0
Tradition
L'Immaculée Conception, d'Espagne à Lourdes et à Bayonne
L'Immaculée Conception, d'Espagne à Lourdes et à Bayonne

L'Immaculée Conception, d'Espagne à Lourdes et à Bayonne

Ce 8 décembre, les Espagnols comme d’habitude avaient décidé de passer à Bayonne « L’immaculée », journée chômée Outre-Pyrénées.
Sous un ciel assombri, pluvieux et contrarié, ils déambulèrent en nombre dans les rues, faisant des emplettes et visitant la cathédrale qui, en ces moments de l’année, devient le havre et le gîte des visiteurs ayant traversé la « muga ».

Au milieu du décor des crèches bayonnaises, exposées et mises à la vente tous les ans en cette période de décembre, parmi les quelques livraisons de documents de fin de l’année, librement distribués aux visiteurs tel Hazi Ona, le calendrier biblique en basque, que nos voisins venus du Pays Basque sud ont emporté avec intérêt, des bibles et brochures évangéliques, un recueil liturgique sous le titre Magnificat et son pendant pour les enfants et adolescents.

En fin de journée, à la messe de l’Immaculée Conception célébrée par l’évêque de Bayonne, nos proches voisins étaient aussi à la cathédrale pour certains.
La pluie ayant décidé du programme de la soirée, la procession à saint André fut annulée et se déroula à la lueur des chandelles dans les travées de la cathédrale au terme de la messe du soir animée par les équipes Notre Dame et les AFC.
La cathédrale demeure un site d’exception pour organiser ainsi ad-intra malgré les variations barométriques, des rencontres inopinées ou improvisées si nécessaire.

L'Immaculée Conception, une affaire d'État pour la diplomatie espagnole du XVIIème siècle

Un tableau conservé au Musée d'Histoire de Madrid résume parfaitement les efforts des monarques espagnols du XVIIème siècle et eurs intenses négociations diplomatiques avec le Saint-Siège afin de lui faire déclarer comme dogme l'Immaculée Conception de la Vierge : il s’agit d’une œuvre de Pedro de Valpuesta, « Philippe IV jurant de défendre la doctrine de l'Immaculée Conception » (notre photo de couverture).
Il représente le monarque agenouillé, étendant la main sur l'Evangile, devant un prélat habillé en pontifical. Il est accompagné de plusieurs religieux et chevaliers de différents ordres militaires. En arrière-plan, dans la partie supérieure de la composition, une grande toile d’un frère franciscain écrivant devant la Vierge renforce le sens de la scène. Car les franciscains étaient les principaux défenseurs de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, et l’on suppose qu’il s’agirait ici de Saint Bonaventure.
Pedro de Valpuesta (vers 1614-1668) était un prêtre et peintre baroque espagnol renommé pour son art du portrait.

Vox Haec nunciat omnes. Maria Inmaculata Concepta, Marcos Orozco, 1653.jpg
Vox Haec nunciat omnes. Maria Inmaculata Concepta, Marcos Orozco, 1653 ©
Vox Haec nunciat omnes. Maria Inmaculata Concepta, Marcos Orozco, 1653.jpg

Car si le mystère de l'Immaculée Conception de Marie n'a été défini comme dogme de l'Église catholique qu'en 1854, c’est dès 1616 que le souverain espagnol Philippe III avait créé la Real Junta de la Inmaculada en proclamant la Couronne d'Espagne comme le défenseur maximal de la doctrine. Depuis lors, une intense campagne s'était organisée dans la monarchie hispanique afin de promouvoir la dévotion à l’Immaculée. Dans cette entreprise, les arts étaient essentiels et nourrissaient les différentes facettes de cette opération dans les royaumes ibériques, dans les vice-royautés italiennes et à Rome même. 

Les Jésuites se joignirent aux franciscains : en témoigne le livre Vox Haec nunciat omnes. Maria Inmaculata Concepta, écrite par le jésuite Juan Antonio Velázquez et publiée à Madrid en 1653. 
En ce qui concerne l'auteur du livre, il convient de noter qu'il occupait une position importante au sein de la Compagnie de Jésus au milieu de ce siècle, puisqu'il était père provincial de Castille et professeur au Collège jésuite de Salamanque, qui était l'un des des plus importantes de la Péninsule. 

Ce livre vient démontrer le rôle prépondérant de la Compagnie de Jésus dans la défense de la doctrine immaculée. 
Et cette estampe, réalisée par le prêtre et graveur Marcos Orozco, doit être considérée comme l'une de ses premières œuvres et suit le goût dominant de la Cour de Madrid pour les portails architecturaux, bien qu'il n'ait pas de structure en forme de retable, comme d'habitude. Il essaie de montrer la Compagnie de Jésus comme l'un des défenseurs du mystère et, comme dans les exemples précédents, fait allusion à la défense faite par le monarque espagnol Philippe IV.

L'union des forces dans cette cause commune avait agi comme un lien entre les vastes territoires et les identités variées fusionnés au sein du domaine des Habsbourg. La cause de l'Immaculée Conception a fourni une identité commune et une cohésion dont l'empire avait besoin. La doctrine n'est devenue un dogme qu'en 1854, mais à cette époque elle était déjà, selon l'auteur, la principale dévotion des habitants de la monarchie d'Espagne.

La monarchie espagnole trouvait ainsi dans la cause conceptionniste un moyen d'appuyer ses intérêts géopolitiques et son influence sur Rome.
Dans le contexte d'une société sacralisée, où les questions de foi posaient les fondements du pouvoir, les monarques espagnols firent de la défense de la Pureté de Marie leur marque de fabrique, la lutte pour sa reconnaissance devenant une affaire de gouvernement qui nourrit l’action politique.

Ainsi, la contribution de l'Espagne au triomphe du Dogme de l'Immaculée Conception apparaît comme essentielle, tant furent « pressantes » les démarches de ses souverains auprès des Souverains Pontifes pour demander la proclamation du dogme. C'est pourquoi Pie IX avait voulu qu’à Rome, le monument à l'Immaculée Conception soit érigé sur la Plaza de España !

Et peu de temps après, à Lourdes, la Sainte Vierge apparaissait à Bernadette Soubirous en prononçant ces mots en gascon/bigourdan : « Que soy era Immaculada Councepciou » (Je suis l'Immaculée Conception)...

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription