A - Littératures d'automne
Chacun se souvient de la longue traînée de feu, d'odeur de brûlé et de cendre des feux de l'automne dans les sommets montagneux de nos régions. On les désigne comme l'écobuage ou le brûlage sélectif accompli dans des zones abandonnées aux touyas et aux ronces, pour nettoyer les surfaces et éviter des incendies incontrôlables. Le défrichement par le feu ayant pouvoir de minéraliser les matières organiques par les cendres et les utiliser comme engrais fertilisants des sols les plus pauvres de toute la propriété. Ces terres dénommées maquis, landes, garrigues, "othe kafia" en basque ou plantations sauvages des touyas zamatsak.
Le feu demeurait une pratique ancienne par le brûlage sur pied de ces végétaux dont les fougères qui empêchent la pousse des foins d'alimentation animale au vert alentour au printemps. L'écobuage désigné par le terme courant de brûlage pastoral. On disait sans doute que le bénéfice d'un tel process avait aussi ses méfaits, de brûler la flore et chasser la faune, des zones protégées de leur habitat partagé. Tout en détruisant les adventices qui demeurent en une ferme de vrais espaces toxiques peuplés de parasites ou d'espèces envahissantes et polluantes.
Le brûlis ayant fonction de débroussailler les espaces, toute opération demandait au paysan de la maitrise technique pour ne pas détruire au delà la végétation alentour par des feux incontrôlés et dévastateurs. après un arrachage et séchage des mottes de plants à supprimer. L'écobuage demeure une méthode sobre de peu de nécessité technique, sinon de la houe et de la fourche, pour alimenter le feu, et contenir les cendres et éviter la dispersion du brasier.
L'histoire de l'Antiquité grecque cite déjà Xénophon en 350 avant JC, dans le livre l'Economique au chapitre XIII , parlant de l'écobuage comme une technique avérée de fertilisation par les cendres des sols agraires pour augmenter la masse d'engrais d'une jachère en vue de réaliser ainsi une opération de défrichage. Diverses techniques dont l'échaussage existent de ces travaux en surface sans labours. à l'aide de pelle, de houe et de bêche.
En 1762, Duhamel de Monceau évoque "une succession d'opérations à propos du brûlage des fourneaux en mottes d'herbes sauvages".
En 1850 on imagine des charrues à lames pour ce travail attelé de cheval avec toujours la même idée, "éliminer coûte que coûte les herbes inutiles ou toxiques des sols de ces résidus végétaux," et les rendre fertiles a l'alimentation des troupeaux. Car de tels adventices ralentissaient au printemps la pousse des herbacées de la nouvelle saison.
Les cendres représentaient de foi commune un élément fertile des sols et par le feu assurait le nettoyage dépolluant des zones accidentelles des propriétés particulièrement en nos terres souvent accidentées et impraticables de travail.
Ce feu bien mené, surveillé, géré permettait le contrôle des incendies et enrichissait quelque peu la biodiversité en évitant de laisser se répandre nombre de produits toxiques polluants et déconseillés par les agro techniciens.
En ce rapport interne entre l'avantage et l'inconvénient possible de toute technique utilisée, on mesure les précautions nécessairement prises pour éviter les effets indésirables sur la diversité de la flore et de la faune. Le risque de pollution de dioxines et de goudrons dus au feu lui même, ou aux particules fines contenues dans ces missions de dépollution par le feu que l'homme de la terre apprend à gérer avec précaution sur les recommandations de techniciens agricoles, de la gestion des pesticides de plus en plus surveillée, aux conséquences négatives sur le profil recherché.
On apprend ainsi à contenir les effets déduits de feux d'envergure sur l'atmosphère et à devoir attendre quelque temps avant de remettre en cours les sols défrichés par le feu des écobueurs.
Au Pays Basque comme le long des Pyrénées, on pratique l'écobuage de toujours, diront les aînés. Avec une certaine jubilation du culte destiné au feu, donnant en certaines régions de célébrer la nouvelle saison par ces brasiers géants qui ne concernent pas que la saint jean Baptiste ou s'en approchent en rappelant les récoltes des terres ensemencées dès l'hiver précédant.
De Brûlis voulant signifier dans l'Antiquité "les montagnes en feu" occasion de fêter l'événement, selon disent les linguistes le terme grec ancien, Diodore de Sicile les citent au Ier siècle avant JC dans ces écrits et les contemplent avec les yeux de son temps, du contentement et de la magie.
Au cours de la Révolution Française, l'écobuage s'accroît grâce aux lois favorables au défrichage des terres, dès 1793, et les lois de Partage des Biens Communaux. On en faisait même un bien lucratif en recueillant et vendant ces cendres consumées comme engrais des fertilisations des sols.
Une méthode qui avait quelques avantages pour des ouvriers gagne-petit, mais bien utile pour exister.
Selon les chroniqueurs, le Préfet des Deux-Sèvres se lamentait en 1804 des effets de ces écobuages à grande intensité sur les terres de son département. Sans contrôle, contre l'avis et à l'insu des propriétaires, mis devant les faits, nuitamment et sans surveillance.
Aujourd'hui les écobuages connaissent des réglementations strictes, des autorités publiques, préfet, maire, organisation de chasseurs, écologistes, amoureux et protecteurs de la faune et de la flore environnementale. ONF..
La montagne appartient à la collectivité, "Mendiak gurreak", dit la rumeur du dimanche, et des pratiquants des marches vertes en ces terres de villégiature.
