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Tradition
L'arche de Noé et le monastère de Khor Virap
L'arche de Noé et le monastère de Khor Virap

| François-Xavier Esponde 1227 mots

L'arche de Noé et le monastère de Khor Virap

1 - L’Arménie des origines chrétiennes.

Ce voyage historique par l’Arménie des origines chrétiennes nous rattache à ce pays unique pour les sources  de l’église.

Nées avec les apôtres Jude - appelé Thaddée - et Barthélémy venus dès le Ier siècle en terre arménienne, on se découvre en Orient dans un autre monde, dans un environnement sublime.
Le Monastère de Khor Virap en est le visage d’exception dans un espace situé au pied du Mont Ararat où l’Arménie d’hier entame dès le III ème siècle “sa culture chrétienne civilisationnelle”  par la conversion du Roi Tiridate IV par le grand Grégoire l’illuminateur...

Les archives manquent mais la mémoire orale de l’Orient s’enflamme de ce passage des croyances païennes vers la Lumière christique.
L’histoire se raconte sous le Mont Ararat porté en vénération par les hébreux, les chrétiens puis encore par les musulmans comme le sommet du voyage de l’Arche de Noé et de ses passagers de genre humain et animal, comme raconté par la Genèse.

Ayant rejeté dès 451 les propositions du Concile de Chalcédoine les arméniens adoptent la doctrine issue de la christologie de Cyrille d’alexandrie, (le miaphysisme) doctrine fixée dès 726 au Synode de Manazkert.
Comprenez “l’unique nature du verbe de dieu faite homme en prenant une chair corruptible et mortelle, comparable à celle d’Adam après la chute mais que par le feu de sa divinité, le verbe a rendu cette chair immortelle et incorruptible comme celle du premier homme en paradis”.
Il s’agit là d’un changement de paradigme inexplicable du point de vue de la raison, mais rendu accessible à la foi par la raison.

En Arménie l’humanité rompt avec le process des croyances paiennes, de combats ininterrompus des divinités entre elles, des divinités et des hommes, par ce croisement de l’orient et de l’occident, situé sur l’antique route de la soie demeurée vivante malgré les invasions succcessives des Turcs, des Mongols au XIII ème siècle, puis des Perses au XVII ème siècle.

Au terme récent de ces invasions barbares, le peuple arménien connaitra la première déportation massive et le génocide décrété par le gouvernement turc entre 1915 et 16, puis enfin le prix de la domination payé à l’Union Soviétique lors de la seconde guerre mondiale par plus de 300 000 victimes de guerre.
Dans ce dédale de guerres, d’invasions, d’humiliations l’Arménie reste encore debout et la présence d’une civilisation chrétienne exceptionnelle dévoile une architecture de couvents, de monastères dans tout le pays.
Les pierres en croix qu’admirent les voyageurs - pèlerins du monde sont de véritables dentelles de pierres appelées khachkars, qui sillonnent la route des cimetières, et les espaces cultuels du pays.

Revenant au Monastère de Khor Virap au pied du Mont Ararat, l’Arménie y croise l’âme patrimoniale de son histoire.
De toute histoire et de toute éternité, le mont qui domine les vallées est sacré par ses neiges éternelles et ses volcans. L’histoire des sémites considère ce Mont Ararat dès la fin de l’antiquité, comme l’aboutissement du voyage de l’Arche de Noé où se loge le dit monastère considéré comme le premier lieu saint d’Arménie.

Né du sang et des larmes de la foi douloureuse de ce peuple d’exception, Grégoire l’Illuminateur fut jeté aux oubliettes par le roi Tiridate IV d’Arménie pour avoir refusé les cultes païens de l’empereur, de la déesse Anahit.
Le saint homme survécut à treize années de relégation en ce lieu devenu lieu de pèlerinage et de dévotion sacré d’Arménie.
Mais le destin des faibles devenant la force morale de la providence, le roi malade fit appel, selon "la vie sainte racontée de l’apôtre aux vertus de ce sujet spirituel habité de force intérieure qui le guérit.”
Il s’ensuivit la conversion du roi au christianisme, ainsi que de ses sujets arméniens.
On est à la fin du IIIème siècle à une époque où ailleurs et chez nous encore pendant des siècles,  on adorera encore le roi soleil, les astres, les étoiles, les terres et les divinités qui les habitent..
Un premier monastère fut bâti sur la fosse au VIIème siècle, reconstruit aux XIIIème et XVIIème siècles. Une Université célèbre  fut associée au XIIIème siècle où l’on y retrouve une dense transmission de manuscrits, patrimoine exceptionnel de l’église d’Arménie conservé en ce pays.

