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Tradition
L’odyssée kirghize de deux jeunes globe-trotters aquitains (I)
L’odyssée kirghize de deux jeunes globe-trotters aquitains (I)
© B. de B. & F. de L.

| Bertrand de Bézenac 1255 mots

L’odyssée kirghize de deux jeunes globe-trotters aquitains (I)

Deux très bons amis, dont l’un vient de se marier, Bertrand de Bézenac et François de Laitre, ont effectué plusieurs périples au Kirghizstan, l’un en mai 2015 et le second, l’hiver dernier, à l’occasion d’une chasse aux loups – animaux réputés nuisibles dans ce pays, car massacreurs de troupeaux –. Ils ont accepté de livrer à nos lecteurs le récit de  leurs expéditions dont nous publions ici la première partie, accompagnée de magnifiques photos prises au cours de leurs chevauchées à travers d’immenses plaines, avant de franchir des cols enneigés à plus de 3600 mètres d’altitude, longer des lacs gelés, et dormir dans des yourtes …  Ces petits chevaux kirghizes qu’ils ont trouvé « étonnants, tant par leur endurance que par leur capacité à traverser des zones escarpées », nous feraient volontiers songer à nos pottoks ! « Depuis l’indépendance de la Kirghizie, la population est retournée à ses coutumes nomades d’antan. La plupart des usines ont fermé, les tributs ont repris leurs terres, leurs troupeaux et ont repris leurs habitudes. Ils ont conservé les infrastructures construites à l’époque Soviétique et préservé le système d’éducation », nous précise François de Laitre. « La population est cultivée, parle le Kirghize et le Russe, et est très accueillante. Nous avons toujours été accueillis chaleureusement par les habitants tout au long de notre périple. Ce pays vaut vraiment le détour pour ses paysages et sa population »…
Voici la relation de ce premier séjour kirghize sous la plume de  Bertrand de Bézenac.
ALC
 
C'est avec trois compagnons que François et moi partîmes pour le Kirghizstan. L'objectif de ce voyage était de faire une randonnée autour des trois principaux lacs du nord du pays : le lac de Torktugul, Song Koul et Issy Koul.

Histoire et Géographie

Pays de langue turcophone aux confins de l'Asie Centrale, coincé entre la Chine, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, le Kirghizistan est traversé par la route de la soie. Marco Polo est vraisemblablement  passé par ici car un mouflon géant a pour nom "le Marco polo".
Incorporé à l'Empire russe en 1876, le Kirghizstan a pris son indépendance en 1991 mais les liens avec la Russie sont encore très fort puisque le Kirghizistan vient d'intégrer l'Union Economique Eurasiatique (Membres : Russie, Arménie, Kazakhstan, Biélorussie et Kirghizstan). Le Kirghizistan a en outre décidé de ne pas renouveler son accord de coopération avec les Etats-Unis, qu'il soupçonne de vouloir fomenter une "révolution de couleur" (La Chine est par ailleurs soulagée de la fin de cette coopération compte tenu de l'activisme des USA dans la région chinoise autonome ouïgoure du Xinjiang).
Depuis 1991, le pays a subi deux révolutions. La première en 2005, dite "Révolution des Tulipes" à laquelle les USA ne cachent pas avoir prêté main forte. La seconde en 2010 à la suite de laquelle la seconde ville du pays Och, à majorité ouzbèke, aurait voulu être rattachée à l’Ouzbékistan. Notre guide, Nurlan avait 20 ans à l'époque et raconte que c'était un climat de quasi guerre civile. Les habitants du Kirghizstan ont voulu eux-mêmes protéger leur pays. Et, comme les routes d'accès à la région d'Och étaient bloquées par l'armée, c'est à cheval en traversant les montagnes que les kirghizes sont allés défendre leur terre et garder l'intégrité du pays.
Extrêmement montagneux, le pays voit naître le fleuve Syr-Daria qui va se jeter dans la partie kazakhe de la mer d'Aral. Afin de réguler l'irrigation des plaines kazakhes, les soviétiques construisirent un barrage ainsi qu'un lac artificiel à Torktougoul. De nos jours, la priorité du Kirghizstan est de produire de l'électricité et ne se soucie plus des problèmes d'irrigation des pays voisins. Des tensions sont récurrentes avec ses voisins sur ce sujet.
Le Kirghizstan est l'un des pays les plus pauvres de la CEI. Il a subi de plein fouet le ralentissement économique de la Russie de nombreux kirghizes travaillant en Russie. Le pays recèle de richesses naturelles (or notamment) mais la faiblesse des infrastructures ainsi que les difficultés liées au climat et à la topographie rendent l'exploitation compliquée. La Russie et la Chine ont apporté des aides notamment financières au Kirghizstan. Ainsi, nous avons pu voir le long des routes de montagnes, de nombreux employés chinois construire des réseaux routiers et électriques.
La moitié de la population est employée dans le secteur agricole. Cette population est semi nomade. En mai commence la période de transhumance. Une partie de chaque village part dans les montagnes pour passer l'été dans leur yourte avec les troupeaux de la communauté (chevaux, moutons, yaks...).

