Réunion de famille, animée, chez Moussa (Sami Bouajila) un homme doux, convivial, qui accueille, pour ce repas dominical, sa sœur Samia, attentionnée (Meriem Serbah), son frère Salah (Rachid Bouchared) vivant du RSA, son grand frère Ryad (Roschy Zem), un journaliste sportif de télévision, et sa femme Emma (Maïwenn). Les deux grands enfants de Moussa sont aussi présents autour de la table familiale : Nesrine (Nina Zem), sa fille qui veut parachever ses études au Canada; son fils Amir (Carl Malapa), adepte de théories complotistes, addictif aux jeux vidéo.
Divorcé, Moussa s’est remarié avec une marocaine rencontrée sur les réseaux sociaux. Elle est brusquement repartie au « bled » ; malgré les appels incessants, insistants, de Moussa elle ne donne plus signe de vie, ne répond pas au téléphone. Moussa est désespéré par son nouvel échec matrimonial. Heureusement, sa sœur Samia le soutient tendrement dans ce moment douloureux. Moussa est directeur des finances dans une entreprise importante où il travaille intensément, avec une grande rigueur. Invité à une fête d’anniversaire par une collègue, il accepte de s’y rendre. Après un moment de retenue, il danse frénétiquement, boit plus que de raison. Plus tard, en coma éthylique, il chute : sa tête heurte violemment le sol. Il subit un traumatisme crânien.
Suite à cet accident, Moussa, autrefois à la personnalité dynamique, devient léthargique : il traine dans son appartement, dort à toute heure … Son caractère autrefois jovial s’est altéré : il devient agressif, émet des opinions sans filtre, agresse verbalement son entourage. Sa famille est atterrée … Comment réagir à ce brusque changement ?
Les Miens est le sixième film réalisé par le comédien français Roschdy Zem (57 ans). Le scénario, rédigé avec Maïwen (réalisatrice, comédienne) est en grande partie autobiographique : le traumatisme crânien et ses conséquences comportementales ont été vécues par le jeune frère du réalisateur.
C’est un film court (85 minutes), dense, tourné rapidement (4 semaines !) à la manière de Maïwenn avec deux caméras captant, en long plans séquences, les déplacements des protagonistes. Au montage final, Il s’ensuit une nervosité, une dynamique dans le déroulé de l’histoire qui nous maintient sur le qui-vive tout au long de la projection.
L’énergie développée pour « boucler » le tournage rapidement se perçoit sur l’écran. Il n’y a pas de temps mort, redoutable ennemi du récit cinématographique. Roschdy Zem affirme qu’il s’est inspiré de grandes comédies italiennes comme celles de Vittorio De Sica (1901/1974), Miracle à Milan (1951), Mariage à l’Italienne (1964), ou Ettore Scola (1931/2016), Drame de la jalousie (1970), Nous nous sommes tant aimés (1974). Il y a pires mentors ! Il ajoute : « Quand je regarde mon film, ça me fait plaisir de voir enfin une famille dont l’origine nord-africaine n’est pas le sujet ».
Le comédien/réalisateur a pris soin de ne pas tomber dans le piège ethnique, les Miens est une relation d’une famille française dysfonctionnelle, avec ses hauts et ses bas, sous couvert de positionnement de ses membres dans la fratrie : dominant/dominé et actif/passif. C’est le sort de tout groupe humain élargi au-delà du noyau originel (le couple et sa descendance directe ?). Moussa est un membre actif qui devient par son accident tout à coup passif mais agressif, sans filtre pour son entourage. Ce n’est pas aisé à vivre !
A ce jour, Roschdy Zem, en qualité d’acteur, a tourné environ 90 films et séries depuis ses débuts en 1987 (Les Keufs de Josiane Balasko). En 2006, il réalise son premier long métrage (Mauvaise foi) qui sera suivi de quatre autres : Omar m’a tuer (2011) sur l’affaire Omar Raddad, Bodybuilder (2014) sur l’univers des culturistes, Chocolat (2016) sur la vie du clown Chocolat (1867/1917) et enfin Persona non grata (2018). Enfin, en février 2020 il remporte le César du meilleur acteur pour son rôle de commissaire dans Roubaix, une lumière d’Arnaud Depleschin. Son talent est protéiforme : Les Miens ne fait que le confirmer. Roschdy Zem est de cette « short list » d’acteur/réalisateur qui réussissent le « grand pont » : être aussi à l’aise sur les deux rives du cinématographe. Ils sont peu nombreux !
Les Miens a été projeté en sélection officielle à la Mostra de Venise 2022.