La Théophanie chez les chrétiens orthodoxes russes qui vient d’être célébrée le 19 janvier dernier revêt une grande importance avec la bénédiction de l'eau, une cérémonie au cours de laquelle la croix est immergée trois fois dans l'eau lors de prières et de chants solennels. En relation avec la prédication de saint Jean-Baptiste et le Baptême dans le Jourdain du Christ qui prend ainsi en charge le péché du monde, événement marquant ainsi la première révélation de la Trinité (Père, Fils et Saint-Esprit).
Selon la tradition, « l'eau de la Sainte Epiphanie a un grand pouvoir. Elle éloigne les démons d'une personne. Il nettoie une personne de la saleté de la chair et de l'esprit. Et il est impératif que chacun boive lui-même cette eau, la rapporte à la maison et, si possible, invite un prêtre à lire une prière et à asperger la maison d'eau bénite ».
Prière accompagnant l'eau bénite : « Seigneur mon Dieu, que ton don saint et ton eau bénite soient pour la rémission de mes péchés, pour l'illumination de mon esprit, pour le renforcement de ma force mentale et physique, pour la santé de mon âme. et corps, pour la soumission de mes passions et de mes infirmités selon votre miséricorde infinie par les prières de votre Mère très pure et de tous vos saints. Amen ».
En Russie, encore de nos jours, la veille de l'Épiphanie voit se dérouler une procession religieuse jusqu'au plan d'eau le plus proche, qui est également béni. Les fidèles y puisent ensuite de l’eau et se lavent le visage et les mains. Ceux qui le souhaitent peuvent également se baigner dans des trous spécialement aménagés à travers la glace.
ALC
L'eau en tous ses états par François-Xavier Esponde
1 - L'eau dans la tradition biblique
L'eau tient dans nos vies pour sa survie et le quotidien de ses attributs. Eau physique et spirituelle diversement pratiquée selon nos origines.
Dans le premier récit de la Création après le partage du jour et de la nuit, vient le temps de l'eau dans Genèse, 6-8. Et c'est là où l'eau se retire, qu'apparaît la terre qui porte toutes sortes de végétaux, 1,9-12.
Et dans le second récit de la Création avant sans eau la terre est stérile; et chassant Adam et Eve de la création de l'Eden, dieu leur prédit une fin certaine "jusqu'à leur retour à la terre, dont ils proviennent". 3, 19.
Dieu est le maître des eaux, les retient ou les libère, à son gré, Un rapport à la création difficile parfois à accepter face aux intempéries et catastrophes possible sous la poussée des eaux. Et cependant, sans ce rapport à l'eau il n'est de vie bénie de dieu ou récompensée pour nous, face à la sécheresse qui sévit parfois comme un châtiment !
L'eau est sacrée en toutes religions, particulièrement celles issues de la bible. Elle inspire, purifie, protège et entretient la vie. On le comprit récemment avec l'épidémie du covid, dont il fallait se protéger au toucher et par le corps physique en son entier. De l'hygiène pour les uns, de la pureté spirituelle pour d'autres. Car se laver de la souillure chez tout fils de la loi mosaïque, restaure la relation divine, teintée d'impureté volontaire ou involontaire.
L'eau de purification invite à la pureté morale, dit l'enseignement doctrinal de la tradition biblique, "je lave mes mains en signe d'innocence", au psaume 25,6, ou au psaume 50 "lave moi tout entier de ma faute et purifie moi de mon offense".
Cette eau est accordée au thème de la bénédiction et parfois de la malédiction, dans son ambivalence même, des crues violentes, d'inondations et d'orages, de raz de marée et de tremblement du sol, comme ces envahisseurs de l'histoire passée de l'alliance divine, rugissant comme rugissent les grandes eaux, Isaïe 17,13.
