Le Maître de maison est mort. La ferme blanche
A fermé ses volets sous la glycine en fleurs
Dont on entend frémir les molles avalanches,
Quand la porte s'entr'ouvre avec un bruit de pleurs.
Dans l'après-midi tiède et bourdonnant de mouches,
Une ombre se profile, à présent, sur le seuil.
Le Basque enlève son béret avec lenteur :
Il sent monter la voix de l'Esprit-des-Vieux-Âges,
Du fond des temps, dans le silence de son cœur.
Il passe, tout à coup, sur la dormante treille,
On ne sait quel frisson auguste infiniment...
- Le Maître de maison est mort, dit-il, abeilles,
Et c'est moi qui suis votre Maître, maintenant !
Puis, ayant prononcé les phrases rituelles
Sans lesquelles l'essaim psalmodiant et fier
Aurait ailleurs porté ses diligentes ailes,
Le nouveau Maître part vers la ferme aux murs clairs...
Et la ruche poursuit, parmi cette lumière
Où les blés sont pareils à des Archanges d'or,
Sa rumeur de rouet, d'orage et de prière...
Pierre Espil
Poète et critique dont la plume légère et talentueuse a maintes fois embelli l'œuvre des plasticiens et créateurs, Pierre Espil a durablement marqué le siècle écoulé en étant le témoin et l'acteur privilégié d'un incomparable foisonnement littéraire et artistique. Nous reviendrons ultérieurement sur la très riche personnalité de ce grand écrivain de notre région dont on a donné le nom à la médiathèque d’Hasparren, ville d’où il était originaire.
ALC