« Les mères porteuses sont des fours pour vos enfants » : ces propos abjects tenus à Paris le 5 septembre 2021 par une commerciale du salon « Désir d’enfant » illustrent l’horreur de cette pratique et du business sordide qui en découle. Alors que le salon « Désir d’enfant » a annoncé son retour en septembre prochain à Paris pour une troisième édition française devant rassembler les principaux acteurs internationaux du business de la procréation assistée (agences, cliniques privées, entreprises et intermédiaires), notre collaborateur l’abbé Esponde a décidé d’évoquer ce sujet auquel il est attaché pour donner à réfléchir pendant les vacances à ceux qui disposent de plus de temps pour cela. ALC
1 - Une évolution contemporaine de la question.
On évoquait il y a peu la question de l’avortement aux USA et les polémiques autour de son interdiction ou de son autorisation laissée par la Cour Suprême des Etats-Unis à la disposition de chaque Etat.
Et on évoque encore en ce jour la GPA , “la gestation pour autrui” dont les Etats Unis, le Canada, l’Ukraine ou la Roumanie sont les relais internationaux d’un bénéfice lucratif de la vie humaine, objet d’un commerce sans précédent diversement goûté par d’autres nations du monde, aux opinions tranchées sur le sujet.
Or, le 5 mai 2021, le Parlement Européen condamnait au sein de l’Union “la pratique de la GPA qui peut exposer à l’exploitation des femmes du monde entier, celles qui sont les plus pauvres” selon le texte publié.
Des pays émergents eux aussi avaient pris des mesures restrictives pour limiter la pratique de la GPA aux nationaux, tels le Népal, la Thaïlande, le Mexique ; et pour les pays européens, une Loi de 1994 relative au respect du corps humain rejette l’adoption d'un tel projet.
Face à un vide juridique international, il fallut trancher sur le principe mais de facto les situations existant, dans des populations provenant de l’étranger sur le sol français, la question restait encore en quête de réponses du Droit national.
Depuis plusieurs années le droit évolue en faveur de la reconnaissance des enfants nés à l’étranger par GPA parce que les Etats et les juridictions, disent les juristes concernés, “mis devant le fait accompli se préoccupent d’abord de l’intérêt de l’enfant et de son droit à un état civil”.
Citée comme un pays où la GPA se pratiquait médicalement dans des cliniques spécialisées, l’Ukraine proposait au prix de 15 000 dollars cet enfant attendu de l’étranger par des parents en attente.
Un tarif des plus bas comparé à celui des USA- Canada où les barèmes sont élevés.
Au nom d’un propos altruistes, ces jeunes femmes disposées à la GPA et suivies sur le temps de leur maternité, ne cachaient pas la motivation principale de leur disponibilité financière, avec l’accord de leur époux quand elles étaient mariées.
Si la pratique semblait admise en certains pays slaves, la Hongrie voisine gardait le silence sur la pratique en ses rangs. auprès de populations exilées depuis deux ans sur leurs terres. On préférait évoquer le moins possible ces us et pratiques qui s’apparentent au trafic des humains, ou de femmes, mères d’un jour exposées à tous les risques.
Le chiffre d’affaires de cliniques de procréation bio médicale avoisinerait selon les autorités de Kiev les 12 millions d’euros par an. Une unité modeste face à d’autres centres habitués de ces commerces. La plus grosse entreprise concernée Biotexcom publiant leurs chiffres.
Pour obtenir un enfant en Ukraine pour des parents de l’étranger, il fallait avant guerre, entre 40 000 et 65 000 euros suivant les tarifs exigés. La moitié de ces enfants rejoindraient des couples en Europe et au-delà même, italiens, allemands, roumains, canadiens, argentins, péruviens ou parfois brésiliens. Et les autres étant destinés aux Chinois.
Régie par la Constitution Ukrainienne votée en 1996 dans le texte, ”chaque personne a le droit à un enfant” suivant un cadre de conditions d’accès et de procédure médicale qui contraint les processus de cette appropriation.
La mère porteuse n’étant considérée que comme un élément de la transmission auprès de parents d’intention vers qui se tournent les droits de l’échange admis, le rôle des Agences devient primordial.La mère porteuse d’un bébé est ainsi protégée jusqu’à la naissance de l’enfant sous le regard de parents adoptants qui attendent la naissance sur place où se fait la transaction économique d’un nouveau né comme celui de tout autre objet mercantile.
La guerre en Ukraine ayant accentué le risque de vie de ces femmes avec leur enfant à naitre, on a préféré pour bien d’entre elles les déplacer vers l’étranger au milieu des autres familles sur le chemin de l’exode, pour des raisons humanitaires que paradoxalement les pays accueillants ne reconnaissaient pas chez eux selon le droit national en usage au sujet de la GPA.
Plusieurs furent accueillies en Roumanie, Hongrie, Pologne et même en France pour fait de guerre, et protégées par ce statut de réfugié mais on devine de toute évidence que leur double peine actuelle ne résout en rien la question de la GPA ni celle de leur retour souhaité chez elles en Ukraine après les hostilités présentes.
Le sujet de la GPA soulevait déjà en Ukraine la question de faire endosser le risque d’une grossesse à une tierce personne en utilisant les leviers de contrainte économique. Elle représentait une violation de l’intégrité et de la liberté de la personne, une coercition reproductive, et pour les enfants un trafic de bébés qui ne dit pas son nom !
Qu’en est-il de ces femmes actuellement sur le sol français parmi les déplacées comme celles déjà en Pologne et autres pays limitrophes ?
