1- Iñigo de Loiola
Le 31 juillet de chaque année le sanctuaire de Loiola en Guipuzkoa s’enflamme pour célébrer le fils de famille devenu jésuite et fondateur de la Compagnie de jésus si illustre et si noble dans sa vocation missionnaire.
Iñigo Lopez de Loiola est né le 23 octobre 1491 à Azpeitia, ville où se trouve le manoir familial des Loiola. Issu d’une famille de treize enfants, orphelin jeune Iñigo est de son temps et de son milieu.
Si sa biographie rapporte la date de sa mort en juillet 1556 à Rome, la vie intrépide de ce Basque de feu traverse son époque, de la Castille en passant par la Navarre, la Catalogne puis Paris et Rome.
Iñigo, Eneko pour d’autres encore, est dans sa prime jeunesse page du roi Ferdinand d’Aragon (en 1506), au service d’Isabelle la Catholique, secrétaire et trésorier de sa mission. Un jeune noble bien de son temps, vivant des facilités de son origine et de ses relations. Une vie de Cour, comme pour tous ceux de son sang, partagée entre la guerre et les usages, mais la mort de Ferdinand d’Aragon en 1516 met un terme brutal à ces facilités. En 1517, le jeune soldat se met au service du Duc de Lara, nommé vice-roi de Navarre par les envahisseurs castillans (le Guipuzcoa étant déjà soumis à la Castille depuis 1200 env.). Or, depuis 1512, c’était au tour du vieux royaume pyrénéen de subir les assauts de la Castille. Et à l’époque d’Ignace de Loiola, la Navarre se trouvait en phase de reconquête par ses souverains légitimes, les Albret, aidés occasionnellement par les Français. C’était en 1521 : au cours du siège de Pampelune, à l’âge de trente ans, Iñigo combat donc dans les rangs espagnols contre l’armée des Albret. Il est blessé, sa jambe opérée avec les moyens de l’époque se cicatrisera mais demeurera plus courte de quelques centimètres, disent les biographes (Sur cet épisode historique, voyez également l’article suivant sur le film qui vient d’être consacré à Iñigo de Loiola).
Condamné à rester au manoir familial d’Azpeitia durant une convalescence trop longue à son goût, il lit des livres de chevalerie pour occuper son temps, ces vies de saints illustrées par la légende dorée de Jacques de Voragine que l’on se passe entre jeunes nobles en quête d’idéal mystique et de biographies d’exception.
Iñigo est las de ce temps d’immobilité forcée et vit d’espoir de reprendre le chemin d’une vie par trop réduite par les aléas de la guerre et les contraintes de ses aventures.
Il lit François d’Assise, une âme mystique et une quête d’absolu pointent dans ses rêves intérieurs : le désir d’embrasser le monde et la foi donnée en partage à l’humanité entière nourrissent le chemin d’une nouvelle étape de sa vie.
Iñigo emprunte la route de Barcelone, de Manrèse (Manresa) où il résidera dans la célèbre grotte
L’homme est absolu dans son caractère et son désir de plénitude. Dès 1523, il commence à rédiger des notes personnelles qui deviendront les prémices des exercices spirituels.
Mais le Guipuzcoan est impatient de se dépasser. Il rêve de se rendre à Jérusalem pour y convertir les infidèles, avec l’esprit bouillant de son âge. Les relations avec les Franciscains établis dans la Ville Sainte seront difficiles. Il ne passera donc que trois semaines à Jérusalem en septembre 1523, et les religieux franciscains le prient de s’en éloigner.
2 – Le temps des études
En 1524, le jeune Iñigo reviendra en Catalogne, à Barcelone, puis à Salamanque où il s’adonne à des études théologiques. Objet d’attaques désormais venues des dominicains, le jeune basque n’a pas que des amis sur son chemin. On le définit comme illuminé, idéaliste fervent et guerrier, son entourage le presse à nouveau de poursuivre sa route hors de Castille, vers Paris et la célèbre université de la Renaissance française où se concentrent les brillantes intelligences du temps.
Les échanges autour de Luther, d’Erasme et de Calvin enflamment sa passion pour l’Eglise en butte à l’hostilité des réformateurs. Si le Collège de France est créé en ces années de la Renaissance à Paris, Iñigo poursuit toutefois sa voie singulière dans cette ville où se concentrent des étudiants brillants venus de l’Europe entière.
C’est le temps des rencontres, des échanges et des enthousiasmes auxquels Iñigo donnera une orientation religieuse propre en réunissant quelques neuf compagnons sous le vocable des « Amis de Jésus », ou « Compagnons de Jésus » lors du Vœu de Montmartre prononcé par ces hommes désireux de servir l’Eglise, le pape, ses missions, de rejoindre Jérusalem, et de lutter contre ceux qui sèment au nom de la Réforme des idées neuves et mal comprises par les autorités de l’église.
La voie jésuite existe désormais, portée par des étudiants dont Francisco de Javier, le compagnon navarrais de la première heure d’Iñigo, rencontré à Paris.
L’histoire ne dit pas s’ils se connaissaient avant cette époque, le benjamin vouant à son aîné d’Azpeitia une admiration sans mesure. Leur rencontre donnera à la compagnie de Jésus une dimension universelle servie de toute évidence par le charisme de ces hommes qui n’étaient pas prêtres mais habités de cette âme jésuite originale !
3 – l’Italie et Rome
Les compagnons d’Iñigo/Ignace empruntent la route de Venise et de Rome. Ils seront ordonnés prêtres pour la plupart, disent les historiens de l’ordre jésuite, le 24 juin 1537 à Venise. Mais la destination de ces hommes est Rome où le pape Paul III espère de cette congrégation nouvelle de solides soutiens pour répondre aux assauts de la réforme luthérienne par des forces neuves dites de la Contre-Réforme dévouée à la papauté. Dès septembre 1539-40, l’Ordre de la Compagnie de Jésus est constitué. Les statuts approuvés par le pape Paul III. La maison Sainte Marthe, fondée en 1542, devient la première implantation jésuite de Rome.
Chacun comprend pourquoi le pape François, aujourd’hui résidant en cette demeure, a choisi cette adresse pour rappeler le sens et l’origine de cette maison pour l’ancien jésuite qu’il fut et demeure encore comme Pape régnant de l’Eglise. Sainte Marthe avait en ces débuts mission d’être un espace d’accueil des prostituées de Rome, nombreuses et souvent exposées dans la rue, qu’Iñigo et ses compagnons hébergeaient dans cette maison, parmi d’autres établissements dits « des repenties » et tenues par d’autres congrégations romaines. Mais on rapporte que les jésuites autorisaient ces jeunes femmes à se marier, à la différence d’autres bienfaitrices qui leur refusaient cette liberté.
L’Ordre jésuite n’a cessé, au fil du temps, de se développer hors les murs, urbi et orbi, particulièrement en Amérique, en Afrique et en Asie... L’inde et le Japon furent visités par Francisco de Javier. Les lettres adressées par le Navarrais à Iñigo le prouvent. Tous deux entretenaient des relations épistolaires constantes.
Les jésuites issus de ce pacte singulier qui liait les compagnons d’Iñigo maintinrent cette vocation particulière de la vie chrétienne par l’éducation, les œuvres sociales et l’évangélisation d’une fonction perpétuelle qui dure toujours, là où ces religieux sont engagés.
Le 31 juillet de chaque année, la province de Guipuzcoa voisine célèbre son saint patron au cours de festivités à Loiola, dans la tradition locale chère à la population du lieu, attachée à cette personnalité fougueuse, inclassable et bien basque de par son caractère !
François-Xavier Esponde