Nous passâmes cette nuit-là dans une yourte. Une yourte "tout confort" : eau courante via la rivière, télévision d'un autre âge. C'est sur des tapis loin d'être neuf et peu épais que nous dormîmes.
Après cette chevauchée de trois jours, c'est avec délice que nous nous allâmes nous décrasser dans une « bania ». Une sorte de sauna à la russe, composé d'une pièce pour se laver et d'une autre dans laquelle trône un poêle chauffé à blanc qui chauffe de l'eau et des pierres lui étant adjacentes. La manipulation consiste à verser de l'eau chaude sur les pierres déjà brûlantes et essayer de survivre dans cette chaleur moite et étouffante qui peut monter jusqu'à 100°c ! Ensuite, la technique consiste à prendre une douche froide ou aller se rouler dans la neige, puis retourner dans la bania pour se flageller avec des branches de bouleau ou de chêne séchées pour améliorer la circulation sanguine et accélérer la sudation. Efficace !
C'est en voiture que nous nous dirigeâmes vers le centre du Kirghiztan pour rejoindre le village qui allait être notre "camp de base" pour notre chevauchée vers le lac Son Koul. Ce lac de 275km² dans le massif du "Tien Shan" ou "Montagnes célestes" est situé à 3000 m d'altitude dans une cuvette entourée de montagnes culminantes à 4000 m. De nouveaux chevaux nous attendaient. On avait l'impression que tous les chevaux du village avaient été réunis pour nous. Harnachés de façon rustique. Les selles traditionnelles, en bois, étaient recouvertes d'un gros coussin, les brides étaient faites de fines cordelettes. C'est équipés pour passer une nuit sous une tente en haute montagne que nous partîmes en direction du lac Son Koul. La veille de notre arrivée, il avait neigé. Dès les premières pentes, on pouvait observer çà et là de la neige fondue. Rapidement, nos chevaux grimpaient péniblement dans la neige. Afin de soulager le dos de mon cheval qui en plus de me porter, portait aussi mes larges sacoches, je décidai de marcher à ses côtés. Si généreuse fut mon initiative, elle se révéla pénible. Il m'était difficile de suivre mon cheval, après chaque pas j'étais essoufflé. Le mal des montagnes me gagnait. C'est finalement à cheval que j'atteignis le col qui nous ouvrait la route vers le lac. 3400 m. Il neigeait. Normal, à cette altitude, pour un mois de mai.
Deux bonnes heures plus tard, nous arrivions au bord du lac. Gelé. Tout comme nous. Un vent renforçait cette sensation et, le thermomètre devait être autour de 10 en dessous de zéro. Au bord du lac trônait une cahute de berger de 10m² environ, très bien isolée. Nos guides furent très surpris de les voir ici, et les bergers très heureux de nous voir. Cela faisait deux semaines qu'ils attendaient que leur village vienne les ravitailler en voiture. La route encore enneigée empêchait les voitures de passer. Les bergers nous invitèrent alors à prendre notre déjeuner dans leur logis. Et c'est assis sur d'épaisses peaux de moutons que nous nous réchauffâmes d’un poêle que nourrissait de bouses séchées un jeune berger, futur garde-frontière. Cette halte nous remit sur pied. Et nous apprîmes à notre plus grande joie qu'une yourte était vide à 100 m de là, et que nous pourrions y dormir cette nuit-là.
Nous allâmes visiter notre palace. Certes elle était libre, mais une surprise nous y attendait, une odeur très forte de mouton nous pris à la gorge, réveillant pour certains le plat offert par le shaman... Une carcasse de chèvre était dans notre yourte !
Au Kirghizstan, il est de tradition lorsque l'on tue une chèvre ou un mouton qui ne nous appartient pas, de garder la carcasse afin de la donner au propriétaire et le dédommager ensuite. Sur les oreilles de la bête, des marques distinctives de chaque propriétaire sont faites. C’est pour ça que les oreilles de ces animaux sont généralement percées de trous distinctifs. Notre carcasse était dans la yourte pour que les loups ou les chiens de nos amis bergers ne l'emportent pas pour la terminer. Nous réussîmes à nous en débarrasser tout en la protégeant des prédateurs.
Après un grand ménage dans la yourte nous montions nos deux tentes igloo dans la yourte afin d'être encore mieux isolés et du froid, et du vent.
Très vite vint l'heure du dîner que nous passâmes dans la cabane de nos amis bergers. Là nous liâmes connaissances grâce à notre guide Nurlan ainsi qu'à quelques rudiments de russe. Très vite vint l'échange de nos alcools respectifs. Vodka contre whisky (chacun avait une flasque dans sa veste, très utile à cheval !), Whisky contre kymis (prononcer "koumiss"). Chacun préférant son alcool "national".
Le kymis est une boisson très répandue parmi les peuples nomades. Il s'agit de lait de jument fermenté. C'est une boisson très aigre, un peu fumée. Aucun de nous n'en prit plus d'une gorgée...
A 9h du soir, nous nous couchâmes, presque comme tous les jours au Kirghizstan, épuisés par le froid, la montagne et les longues journées à cheval.
Le retour vers notre camp de base le lendemain fut moins difficile jusqu'au col. Puis nous dûmes descendre à pieds, nos chevaux tenus par la bride, près de 900 m de dénivelés sur un sentier enfouis sous la neige. Et très difficilement praticable.
Cette chevauchée se termina par un banya attendu de tous !
La 3ème et dernière étape de notre voyage fut au bord du lac Issik Koul. Le plus grand du pays (6236km²). Les paysages autour du lac étaient très différents de ce que nous avions vu auparavant. Des canyons arides bordaient le lac, et au loin on apercevait des montagnes recouvertes de neige culminant à plus de 6000 m.
Là, nous découvrîmes la chasse traditionnelle à l'aigle puis escaladâmes les canyons afin de profiter d'une magnifique vue sur le lac.
Avant de prendre l'avion pour la France, nous eûmes le temps de visiter Bichkek, ville développée par les soviétiques durant 70 ans. La sédentarisation de force des peuples nomades ayant contribué au développement des villes en Asie Centrale...
Ainsi s'achève le récit du périple de cinq français partis pour chevaucher dans les montagnes sauvages du Kirghizstan. Une très belle découverte, doublée d'un défi sportif et physique qui s'est soldé par deux chutes sans gravités! Découvrir ce beau pays à cheval avec un guide intéressant, passionné et attentif, rend le voyage des plus agréable et, il n'est pas exclu que nous y retournions. Nos hôtes nous ont proposé une chasse au loup. Plus de 5000 peuplent les montagnes kirghizes et déciment les troupeaux l'hiver. Nous vous raconterons ce voyage bien entendu.