus. Un symbole rapporté par les chrétiens orthodoxes la représente avec un œuf à la main qui devint rouge et se déchira de sang devant le consul romain pour lui signifier sa cruauté injuste. Les récits de Jacques de Voragine n’ont pas manqué de s’inspirer de la personne de Marie Madeline, les sculpteurs la représentant dans sa beauté première, et le cinéma s’en est emparé (voyez notre rubrique « cinéma » avec la sortie du dernier film de Garth Davis, « Marie Madeleine »)...
Le couvent de la Sainte Baume dans le Midi a adopté la légende de sa présence en ce lieu saint tenu par l’ordre dominicain.
Il est évident qu’au fil du temps, Marie Madeleine, femme, épouse ou mère, a dû assumer tous les phantasmes de la nature des hommes, et les faveurs ou les blâmes des rapports entre les individus. Sa forte personne ajoutant à sa réputation les digressions possibles d’une nature passionnelle et riche de ses sentiments. Dans sa définition personnelle ou comme symbole de la féminité toujours en débat aujourd’hui, elle demeure l’objet et le sujet de la séduction d’une âme qui porte dans son être sa version physique et spirituelle de toute l’humanité. Le nombre de visiteurs qui se pressent à la cathédrale de Bayonne pour regarder le vitrail de la Cananéenne tous les ans, se préoccupent moins de la savoir de Magdala, de Cana, ou de Béthanie, sinon de son époque, la nôtre, portée par ses beautés intérieures et extérieures du temps de Pâques !
La première parmi toutes, depuis deux mille ans.
François-Xavier Esponde