1 – Pardons de Bretagne.
Le parallèle “des Pardons de Bretagne” avec les processions de la Fête-Dieu en Pays Basque est saisissant.
Or, depuis le 4 mai dernier, l’Unesco a classé ces milliers de chapelles (sites des Pardons, ndlr.) dans le Patrimoine Immatériel de l’Humanité.Lieux symboliques de terre, d’eau, d’air, de feu et de lumière, ces sites de dévotion processionnaires accueillent tous les ans des milliers de pèlerins lors des Pardons - ou “pénitences” - célébrés par des visiteurs attachés à ces rituels et ces cultes traditionnels.
Si on désigne par pardon ce culte particulier attaché à quelque chapelle, les lieux de dévotion dans la nature ajoutent à ce patrimoine immobilier des espaces sacrés portés par la dévotion populaire, et faisant l’objet d’une procession traditionnelle.
Comparativement avec nos rites agraires dans les régions pyrénéennes, les pardons perpétuent ces coutumes dans leur dimension spirituelle et humaine singulière, enracinée dans le tréfonds de ces paysages celtes primitifs comme le seraient pour nous l’horizon originel de nos enracinements religieux immergés dans nos terres montagneuses.
La tradition religieuse celte ayant gardé un rapport singulier avec la mer, les îles, les paysages de Bretagne, les pratiques des métiers manuels, et le lien emblématique avec les saints protecteurs des cultes religieux pré et post chrétiens de ces environnements. Les pardons célèbrent au cours de pèlerinages, kermesses, rencontres festives annuelles, ces moments privilégiés du patrimoine historique de ces régions concentrés lors des pardons si bien vécus par les populations.
Aux processions ne manquent ni bannières, ni équipages, ni attelages, ni chevaux, pour lancer la marche pèlerine à partir de mai et jusqu’en automne.
Les reliques sorties des chapelles suivent le pas des marcheurs, dans un paysage fleuri d’une luxuriante végétation de saison.
Les costumes portés par ces hommes, sombres, couverts d’un chapeau, aux pantalons amples, à la confection ancienne authentique et traditionnelle, les vestes striées de rubans colorés, en habit de fête, réjouissent les assemblées.
Les dames ne seront pas de reste, colorées, aux senteurs d’une nature bigarrée, aux robes d’un défilé de majesté gracieux et amplifié, gantées, chaussées du dimanche, et coiffées d’exception, au son des clochettes ajoutées à leur vestiaire.
La procession du Pardon est un privilège magnifique des participants de l’année, tout comme l’est pour nous celui de nos traditionnelles processions de Fête-Dieu.
Là où les traditions se maintinrent, rien ne manquait au rituel de la beauté et du charme partagé du regard altruiste.Mais lors de ces processions bretonnes, sur terre, sur mer, à pied, ou en véhicules motorisés, on ajoute les processions circulaires dites “troménies”, où par trois fois les participants tournent autour du sanctuaire du saint protecteur, en silence ou en chantant.
2 - Un rite celte ?
Serait-ce une coutume païenne primitive ? Une habitude dont on ne connaît pas toujours le sens, sinon la pérennité des us des pèlerins attachés à ces usages religieux ou profanes : “les fêtes de l’âme”, dira le poète breton le Goffic !
Traditionnellement il semblerait que des pratiques médicinales de prophylaxie et de protection contre les maladies sur le bétail, les hommes et la nature, entouraient ces pardons.
On consultait aussi des augures et des oracles exerçant en ces lieux leurs vertus de guérison à distance ou lors de ces pardons de bienfaisance.
Des jeux physiques ajoutant à l’ordinaire des échanges des combats de lutte virils et exercés, parmi des rapports séquencés de danse, de musique bretonne et de consommation de boissons locales aux effluves ajoutées de houblon fermenté.
Si Saint Yves protégeait les chevaux, Saint Herbot les bovins, les pardons qui se répandirent au XVème siècle jusqu’à la Renaissance, connaîtront une perte d’intérêt au XVIIIème. La Révolution française ayant accompli sa funeste mission de tenter d’éradiquer ces cultes populaires en Bretagne, on brûla à Vannes la statue de sainte Anne d’Auray par la main scélérate de funestes individus, de triste mémoire, mais les Bretons offensés par la profanation rebâtirent leur lieu mémoriel pour la postérité suivante.
De nos jours encore, ces Pardons se perpétuent, faits de terre, d’eau, du ciel et de cultes multiples de l’artisan mêlant son labeur et son bonheur à son travail. Le Finistère demeure une référence attachée à ces traditions celtes du bout du monde.
Et on continue de s’interroger sur leur origine celte ou chrétienne ?Sur leur nature mythique ou légendaire, dans un paysage patrimonial breton attaché à près de 800 saints locaux, à des myriades de chapelles et de mégalithes, à des fontaines bénies et bienfaisantes, à des traditions rituelles de productions animales et fermières que l’on serait tenté de compter comme des comices agricoles, mais qu’importe, bien des interdits prononcés par des autorités religieuses en délicatesse avec ces pratiques superstitieuses parfois, n’ont pu enrayer ces cultes populaires, toujours vivants aujourd’hui.
Un dicton breton dit : “On part à deux au pardon, et on revient à trois” !
Au fil du temps, les pardons au bénéfice des animaux domestiques, aux véhicules à moteur et bateaux ayant rejoint le cercle vertueux primitif des acteurs, la tradition recueille ainsi le florilège multiple des us et pratiques sociales d’une région initialement agricole, mais ayant revêtu d’autres formes au fil du temps.
La bénédiction adressée à Saint Herbot, protecteur des bovins, ne peut que réjouir et enchanter l’âme paysanne des éleveurs des Pyrénées : « Seigneur Saint Herbot - Béni du fond du coeur, je vous prie de me donner votre bénédiction sur le lait que je traie, pour que s’élève beaucoup de crème, à contenter mes bourgeois et à la fin de l’année, je vous promets un veau » !
Une bénédiction bien enracinée dans une terre, une culture et des racines authentiques de nos régions agricoles et premières bretonnes ou basques de si grande ressemblance.
Légende : le grand pardon de Notre-Dame de Kerdévot en Bretagne