2 - La déesse Anahit.

La tradition pré-chrétienne arménienne vouait à la déesse Anahit un culte national.
Déesse de la fécondité, de la beauté féminine, de l’eau et de la guerre, elle jouissait avec Mithra d’une faveur double au panthéon religieux arménien”la grande dame Anahit disposait d’un temple de dévotion où l’on conduisait les malades pour demander la guérison, les soldats pour conforter leur courage. La tête en bronze de la déesse était le symbole de la médecine arménienne. On peut la visiter dans le British Museum de Londres.

 Comparable à Artémis ou à Aphrodite en d’autres cultures orientales, le temple fut pillé par les soldats de Marc Aurèle de ses ors et de sa statuaire.
On raconte que le général romain en gloire fier de ses exploits offrit à l’empereur Auguste la hanche de la statue comme trophée de victoire.
Mais les Arméniens refirent une statue à l’identique, pour perpétuer le culte à la déesse par les danses, les musiques, les récitals, les jeux sportifs qui se célébraient autour du sanctuaire avant l’avénement du christianisme de Grégoire dans le pays.

  3 - L’arche de Noé

Du mythe à l’allégorie, le récit de la Genèse de l’Arche de Noé demeure une énigme de tous les temps.
Les religions monothéistes issues de la lignée abrahamique, les archéologues, les chercheurs de l’Orient ancien poursuivent leurs travaux inspirés  du Poème de Supersage au XVIIème siècle avant J.C., ou de la légende de Siusudra toujours à la fin du XVIIème siècle, sur l’histoire réelle ou illustrée de l’Arche de Noé.

L’histoire rappelle que l’épopée de Gilgamesh et la littérature assyro-babylonienne mentionnait déjà le mythe du déluge comme une force souveraine des dieux punissant l’humanité de ses exactions, instruisant la construction d’un navire pour sauver ce qui pouvait l’être de toute vie de genre humain et animal, embarquant Noé, ses épouses, ses fils et leurs épouses, pour un voyage impromptu qui les mèneraient à la montagne d’Ararat en Arménie, en voulant se sauver du déluge annoncé pour l’humanité entière en déroute.

La lecture commentée de la Genèse dans la Bible réveille sans cesse ce goût de vouloir interpréter le sens de ce récit mystérieux.
Le corbeau, la colombe et la fleur d’olivier, l’arc en ciel illuminent l’imaginaire de l’humanité, et le commentaire court en tout imaginaire, de toute interprétation textuelle, qui au fil du temps ont bâti de véritables écoles de la pensée biblique : sacerdotale et yaviste, des lectures historiques différentes selon l’interprétation littérale ou fondamentaliste des uns, ou allégorique des autres.

 La littérature écologique contemporaine s’attribue la faculté de revisiter le livre de la Genèse sur ce déluge annoncé par le réchauffement climatique ?
Le texte de l’arche de Noé demeure au cœur d’une interprétation où étonnamment la tradition religieuse expurgée de ses sources inspire la conscience morale contemporaine face au défi du déluge menaçant l’homme et son environnement

Il serait insignifiant de ne pas se souvenir de cet héritage spirituel venu de l’Orient, auquel l’orthodoxie chrétienne voue une fidélité ancienne autour du culte rendu à l’Eternel et à sa Création, particulièrement évocateur en Arménie autour du Mont Ararat, où se focalisent les cultes antiques et chrétiens de la terre, du ciel et de l’histoire de l’humanité !

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