L'écobuage donne lieu à un événement communal, sous bonne garde, gendarmes, pompiers, agriculteurs, élus, agents forestiers, associatifs et tous les autres mènent le tempo. La protection rituelle de l'environnement est devenue un culte moderne de la terre, de protection et de survie de ce bien commun. Planter un arbre n'est plus seulement un acte de foi en l'avenir mais un acte de foi en l'aujourd'hui et toute atteinte à cet arbre pèlerin du temps présent vaut le prix de la mémoire et de l'histoire, la sienne et bien la nôtre ! Une sorte de mimétisme fascine et façonne les conduites de nos contemporains. Le feu sacré de la terre, celui des écobueurs est un bien qui les dépasse. Comme une atteinte au sacré qui l'inspire, l'habite et le presse à l'heure de la saison froide vers les jours qui annoncent à nouveau le regain de vie pour la terre et de ses habitants !
B - Le feu à grande échelle
Selon les historiographes, les Amérindiens utilisaient le feu à grande échelle comme méthode de déforestation faute de moyens plus rentables. Les Européens arrivant dans les Amériques découvrirent des prairies déjà défrichées à l'usage des autochtones, par le feu. Le feu qui pour une population amérindienne est le symbole primitif de pouvoir et de puissance sur les êtres et l'environnement. Une pratique de purification des espaces naturels ou écosystèmes environnants par le brûlis et l'éradication.
Les Européens notèrent les conduites des Indiens "d'un feu calculé" par des écobuages occasionnels, quasi annuels à l'heure de la saison froide en vue de la saison suivante et la pousse végétale espérée pour nourrir les troupeaux et les hommes. Les nouveaux venus interdiront sans délai ces pratiques coutumières et feront sanctionner leurs auteurs, en les repoussant dans des réserves ou les reléguant ailleurs. Dès 1880, les autochtones sont interdits de feu des écobuages géants pratiqués in situ. Les Européens crurent y trouver une terre vierge primitive mais durent se résoudre à reconnaitre une terre déjà cultivée et travaillée par "les indigènes" et non acquise d'une création originelle !
"Les vertus et les croyances au feu accordaient la dépollution des terres, des animaux, des humains et de l'environnement. Les maladies apportées par les nouveaux venus en ces pays étrangers dont la grippe, la variole, et la tuberculose faisaient des victimes numériques en ces populations locales non immunisées. Par le feu on détruisait les victimes de ces affections mortes et contagieuses. Le feu avait pour ces autochtones des vertus originales". Les colons européens ne l'entendaient pas ainsi. La destruction par milliers d'hectares de terres vierges leur paraissait un gâchis et un risque de propagation du feu en forêt. Cependant, défricher ainsi les terres incultes, les réserver aux pacages des troupeaux ovins et bovins, favoriser la sédentarité de paysages aux dimensions avantageuses ne correspondaient pas aux vues des Amérindiens, nomades et sujets à des écosystèmes différents.
Les chroniqueurs évoquent des "feux anthropiques" pour ces pratiques, occasionnelles, et à la solde d'un résultat immédiat et fréquent. Pour favoriser les prairies, détruire les savanes et les broussailles, faciliter des forêts ouvertes, et des clairières herbeuses.
Par le feu, on définissait les surfaces laissées en friche de celles destinées aux usages fermiers, aux pratiques de chasse, aux circuits de communication et des parcelles pour certaines cultures et les baies.
Ces écosystèmes existaient avant la présence européenne sur ces espaces amérindiens. Par les prairies et les savanes on supprimait les sous bois selon la coutume et les cultures des autochtones.
Le feu procurait de la biomasse, une découverte récente qui demeure cependant datée et de longue histoire. La production de noix, de noisettes était prisée par les humains et les animaux tels les écureuils, les cochons sauvages, les ours, et d'autres espèces telle le pigeon voyageur, ayant des effets environnementaux immédiats sur les éco systèmes des forêts amérindiennes. On parlait bien de noix, noisette, saule, d'osier, de rubus, bénéficiant de cet usage du feu à grande échelle, qui semblerait aujourd'hui dépassé ou d'un autre temps ! Pourtant l'agencement des sols, des usagers, des troupeaux, des cultures s'harmonisait par le feu évitant la consommation de pesticides - herbicides que les européens connaissaient déjà et imposèrent aux acteurs locaux.
Deux méthodes d'usage du feu s'affrontèrent entre eux. Bien qu'interdits par les nouveaux venus, les Indiens pratiquèrent selon leurs us et croyances le brûlis sur leurs réserves, les Européens le faisant par défrichage, gestion patrimoniale d'une propriété définie et protégée du feu et des visiteurs. Lieu de vie, de chasse, d'habitat et de confort. Dans le but d'augmenter le gibier, les domaines de chasse, les jardins fruitiers, de cerisiers, de pruniers, d'herbes médicinales, par le feu souverain et dépolluant les sols, les insectes, les intrants de toutes provenances et animaux sauvages en liberté..
Pour les autochtones le feu disposait d'une propriété prophylactique qui nous apparaitrait aujourd'hui datée. En somme en supprimant les parasites auteurs de maladies invasives et mortifères, le feu représentait une solution parmi toutes autres médications existantes chez ces Amérindiens, davantage férus des plantes que les Européens. Avaient-ils des traitements de sols plus efficients ? Nul ne le sait dire, mais on peut croire à ces moyens des indigènes.
Le feu n'avait nullement perdu de ses utilités mais pour un Amérindien et un Européen, la méthode était utilisée à des fins différentes. Utiles et conclusives pour chacun, dits "de régimes modifiés" !