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La Terre
Jardins et vergers d'automne
Jardins et vergers d'automne

| François-Xavier Esponde 1162 mots

Jardins et vergers d'automne

Les plus anciens se souviennent de ces mois d’automne où jardins et vergers donnaient à profusion de leurs fruits de saison à l’heure des récoltes. Dans les fermes familiales on cultivait le jardin pour les nécessités domestiques, et développait un carré verger d’arbres fruitiers des plus communs et des plus utiles.

Le mois d’octobre venu il fallait récolter les carottes, les pommes de terre, les poivrons, les brocolis et les betteraves, les potirons et les melons de jardin. Et les raves et topinambours des élevages. Le rutabaga rappelait la guerre, on le distribuait au bétail de la maison.

A petite quantité mais ces légumes existaient parmi les choux, les courges, les courgettes, les épinards, les poireaux, les salades, les tomates.
Le mois de novembre était celui des épinards de préférence après un temps de maturation plus prolongé, de la mâche et des cornichons.

De quoi se nourrir quelque temps à la faveur de conserves et par la suite de congélateurs modernes devenus de nouvelles réserves d’aliments à la fraîche, remplaçant ces étagères sous protection des insectes placées dans les espaces frais de la maison des garde mangers !
Le temps compté et pressé conviait à la récolte des fruits du verger ; coing, figues et kiwis d’origine plus récente, noisettes, noix, pommes, prunes et raisins au milieu des agrumes de saison. Parfois autour de la treille, à l’entrée du jardin ou sur un coté exposé au soleil, de l’ingéniosité du jardinier pour qui rien ne se perd dans l’espace aménagé !

Point d’oranges ni de mandarines, fruits exotiques de ce temps venu de pays limitrophes, que l’on allait quérir aux postes frontières dans les ventas des sorties hebdomadaires pour ses emplettes.

Le raisin de nos fermes avait un privilège unique.
Planté sur des terres pentues de préférence, exposées à l’est et à l’ouest les pieds de raisin produisaient le vin de ferme, au goût particulier du sol pour des usages familiaux de fête et d’exception.

Chahuté par les merles en furie dès la maturation du raisin, le matin au crépuscule il fallait chasser les importuns, qui connaissant les ruses des fermiers choisissaient le matin frais de bonne heure pour commettre les irréparables, car une nuée de merles aux aguets pouvait détruire une part de la récolte promise en quelques heures, alors des pièges, des détonateurs de poudre servant d’explosif servaient pour les en éloigner.

Mais instinct de survie, le merle habitué aux subterfuges ne craignait que le tir de carabine des sans permis qui pourrait un temps seulement les faire fuir du vignoble en danger !

La ferme familiale regorgeait de singularités, aucun terrain limitrophe, à pente douce, d’angle et de surface impraticable, ne manquait de donner à nos parents l’opportunité d’y planter pour les générations suivantes quelques plants de pruniers, ou de noisetiers, qui un jour donnerait son fruit. Providentialistes par nature, on ne doutait jamais de la prouesse paysanne pour solliciter le sol le plus accidenté et lui demander quittance de ce travail accompli !

Récolter un jour et sans délai, replanter le jour suivant proche, on ne connaissait de jachère dans nos fermes, mais à la faveur d’un fumier domestique ou de compost naturel, il fallait préparer déjà le sol pour les prochaines récoltes.

Pas moins de trente et une récoltes de semis étaient rendu possibles au potager pour tout jardinier fin connaisseur qui savait ce mois charnière pour les suivants.

Le piment cultivé à grande échelle, n’existait pas encore.
D’autres plantations verront le jour dans nos terres agricoles revisitées par de jeunes talents innovant dans ce cas.

La polyculture avait ses avantages, le nombre de haies rasées pour le profit de prairies et de champs de cultures extensibles a modifié l’espace agricole au fil de ces dernières décennies.
On plantait déjà les carottes dès octobre, les épinards, les fèves ou les laitues, les oignons, les poix, l’ail blanc , les échalotes.
A deux coudées d’un élevage de lapins et du poulailler, le canard et les oies frayaient dans leur réserve fermée, la cohabitation de l’homme et de sa maisonnée était prolifique.

Au risque de chaque saison un travail minutieux souvent mené sur des sols exposés au soleil ou au vent, car selon le temps et l’hiver redoutable de ces années, le givre pouvait détruire en quelques heures le fruit du labeur entrepris.

Ce mariage de la terre et du paysan cultivateur appartenait à cette tradition culturelle basque du cul terreux dont nous sommes issus nombre de citadins de fraiche naissance. nostalgiques parfois de ce savoir ancien qui semble perdu pour les contemporains.
On voit désormais dans les cités périphériques urbaines des jardins verts ou maraichers enrichissant l’espace familial des maisonnées s’exercer au jardinage à l’ancienne.

Le croisement de plantes entre elles, les greffes d’arbres fruitiers entre les espèces de même famille était pratique courante.
Un vieil abbé Chory de son nom arpentait la campagne muni de son couteau aiguisé et de quelques outils sommaires, et enseignait aux paysans jeunes en ce temps- là les rudiments de la greffe qui par bonheur pour les crédules, réussissait sa prise, sous le pouvoir de cet arboriculteur exercé.

Un autre moine de Belloc avait acquis en la matière une réputation éclairée dans cette expertise.
Albert Bessagnet, franciscain du couvent de Saint-Palais, fils de viticulteur gersois, faisait des prouesse dans son petit paradis où poussaient des espèces apportées.

Les résultats in situ semblaient concluants et la renommée du religieux se répandait alentour dans les villages comme celui d’un druide à la serpe et au couteau acéré, qui parvenait à conjurer la stérilité de certaines espèces et les rendre fertiles dans les vergers.

Il y faudrait relire le poème de Victor Hugo sur l’automne pour conjurer le mauvais sort et s’armer contre le frimas de l’hiver :

Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.
Victor Hugo, "Dernière gerbe"

L’on vivait ainsi au vert naturel, si sobre et frugal qui aujourd’hui rend nostalgique d’un passé sublimé.

Le réchauffement climatique et ses effets sur les cultures ont anticipé certaines dates des récoltes, mais de toute évidence la Mère Terre, –LurAma- continue à faire croître les cultures des sols, avec ou peu de pesticides, avec ces composts améliorés car nos contemporains arborant fièrement le culte écolo des pionniers, s’inspirent des méthodes de leurs aïeux pour la préservation des sols et la préparation des cultures.

L’expérience ne pouvant nuire aux audacieux, les cultures dans leur diversité inspirent toujours les innovations et les entrepreneurs.
Le travail de la terre est donné au défi des saisons comme un terrain d’observation infini.
Lequel de ces jardiniers n’a-t-il le sentiment de cultiver son Eden à lui dans un horizon de promesses et de nostalgies ?

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