Les historiens rappellent que les Hébreux n'étaient pas des marins aguerris, leur rapport à la mer raconté par les Philistins, ennemis jurés des Hébreux, vivent le long de la mer, n'engageaient de relations communes, au risque des invasions de l'extérieur venant de la mer, on préférait assurer ses arrières en terre solide et sécurisée que dans ces zones exposées aux envahisseurs.
Paradoxalement, l'eau de la mer est un symbole de mort. Jonas, prisonnier d'un grand poisson, sans doute de quelque baleine, "les eaux m'ont assailli jusqu'à l'âme, l'abîme m'a cerné, et je descendis aux pays dont les verrous m'enfermaient pour toujours", Jonas, 2, 6-7. La mer reste le lieu des espèces démoniaques, des monstres et des dangers de l'homme. . La traversée de la Mer Rouge est encore dans les esprits du peuple de l'exode, guidé sur le chemin de la liberté, guidé par Moshe lui même sauvé des eaux, Ex, 14-16-15,21.*
De la Mer Rouge puis encore quarante ans après le Jourdain, pour entrer dans la Terre de la Promesse, c'est avec l'aide de Dieu retenant les eaux que le peuple traverse ces eaux à pied sec. Place est laissée aux exégètes et théologiens pour donner sens à ces deux traversées de la foi biblique dans l'histoire passée du peuple d'Israël !
Dans les évangiles, l'eau est le préalable de la vie publique de Jésus suite au baptême reçu dans le Jourdain, de son cousin Jean le Baptiste, celui-ci est un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Dans le premier testament, l'eau évoque le signe de l'Esprit de Dieu, qui donne vie en tous ses attributs, physiques, moraux et spirituels. du peuple choisi.
Héritiers de cette origine spirituelle et fidèles au baptême reçu depuis les origines, Paul rapporte : "c'est dans un unique esprit, que nous tous avons été baptisés, pour former un seul corps, tous nous avons été désaltérés par un même esprit". Le propos adressé à Nicodème qui interroge à toute époque de l'histoire, "personne à moins de naître de l'eau et de l'esprit, ne peut entrer dans le royaume de dieu", Jean 3, 5 !
Eau naturelle de toute survie, eau vive de l'esprit qui sanctifie elle est aussi symbole de mort de la rupture du cycle de la nature, avant d'endosser le symbole du ressuscité ou de la main heureuse de dieu conduisant Moïse et son troupeau en la traversée et de la mer et du désert, de la Mer Rouge et du Jourdain et de tous les précipices de la vie qui peuvent un jour précipiter notre destin !
* Thomas Osborne, à propos de la mer, Ce que dit la bible sur l'eau - Nouvelle Cité en 2021-
2 - Les bains en "eaux vives" des Anglo Saxons ?
Ils seraient plus de 7 millions et demi d'Anglais et Irlandais à pratiquer ces bains sauvages, dit baths swimmers en eau glacée en cette saison au milieu des canards sauvages et de cormorans, beaucoup de ces adeptes sont des femmes de tous âges, qui dans les rivières, les étangs, la mer été comme hiver pratiquent ces bains rituels et religieux, ou de confort et d'adhésion spirituelle. Un phénomène somme toute à l'anglo-saxonne !
Pour des raisons personnelles, un besoin de se surpasser, d'assumer un défi ou une épreuve morale ou personnelle, on plonge dans les eaux froides et les spirituels ajoutent leurs commentaires. Un désir de plonger dans l'immensité de l'eau et de la création, dans une âme universelle, où l'appel à la transcendance ouvre au delà de l'espace étroit du quotidien Aux uns une expérience religieuse et pour d'autres une interrogation sur l'infini.. Cette expérience rappellerait-elle le propos de Jean Damascène au VIIIème siècle qui comparait le divin à une immense mer d'essence, sans limite et infinie, ou des mystiques qui évoquaient la mer comme un passage vers l'océan divin ?
Auteur d'une histoire spirituelle de l'eau, Ian Bradley s'en est totalement inspiré en pensant aux mystiques chrétiens du Moyen-Âge.
