Constance (Diane Rouxel) jeune femme, frêle d’apparence, et son compagnon Bruno (Finnegan Oldfield) vivent dans la ferme de Bernard (Olivier Gourmet) le père de Constance. Ils sont éleveurs de bovins qu’ils tentent de vendre à la criée dans un grand marché aux bestiaux de Bourgogne. Leurs magnifiques animaux, élevés à l’ancienne, ne s’adjugent même pas au prix de réserve car la méthode d’élevage traditionnelle est onéreuse. L’exploitation familiale est très endettée. Les créanciers campent à leur porte. Déjà, Bernard reçoit des propositions d’achat à la casse. Outré, agressif, il refuse toutes les offres.
Malgré les dénégations de Bernard, éleveur de la vieille école, Constance et son compagnon élaborent un dossier pour reprendre l’exploitation agricole qu’ils estiment rentable en changeant les méthodes d’élevage des bovins. Le dossier de demande de subventions auprès des banques et du syndicat agricole est complexe à monter. Constance se bat sur tous les fronts : elle demande l’aide de Sylvain Rousseau (Jalil Lespert) responsable du syndic agricole local. Constance, seule femme dans un univers exclusivement masculin connait bien Sylvain et Géraldine (Sophie Cattani) sa femme vétérinaire. Dans ce monde campagnard tout le monde se connait depuis l’enfance.
Le montage du dossier afin de relancer l’exploitation agricole est complexe. Constance s’accroche, ne cède rien. De nouveau elle contacte Sylvain détenteur de quelques pouvoirs pour finaliser le projet au plus vite et le présenter à la commission ad hoc … L’instruction du dossier traîne en longueur perdue, semble-t-il, dans les méandres administratifs.
Constance sous pression, agacée par les atermoiements, décide de rencontrer Sylvain dans son bureau … Ce dernier, en apparence compréhensif, ne tarde pas à lui faire des avances …
Depuis la naissance du cinéma (1895), le monde paysan français (1900 : 16,1 millions d’agriculteurs soit 42% de la population totale – 38,9 millions de français) a irrigué, suscité des films de fiction ou documentaire sur ce terreau dont sont issus tant de nos compatriotes. En un siècle, la société paysanne a bien changé : l’exode rural qui s’est accéléré après la Seconde Guerre Mondiale, a vidé les campagnes où régnaient les petites exploitations familiales mais a déclenché, en contrecoup, une forte progression de la production agricole grâce à la mécanisation des tâches (matériels agricoles) et des méthodes (controversées) de productivité intensive. INSEE (Institut Nationale de la Statistique et des Études Économiques) recensait en 2020 400.000 agriculteurs et 250.000 ouvriers agricole, soit moins de 1% de la population française (67 millions) ! Le 7ème art, média populaire, reflet peu ou prou de la société française dans sa complexité, ne pouvait que traiter cet évènement majeur qui a traversé tout le XX ème siècle.
Terre des hommes (96’) de Naël Marandin succède à deux films français récents sur les drames paysans : Petit Paysan (2017) d’Hubert Charuel sur un jeune agriculteur confronté à une maladie qui attaque son troupeau de vaches laitières ; Au nom de la terre (2019) d’Édouard Bergeon, sur l’inexorable endettement d’une ferme familiale et ses conséquences dramatiques. A l’évidence, la désagrégation rapide, historique de la population paysanne aux destins multiples (enrichissement ou paupérisation) est un sujet rémanent dans la production cinématographique française.
Le réalisateur Naël Marandin (40 ans) pour son deuxième long métrage a pris soin de faire une longue enquête sur les milieux des élevages de bovins et des marchés aux bestiaux dans le Brionnais (Bourgogne) pour « nourrir » son scénario qui mixe, avec efficacité, la domination économique masculine de ce milieu avec son corollaire : la domination sexuelle. Constance, jeune femme instruite, au physique attrayant est donc convoitée …
Terre des hommes traite avec subtilité plusieurs plans du récit : le problème économique, passage souhaité d’une exploitation intensive mortifère pour de petites structures familiales à une économie plus raisonnée ; un problème relationnel : peut-on être une femme active dans un monde d’hommes sans être harcelée et comment tenter d’y mettre fin ?
Terre des hommes y répond d’une manière subtile, nuancée, non caricaturale, par la fraîcheur de son interprète principale Diane Rouxel (Constance) présence gracile mais déterminée dans presque tous les plans du film. Nous l’avions découverte dans Volontaire (2018) d’Hélène Fillières ou elle interprétait une jeune aspirante de marine. Jalil Lespert (Sylvain, le syndicaliste), Finnegan Oldfield (Bruno, le compagnon) et Olivier Gourmet (Bernard, le père) complètent l’épatante distribution de cette indéniable réussite.