Le périple

C'est durant cette période de transhumance que notre périple s'est déroulé.
Notre contact au Kirghizstan, dont la mère était professeur de Français (et titulaire des Palmes académiques) et dirigeait une ONG d'aide aux femmes de sa région, avait monté une agence de voyage francophone et proposait différentes sortes d'activités dans le pays.
Ainsi, après une journée de voiture à travers les montagnes depuis Bishkek nous atteignîmes Torktougoul. C'est lors du diner que nous fîmes connaissance avec notre hôtesse et notre guide, Nurlan, un jeune professeur de Français qui multipliait par 80 son salaire en un mois de travail pour  l'agence de voyage. Le plat qui nous fut servi était un "bechbarmak" ou "cinq doigts" plat de larges nouilles mélangées avec la viande de mouton coupée en petits morceaux et servie avec une sauce épicée.  Normalement, ce plat se déguste à la main et l'on offre les yeux de mouton aux hôtes prestigieux. Ils ne nous furent pas servis. Sans doute que nos hôtes ont voulu nous épargner un moment gênant. Ça n'allait pas être notre dernière rencontre avec des traditions culinaires typiques kirghizes. Lors de ce diner, nous fîmes connaissances d'une américaine "perdue" à Torktougoul, envoyée là-bas par une ONG des USA, d'aides aux populations...
Après une nuit réparatrice, nos chevaux nous attendaient. Petits, trapus, rustiques et faciles à guider, ces chevaux kirghizes grimpaient presque sans effort la montagne que précédait une courte plaine. Après une rapide "prise en main" nous attaquâmes la montagne. Quatre bonnes heures durant, nous crapahutâmes le long de sinueuses pistes à flanc de montagne, sur lesquelles nos chevaux semblaient plus serins que leur cavalier face au vertige.
C'est au bord d'un torrent, à l'ombre des arbres que nous déjeunâmes d'un Plov, le plat typique d'Asie Centrale à base de riz, mouton, carottes et d'huile de coton. Un délice, quoique un peu bourratif !
Notre retour au camp de base se fit sous l'orage. Les chevaux étaient excités à la fois parce qu'ils reconnaissaient le chemin et d'autre part à cause de l'orage. Nous rentrâmes sain et sauf à camp. Nous avions réussi notre "baptême" de monte kirghize !
Le lendemain c'est pour une randonnée de trois jours sur les mêmes chevaux que nous partîmes. Longeant le lac de Torktougoul à demi asséché, nous pûmes voir les vestiges d'un village abandonné lors de la création de ce réservoir artificiel. Le but de notre périple était un site chamanique très renommé dans la région.
Bien que les Kirghizes soient en majorité musulmans, peu fréquentent les mosquées régulièrement et leur pratique de la religion est fortement influencée par les croyances chamaniques. Ainsi, il n'est pas rare de voir des kirghizes boire de l'alcool.
Notre présence sur les terres chamaniques fut saluée comme il se doit par les hôtes du lieu. On nous servit un plat qui s'apparente à l'Olovo. Ce plat est préparé pour les hôtes respectés. Il se compose des poumons de mouton, confit dans un mélange du lait, d'épices, de sel et d’huile. Difficile de refuser ce présent généreux...
Bertrand de Bézenac
Les petits chevaux kirghizes rompus aux zones escarpées
Les petits chevaux kirghizes rompus aux zones escarpées © / B. de B. & F. de L.
Les petits chevaux kirghizes rompus aux zones escarpées

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