Une mystique liquide, dira le chercheur, comme un poisson et un canard, à l'heure des solstices d'hiver et de printemps en quête d'harmonie avec la nature, à l'heure des pleines lunes autour d'un feu de camp à la scoute ? Comme une méditation païenne, dans le froid, la respiration prise par le présent, puis sortant d'une eau salvifique, autour d'un feu ou d'une boisson de café-thé à l'anglaise, certains renchériront "british, so british", mais pourquoi pas ?
Dans le livre "Breaking waves" (brisant les vagues, Icon Books, 2025), on retrouvera de ces témoignages autour de l'eau qui apaise et réconcilie des sujets happés par les épreuves de la vie et trouvant dans ces vagues un espace de dépassement de l'adversité !
On semble à travers ces auteurs reprendre vie dans un monde inhumain loin des réalités de gens modestes, retrouver les périphéries des églises isolées et renfermées en des îlots sur protégés. Bien de ces adeptes des eaux vives sont des fidèles des églises éloignés ou retirés des communautés. anglicanes ou catholiques du Royaume Uni. Théologien anglais, Ian Bradley parle d'une église liquide pour rompre avec des pratiques rigidifiées sur les dogmes, les rites et l'autorité, d'une conception de la foi "solide". Au delà de ce récit, la voie ouverte vers des liturgies extérieures aux temples et églises traditionnelles pourra-t-elle pratiquer cet échange ad intra et ad extra ? L'eau en assurerait le liant ? Surprenant n'est ce pas ?
Dans un pays où les sans religion - en 2011 de 25 % -, seraient passés à 37 % en 2021, les phénomènes religieux embrassent d'autres us comme bien souvent en d'autres pays.
3 - Du sens de l'eau
On lui attribue un capital essentiel du traitement de toute vie, du travail et des moyens d'en disposer pour l'homme. Elle est protégée épurée et assainie, par les réseaux d'adduction et les études sur sa potabilisation, par des connaissances en géosciences et en hydrogéologie.
L'eau demeure l'élément essentiel de la vie et de toutes les vies afférentes de sa matière. Un moyen d'hydratation humaine et des animaux, des végétaux et de toute végétation naturelle, de l'hygiène et de la propreté. L'eau fournit de l'énergie et de plus en plus régule le climat, accueille toute vie, la croissance et la fécondité, favorise les transports lourds. Sans eau nos cellules ne permettraient notre survie.
La célèbre Global Water Partnership GWP de la gestion universelle et internationale de l'eau sur la planète en assure et la gestion et la consommation et de sa préservation.
Le corps humain de chacun est composé de 60 % d'eau, le bébé en a 75 % en ses premiers temps. 87 % de cette eau est dans les mers du globe, 3 % à peine en eau douce, dont 69 % du total serait en eau gelée des pôles de la terre. 30 % en zone souterraine, soit donc 1 % en disponibilité effective !
La prise en charge de cette ressource est différente selon les pays, de la Chine à la Norvège, il y a de la distance non géographique mais cognitive. Pour les plus avertis aux plus insouciants.
Dans notre Pays Basque, on avait il y a quelques années distingué plusieurs usages de l'eau des sources, aux eaux productives, sanitaires et de bien être, de loisir et de divertissement, lors d'un colloque tenu à Cambo au Centre thermal de la ville. Au cours de ces dernières décennies, la consommation de cette ressource protégée en chaque utilisation a ouvert des horizons nouveaux du sujet.
Devenue énergie de substitution de ressources fossiles de pétrole et de charbon, dessalée en terre maritime proche de la Méditerranée et en Espagne en zone atlantique, l'usage de l'eau ne cesse de s'enrichir de nouvelles propriétés, loin de ces pratiques grégaires de jadis, en vertu d'une économie spartiate ou irraisonnée ! De sa gestion et de sa destination dépendrait l'avenir des hommes !