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Poésie de la semaine
Le temps de Vivre
Le temps de Vivre
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| ALC 347 mots

Le temps de Vivre

 

Le musée Bellas Artes de Bilbao présente actuellement dans le cadre du Ve Festival International de la gravure et de l’Art sur papier qui s’est déroulé la semaine dernière au Palais Euskalduna de la capitale biscaïenne une sélection de 76 œuvres gravées de grands maîtres du XVe siècle à nos jours – de Dürer, Ribera et Piranèse à Chillida en passant par Picasso et Chagall - avec l'univers œnologique comme fil conducteur (voir article prochainement dans la rubrique exposition). Ce « temps qui va de la vigne au pressoir » nous a suggéré ce très beau poème d'Anna de Noailles extrait du recueil « Le Cœur innombrable » (1901) : « Le temps de vivre »… Anna de Noailles dont le merveilleux portrait réalisé par le peintre basque Zuloaga trône… Au musée Bellas Artes de Bilbao !

 

Le temps de vivre

 

Déjà la vie ardente incline vers le soir,

Respire ta jeunesse,

Le temps est court qui va de la vigne au pressoir,

De l’aube au jour qui baisse,

Garde ton âme ouverte aux parfums d’alentour,

Aux mouvements de l’onde,

Aime l’effort, l’espoir, l’orgueil, aime l’amour,

C’est la chose profonde ;

Combien s’en sont allés de tous les cœurs vivants

Au séjour solitaire

Sans avoir bu le miel ni respiré le vent

Des matins de la terre,

Combien s’en sont allés qui ce soir sont pareils

Aux racines des ronces,

Et qui n’ont pas goûté la vie où le soleil

Se déploie et s’enfonce.

Ils n’ont pas répandu les essences et l’or

Dont leurs mains étaient pleines,

Les voici maintenant dans cette ombre où l’on dort

Sans rêve et sans haleine ;

— Toi, vis, sois innombrable à force de désirs

De frissons et d’extase,

Penche sur les chemins où l’homme doit servir

Ton âme comme un vase,

Mêlé aux jeux des jours, presse contre ton sein

La vie âpre et farouche ;

Que la joie et l’amour chantent comme un essaim

D’abeilles sur ta bouche.

Et puis regarde fuir, sans regret ni tourment

Les rives infidèles,

Ayant donné ton cœur et ton consentement

À la nuit éternelle.

Anna de Noailles

 

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