On préjuge de la complexité de cette présence, de femmes vulnérables qui ne l’ont pas choisi, se voyant accoucher sous X et devant abandonner leur nouveau-né selon la convention signée à l’étranger, non acceptée en France mais qui s’appliquerait contre de tels décrets juridiques de la GPA sur le territoire national.
Les juristes se partagent nécessairement ces dossiers compliqués dont l’issue finale devient la légalisation à terme inévitable de cette naissance sous GPA en France.
2 – La question de la dignité des femmes et de la GPA
Si le 5 mai 2022 le Parlement Européen signait une résolution condamnant sans appel la gestation pour autrui, cette condamnation rappelant une proposition de résolution envisagée déjà en 2015 et un précédent rapport en 2021 disait que “l’exploitation sexuelle à des fins de gestations pour autrui constituait une violation de la dignité humaine”.
La gravité du sujet ne laisse que peu de temps aux tergiversations.
Deux camps s’affrontent depuis des années sur ce sujet :
- Les “abolitionnistes” à l’échelle mondiale réunissent des féministes universalistes et des catholiques Pro Life américains, Pro Vita en europe, qui purent s’opposer à l’heure de l’IVG jadis entre eux, et paradoxalement s’unissent à présent autour de la femme, mère par défaut, objet d’un trafic tarifé qui dérange dans leurs rangs.
- Les “règlementaristes” de l’heure, féministes, LGBT de couples hétéro sexuels qui constatent une voie irréversible en faveur de la GPA cherchent des moyens de réguler le courant et éviter des débordements à terme pour le nouveau né et en amont dans la philosophie partagée entre promoteurs de la GPA, voulant donner une forme naturelle et normale de la naissance d’un enfant comme tous les autres, par un parent marié ou solitaire, de même sexe ou différent, à l’identique de tous les couples de la terre.
La seule exception porterait sur un transfert de gestation par autrui distinct ? L’argumentaire ne cache quelques difficultés à le percevoir !
Une large diffusion de livres comme celui de Céline Revel - Duma, auteur de “GPA le grand bluff” (Editions du Cerf), des documentaires dans des médias fervents acteurs de livres comme ceux de Fogiel et Christophe Beaugrand sur la paternité de même sexe, des séries comme Friends et Plus belle la vie, entretiendraient l’ambiance et le modèle en cours d’un changement d’horizon de ces thèmes sociétaux en vogue aujourd’hui.
Les avis se partagent et les débats se réveillent encore.
Si la tendance va vers une adoption universelle de ce principe de procréation technicienne, par procuration, les politiques hésiteraient cependant à s’engager ouvertement sur ces sujets psychologiques et subjectifs personnels.
Pour défendre la femme soumise à “ces lois du marché” mais par précaution se tenant à la marge du statut de chacune dans ses choix individuels en faveur ou contre la GPA.
Chaque sujet ayant conscience de se voir face à un troc de la vie, qui mène au delà de l’emprunter ou non librement.
Dans l’Atlas des femmes, de la préhistoire à “Me - Too édition de La Vie et Le Monde, le rapport synthétique et global de cette histoire conjugue le caractère opportuniste du moment à celui philosophique de tout un chacun qui doit faire son choix librement.
Complexe que de savoir in fine ce qui permet de penser que dans la majorité des pays de l’Europe, en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Suède, en Finlande, la GPA soit punie de trois ans de prison et de lourdes amendes pour substitution d’enfant” tandis qu’en Argentine, aux Pays Bas, en Pologne, en Belgique, ou au Royaume Uni depuis 1985, et contre rémunération l’autorisation semble admise !
La question de l’avenir ou non de la GPA demeure ouverte.
Elle s’inscrivait dans le halo inévitable des manifestations pour la vie d’antan, comme un horizon probable, elle est devenue incontournable par le mariage de personnes de même sexe, et la volonté individuelle de gérer la maternité comme un choix personnel.
Le changement d’univers est patent. La bio médecine rend ces programmes de procréation possibles.
Comment les politiques en feront leur choix sociétaux ? Difficile de le dire tant les urgences du moment divergent. Il semblerait que lors des dernières présidentielles françaises on n’ait pas donné à cette question de la GPA un profil de promesse de programme. Du moins pas encore !
3 - la GPA et le Droit Français.
Dans Les marchés de la maternité, paru chez Odile Jacob, l’ouvrage précise les lois de l’interdiction de la GPA en France.
L’Article 16 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1994 “toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle, le corps est “indisponible” ne peut faire l’objet d’un titre de propriété pour” l’usus-“ l’usage,” l’abusus” en en disposant ou “le fructus” en tirant bénéfice.
La convention internationale sur la traite et l’esclavage ratifiée par la France depuis le 5 août 2013 stipule le recours à cette interdiction passible d’amendes lourdes, emprisonnement et pénalités.
Les promoteurs de la GPA parlent d’éthique, mais le prix des intermédiaires, juristes, entreprises, maternités reproductives nourrissent un réseau lucratif peu ou pas contrôlé.
On n’y parle que de l’enfant désiré mais la femme-porteuse disparait dans une approche distincte dans un esprit anglo-saxon et latin.
La femme se définit comme matériel biologique ou matrice biologique, réduite à cette fonction et niant toute réalité existentielle de la grossesse.
Le contrat qui unit une vision anglo-saxonne de cet échange commercial est tempérée par une approche relationnelle dans un univers latin, le nôtre où ne prévaudrait que le droit sans transcendance, sans fondation hétéronome, dans un rapport limité aux choses et aux objets jusque dans nos relations humaines lors de cette gestation pour autrui !
Des questions toujours posées et en attente de réponses !