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Tradition
Le berger biblique
Le berger biblique
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| François-Xavier Esponde 832 mots

Le berger biblique

1 – Le berger.
Le berger est souvent cité dans la tradition biblique d’hier et d’au jourd’hui pour représenter le gardien d’un troupeau, un liant entre les fidèles, un protecteur et un homme ou même une femme à l’autorité reconnue et partagée. Loin sans doute de la vie pastorale, la nôtre est de moins en moins habituée aux gardiens de brebis et de moutons, localisés dans les terres agricoles et montagneuses du pays.

Mais qu’importe, l’origine est bien agraire et terrienne : le berger, gardien fidèle de son troupeau, figure dans les tableaux de saint Joseph et des protecteurs du temps et de l’histoire. Les cultures antiques de l’Orient l’ont souvent représenté hors du cadre biblique, comme étant la figure la plus réelle de celui qui a la garde de son troupeau. Sa plus ancienne figuration dans la tradition biblique se rapporte au roi David, le Berger qui fait paître son troupeau (1 S 16,11).

Le prophète Jérémie n’est jamais tendre pour les infidèles, parmi ces bergers égoïstes et malhonnêtes. Or, la survie du troupeau est la raison de sa fonction : manquer à cette noble mission rend le berger suspect d’infidélité à l’Eternel et aux siens, lesquels s’en déferont et le remplaceront. Il est vrai que l’histoire du peuple sémite menacée par les invasions babyloniennes au fil de l’histoire antique (comme rappelé par Jérémie 23, 1 –5,) donne de la matière aux commentaires et aux récits des Ecritures. Le Berger et son troupeau sont exposés aux rapines, aux vols, aux vautours et aux prédateurs de toutes origines. L’histoire se répète inexorablement, hier et aujourd’hui.

2 - Ezéchiel et son commentaire.
Le prophète Ezéchiel n’est pas de reste. Il désigne le mauvais berger comme plus soucieux de ses intérêts que de ceux de son troupeau. Chair et vêture de ces animaux procurent des avantages au maître qui délaisse ses bêtes pour des diversions qui ne lui sont admises dans les soins prodigués aux familiers d’une communauté dont il a la charge. L’humanité n’est jamais en reste dans ce statut des faibles, des plus dépendants et des fragiles auxquels nous associons désormais les âgés, les plus exposés des anciens et les malades qui illustrent nos propos.

En messager vigilant, Ezéchiel rapporte les prévenances de l’Eternel qui n’abandonne jamais son troupeau, pas même à celui qui en avait la charge et veille à sa survie et le protège. Chacun rêve au Bon Berger parfait, irréprochable, et sans tache, comme l’indiquent les textes bibliques.

Mais existe-t-il encore, a-t-il existé ? Le prophète Isaïe annonce le retour de l’Eternel en gloire ; las de l’attendre, il rappelle que sa fonction est de rassembler les divisés de son peuple. La pire des choses étant de se voir fragilisés par les divisions internes en toute vie.

Les images empruntées au troupeau et à l’environnement pastoral du berger semblent désuètes, mais pourtant, les actualités au quotidien en sont de vivantes illustrations : on cherche en vain l’homme ou la femme providentielle qui ne faillira pas devant l’immensité de ses tâches. Celui qui réunit plus qu’il ne divise, celui qui prend le temps de l’écoute à celui qui presse aux décisions, celui qui pondère et réfléchit à celui qui sait pour vous et dispose de votre volonté.

Sous une volute de promesses et par trop souvent d’exercices de communication qui envahissent à pas feutrés les réseaux d’informations apprêtés pour ce faire.

Curieuse époque que la nôtre : nous n’aimons guère et pour longtemps les hommes providentiels.

Le changement des fonctions, des exercices et des attributions est rivé à notre esprit. Le nouveau est le mieux du moindre. Du berger, nous requérons les fonctions du gardien ; du gardien, celles du protecteur ; du protecteur, celles des assurés sans risques, des garanties acquises des droits ininterrompus aux devoirs sans contraintes... Le berger est devenu « manager, chef coaching, coach » du moment et interchangeable à l’envi ! Il est assuré dès lors aux candidats à certaines fonctions, l’insécurité des terrains mouvants. Dans les entreprises, le prix du résultat à tout prix, du chiffre comptable et sans émoi, le bilan qui décidera d’un avancement ou au contraire, correspondent pour beaucoup de sujets à ces usages actuels.

Certains y sacrifient leur vie et leur santé. Il faut pouvoir être le meilleur, le premier et le seul. L’univers sportif en est un exemple idoine. Société d’excellence du plus ajouté au plus, en plus, dans un de ses ouvrages, François de Closets avait jadis qualifié cette posture de défi ininterrompu des ambitions personnelles qui ne mènent à terme qu’à l’inconnu...

N’oublions pas que cette image du bon berger, rêve d’enfance, perfection du modèle auquel nous associons tous ceux qui incarnent une mission publique et pour tous publics, était avant tout celle du Messie d’Israël, attendu et espéré par tout son peuple.

A chaque époque, le berger biblique arbore ses attributs. Changement de monde, d’époque et d’histoire, cette figure demeure encore. Elle incarne le meilleur de ce qui enrichit notre vie commune. Or, le défi est immense. Et nos balbutiements demeurent !

François-Xavier Esponde

(VIe siècle)

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