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Tradition
Le droit de vote en France et les églises ?
Le droit de vote en France et les églises ?

| François-Xavier Esponde 1228 mots

Le droit de vote en France et les églises ?

1 – L’histoire et ses débuts.

Les opinions préconçues ne manquent pas sur le sujet. Les églises et les cultes n’ont pas rechigné au fil du temps à les adopter sinon à en  tirer bénéfice suivant un cléricalisme électoral de désignation des candidatures à leur avantage.

Parmi les historiens qui se sont intéressés à la question, un sociologue belge, Léo Moulin, relata  des anecdotes de premier intérêt pour ce XIXème siècle, jusqu’au XXème siècle, où les catholiques participèrent au suffrage électoral pour la première fois.
Et singulièrement dit l’auteur, ce furent les congrégations monastiques qui inspirèrent à l’issue des votes en interne les expressions telles, le scrutin, le compromis, le ballotage qui existaient lors des consultations des religieux entre eux, choisissant leurs supérieurs.

Ce sont donc des habitus monastiques bien antérieurs aux us politiques des Cités-Etats italiens et des révolutions libérales du XVIIIème nous concernant, qui donnèrent le modus adapté.
Et c’est bien dans le canon de l’Eglise, qu’il faut trouver la matrice de ces procédures électorales jusqu’à aujourd’hui, telle la loi de la majorité des suffrages qui s’appliquait dans la désignation du pouvoir ancien de l’institution ecclésiale.

Une chose demeurait cependant, à savoir le refus d’admettre le principe de souveraineté du peuple sur les choses politiques, ce depuis la révolution française et jusqu’à la fin de la IIIème république.

Mais ce étant, la hiérarchie ecclésiastique avait su adapter sa stratégie au contexte évolutif du temps.

Pour exemple, dès les premières semaines de la Révolution de 1848 où le suffrage universel (masculin) fut proclamé, les catholiques favorisèrent largement lors des rituels cultuels organisés, messes, processions, rassemblements communautaires, la promotion des élections auprès de milliers de paysans devenus électeurs dès mars 1848, non sans feindre en tirer quelque bénéfice !

Sans la mobilisation ecclésiale, la république n’eut pu diffuser à grande échelle le rapport civique de tout électeur potentiel à sa participation effective au scrutin.
Puis, encore avec l’avènement des institutions de la IIIème république en 1875, la position du clergé se referma avec les premières lois laïques, où la hiérarchie devenue militante et quelque peu militaire encadrait le vote des catholiques, nettement demeurés hostiles aux idées républicaines et contre lesquelles elle ne se privait de mener campagne !

Evitant les anachronismes il faut se souvenir encore des avis du pape Pie IX dans les années 1870, qualifiant le suffrage universel de “mensonge universel”.
L’incidence d’un telle hostilité rangera longuement le clergé catholique et ses évêques dans une franche hostilité aux institutions républicaines en France.

Foin d’indifférence mais au contraire objet d’attention du clergé solidement groupé pour mener la fronde, la mobilisation des catholiques ne s’embarrassa pas de précautions.
Cependant une petite minorité de fidèles et de clercs s’inquiéta de cette forme d’ingérence dans l’espace politique menaçant “la dignité du prêtre, le bien de l’église et le salut des âmes”, suivant un extrait d’une brochure de 1880 non officielle. Mais de peu d’incidence pour l’heure sur les opinions catholiques.
La majorité des clercs demeurèrent "en attaque", avec le soutien du pape et des évêques lors des élections.

Une forme d’incommunication réciproque qui aujourd’hui semble datée face aux principes démocratiques qui depuis se sont vulgarisés autour de l’idée de souveraineté nationale, de l’existence libre de partis politiques autonomes de tout pouvoir ecclésial, de la séparation encore inachevée du religieux et du politique, et du droit de décider librement en conscience de ses choix électoraux.

A la guerre comme en toute guerre, le laïcisme offensif des républicains y trouvera des arguments de même nature auxquels la hiérarchie catholique dut répondre à son tour.

