Mardi 20 décembre dernier, Béatrice Leroy avait donné une conférence sur ce thème en la chapelle Saint-Léon de la cathédrale de Bayonne avec le concours d’Alexandre Aguerre à l’orgue et du chanteur Michel Etcheverry. L’accueil d’un auditoire fourni par le recteur de la cathédrale François Amespil constitua un moment inoubliable, « goûté dans le texte et le chant par tous ceux qui aiment Noël » comme rappelé par le mot d’accueil.
1 - La Navarre médiévale, entourée des deux côtés des Pyrénées, demeure le royaume référencé de France et de Navarre décrit par l’historienne, depuis son origine même. Bayonne, qui n’est pas une cité de ce royaume, représente cependant par son port, ainsi que les commune citées d’Urt et de Labastide Clairence, la voie des échanges des Navarrais avec le reste des territoires en dehors de leurs frontières et qui bénéficiaient « d’une alliance d’amitié » entretenue dans le passé par les échanges économiques transitant par ces cités.
Autour de l’an 1000, la Navarre concentre la majorité des citoyens chrétiens de toute la péninsule ibérique, régie par le droit ibérique dans un royaume où l’on parle le castillan, le navarrais (dialecte basque de la province), le latin pour les missions liturgiques, la langue des Francs pour les gouvernants, dans ce paysage franco-castillan constitué par le lien royal avec les princes de France gouvernant - au fil de l’histoire - ce « territoire des deux rives ».
Depuis 1134, la Navarre acquiert son indépendance au fil des avatars d’un passé contrarié par les invasions maures et les déchirures du royaume au fil des dynasties et des guerres de succession qui entravèrent cette unité.
Comtes de Champagne, d’Evreux, vicomtes de Foix-Béarn, ils ont façonné ce royaume depuis le XIIIème siècle en le définissant dans son unité historique pétrie de France et de Navarre.
Les archives du Royaume de Navarre, celles de la Cathédrale de Pampelune - dira Béatrice Leroy - donnent à découvrir aux historiens une manne intense de documents paraphés en français, en béarnais ou en castillan, témoins privilégiés de l’histoire des hommes qui ont façonné sa personnalité. L’église ayant eu cette fonction de gardienne de la mémoire où les documents en font foi.
2 - L’église de Navarre parmi les juifs et les musulmans.
Depuis le Concile du Latran en 1215, l’évêque de Pampelune observe les mandements pastoraux de l’Eglise désignant pour les populations des zones montagneuses du territoire un clergé parlant le navarrais - comprenez le parler basque des autochtones. L’évêque mandaté lors de son diocèse, « est de son temps, absent ou représenté par les supérieurs de congrégations de son territoire ou par son délégué comme le furent les évêques de cette époque », dira la conférencière.
Tudela, au sud de la Navarre, demeure la cité la plus peuplée au regard de la communauté juive, avec une autre minorité, maure et musulmane, concentrée principalement dans le sud et la région de l’Ebre du royaume. Mais leur nombre n’est pas équivalent.
Les contrats de mariage, les actes notariaux annotés en hébreu pour les juifs et en arabe pour les musulmans, sont la preuve attestant la pratique du droit castillan validé par le rabbin et l’imam dans leur communauté respective pour les actes officiels des sujets de leurs majestés navarraises régnantes, qui peuvent de la sorte surveiller la croissance de ces deux communautés minoritaires par rapport aux catholiques les plus nombreux mais dont la présence est vérifiée au vu des archives conservées à Pampelune.
Durant plusieurs siècles, la vie de chacune de ces communautés existe séparément, chacun observant ses propres règles : aux catholiques les évangiles, aux juifs la torah et aux musulmans, le coran. Le vendredi pour les musulmans, le samedi pour le sabbat, le dimanche des catholiques, la vie parsemée parfois de quelques incidents est contenue dans une règle d’intelligence acceptée par chacun...
Le nombre et la diversité des Ordres religieux du royaume est éloquent. Les princes du royaume n’eurent de cesse de protéger et de soutenir les congrégations sises en Navarre comme dans le reste de la Castille. Certains ordres parmi les plus ibériques, tel celui de Calatrava au XIème siècle, interviennent dans les luttes contre les maures pour contenir leur avance et leur volonté de possession des royaumes castillans hors les limites de la Navarre. Car les époques de l’histoire passée ne furent de tout repos, au gré des aléas de la vie de ces royautés.
La liste des communautés bénédictines, franciscaines, cisterciennes, dominicaines et leurs homologues au féminin conte leur rayonnement dans le royaume en son entier. Sans oublier deux congrégations espagnoles, les Trinitaires, et de la Merci, dont la mission fut d’aller libérer les chrétiens captifs transférés dans les territoires musulmans de l’Espagne méridionale et libérés moyennant finance des mains de leurs geôliers dans ces bagnes musulmans, témoins d’une histoire passée mais non oubliée de l’Espagne.
Du coté des juifs présents dans l’ancienne Ibérie depuis l’antiquité romaine, leur nombre représente selon Béatrice Leroy 10 % du total de la population, la Navarre confirmant ces chiffres. Beaucoup moins du côté des maures... Jusqu’en ces années au cœur du XIIème siècle où la Reconquista catholique sur l’emprise musulmane de la Navarre instaura un impôt civique, fuero ou capitation, permettant aux non catholiques de l’Espagne d’y résider moyennant ce droit de séjour.
Les juifs excellant dans les métiers du commerce, des textiles, de l’orfèvrerie, de l’horticulture puis encore de la médecine, des créances assurées à la diplomatie royale, et des enseignements.
Les maures versés dans le métier des armes, des métaux, fourniront les rangs des armées, dans le maniement des armes et la confection des défenses militaires sur le front des guerres engagés dans les rangs des princes du royaume.
Béatrice Leroy distilla quelques récits illustrés montrant combien le voisinage de cultures et de religions différentes sur le sol ibérique et navarrais racontaient les époques heureuses de leur cohabitation ou des tensions inter religieuses provoquées par un incident anodin mais prenant beaucoup d’importance et menant à la violence ou la mort.
Un voyage commenté d’une histoire de la Navarre qui s’apparente à l’environnement que nous connaissons.
L’histoire bien grégaire invite à savoir, pour connaître et juger de par soi-même ce qu’un retour sur le temps passé aide à percevoir pour évaluer nous-mêmes notre monde d’aujourd’hui !
La conférence enregistrée par Radio Lapurdi sera en libre écoute en 2017 sur www.lapurdi.net
François-Xavier Esponde