2 – L’historien (*) relate l’épisode peu connu des catéchismes augmentés, ou de la politisation de la foi de cette époque.

A la fin des élections législatives de 1889 annonçant la défaite des candidats conservateurs, un certain nombre d’évêques complétèrent  les manuels d’éducation des enfants de nouvelles questions sociétales du temps, en sus des vérités de la foi qui demeuraient.
Ces questions rappelaient aux parents et à leur progéniture leurs devoirs politiques et disqualifiaient davantage encore les risques de voter pour des candidats hostiles aux intérêts de la religion, sous le signe du péché, à savoir de commettre une faute morale faire lors des élections !

Et les catholiques concernés étaient encore sommés de prévenir les risques de propagande et d’action politique moderne à l’endroit de la religion, pouvant  à terme infléchir le résultat des votes ou condamner des candidats à un échec potentiel.
La définition d’une campagne électorale moderne n’avait encore pas entamé les risques encourus pour toute candidature !

On sourit aujourd’hui de telles pratiques mais en certaines régions d’implantation catholique exclusive, la presse catholique ne manquait de ressources pour orienter les campagnes électorales de cette fin du XIXème siècle.

Le passage du siècle en 1900 atteignit son paroxysme à l’heure où les questions religieuses sont au coeur des débats politiques autour de la Loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905.
Par retour, “un cléricalisme électoral” prendra corps aux racines anciennes dans l’histoire de France depuis le XIXème siècle.

L’Eglise perdant le terrain des idées et des influences publiques, elle s’engageait ouvertement dans les combats politiques.
On y parlait de rébellions qui s’accentuèrent avec l’avènement du communisme de l’entre-deux-guerres, en particulier lors des élections législatives de 1936. Cette date marquera le terme d’un tel engagement sans ménagement de l’Eglise dans l’espace électoral en France.
On ne parlait pas encore de parti catholique institué dans l’offre politique nationale mais d’engagement civique de clercs qui n’hésitaient à se présenter aux élections, et ce, depuis 1789 jusqu’au début de la Vème république.

En France, l’idée de parti catholique ne fit curieusement guère florès comme en Italie.* Frileuse sur le principe, on préféra se joindre à d’autres partenariats politiques que de promouvoir un postulat catholique particulier "à la française" !
On compta à terme près de 500 prêtres, évêques qui deviendront parlementaires en France au cours de ce temps passé.

Idem côté protestant, où une trentaine de pasteurs feront école dans la vie parlementaire nationale.
L’historien du fait religieux mentionné rapporte encore que les élites protestantes eurent un rôle précurseur dans l’émancipation des femmes, notamment en leur permettant de voter au sein des temples, bien avant la généralisation légale de ce scrutin en France.

Il est rappelé la figure de Fernand Buisson qui, dès le début du XXème siècle, milite pour l’accès des femmes à “la Cité électorale.”
Cependant, du côté des catholiques, une méfiance endémique à l’intention du suffrage électoral empêche la plupart des clercs de faire ce choix au bénéfice du suffrage politique pour tous.
Les a priori demeurent, on craint des divisions au sein des familles à propos de la vie publique du pays. Si l’Eglise mobilisa sans rechigner, les ligues féminines actives menèrent la propagande électorale espérant infléchir les avis de leur mari, fils ou père, si peu disposés pour le cas à changer d’opinion sur ces sujets !

Les temps qui sont les nôtres  ne nourrissent guère de telles ambitions publiques. Tout un chacun disposant de son for interne pour s’engager en politique, le choix de quelque candidature, celui du vote individuel, demeurent à la portée de chaque citoyen et de la décision personnelle de le partager en politique avec des fidèles d’une pensée commune.

(*) "Les voix de Dieu : pour une autre histoire du suffrage électoral : le clergé catholique français et le vote, XIXe-XXe siècle" d’Yves Déloye chez Fayard.

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