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Nos disparus
In Memoriam : le Père Ignace Arregui, un pionnier des radios basques
In Memoriam : le Père Ignace Arregui, un pionnier des radios basques

| Alexandre de La Cerda 1079 mots

In Memoriam : le Père Ignace Arregui, un pionnier des radios basques

Le décès à Loyola, à l’ombre de la demeure et de la basilique de saint Ignace, du père jésuite Ignace Arregui à l’âge de 89 ans et à la suite d’une longue maladie (qui ne l’avait guère empêché de rédiger sa newsletter quotidienne « Loiola XXI ») constitue une perte irréparable pour le monde de la presse et du journalisme radio.

Au mois de mars dernier, à la veille du premier confinement, je lui avais rendu visite à l'université jésuite de Deusto à Bilbao où il résidait alors : c’est peu dire qu’il m’avait chaleureusement accueilli, mon vieil ami Iñazio Arregui qui avait "hébergé" sur son antenne (il y a 41 ans !) mes premières émissions de Radio Adour-Navarre lorsqu'il était directeur de Loiolako Herri Irratia, avant d'être l'un des fondateurs et le premier directeur de la radio publique basque Radio Euskadi (EITB) dont je fus le premier correspondant en Iparralde, puis d'être nommé directeur-adjoint de Radio Vatican à Rome où il passa 18 ans.

Parmi les récompenses qu'il avait reçues pour ses travaux, signalons en particulier le Prix "Ondas" en 1968 : instauré en 1954 par Radio Barcelona (de la chaîne SER) et patronné par l'Union Européenne de Radiodiffusion, ce prix récompense les professionnels dans les domaines de la radio, de la télévision, du cinéma et de la musique, choisis parmi des candidatures provenant de plus de vingt pays.
Egalement lauréat du "Prix du journalisme Ricardo Arregui" 2011 décerné par le Gouvernement Basque. Ses chroniques à la TV espagnole sur l'actualité pontificale depuis le Vatican (de 1993 à 2005) avaient été très suivies.

Actif jusqu’à ses derniers jours

Une retraite fort active à la veille de ses 90 ans ajoutait ainsi à la rédaction de son très documenté blog quotidien intitulé "Loiola XXI" une action comme « vice-postulateur » du processus de canonisation du bienheureux frère jésuite Francisco Garate Aranguren (1857-1929) dont j'avais visité la maison natale voisine du manoir de saint Ignace à Loiola, et le château de Poyanne en Chalosse où il avait fait son noviciat... Le père Arregui avait évoqué les émissions de Radio Adour sur l'émetteur de Loyola dans ses deux ouvrages : "Herri Irratia Loyola Media" et "Eta orain, zer ? Gure urte haiek, 1931-2009".

Et en 1980, un hommage avait été rendu au Père Arregui au Musée Basque de Bayonne, du temps de son directeur Jean Haritschelhar, pour avoir accueilli les émissions de la première station de radio du Pays Basque Nord, avec une première page de l’hebdomadaire « Herria »… Sans oublier sa présence au premier anniversaire de Radio Adour Navarre, fêté à Biarritz à l’automne 1979, sur la terrasse du « Victoria Surf » qui venait, hélas, d’enlaidir le rivage biarrot : j’avais demandé au chanoine Salaberry, qui assurait une chronique régulière sur notre antenne, d’adresser quelques phrases à l’assistance en majorité erdaldun (non bascophone, ndlr.) dont le député maire, à l’époque Bernard Marie.

Ignace Arregui se souvenait encore de la longue déclaration en euskara du chanoine Salaberry qui mérita d’autant plus d’applaudissements que la plupart n’y avaient pratiquement rien entendu, mais le coucher de soleil était somptueux et le buffet, offert par l’un de nos annonceurs publicitaires, très prometteur… Soudain, sans se démonter, de son timbre quelque peu nasillard, le chanoine fit tomber cet arrêt implacable et définitif : « Et maintenant, pour les incultes… », tout en poursuivant en français !

La langue basque en priorité

Et s’il était précisément un domaine où le Père Arregui était loin d’être un inculte, c’était bien la langue basque, lui qui avait l’avait introduite à Radio Popular de Loyola avant de prendre en charge la chaîne publique  Euskadi Irratia où son premier objectif fut d'attirer des jeunes qualifiés : « ils devaient être de bons professionnels, amoureux de la langue et de la culture basques, et souhaiter une véritable autonomie pour le Pays Basque, tout en respectant notre statut.

Mais les obstacles n'étaient pas rares : combien et comment utiliser Euskara, quel type de relation entretenir avec les autres radios, offrir un bon service au pays en tant que radio publique, respecter le statut en politique, comme dans une vraie démocratie, libre de toute pression.
A cette époque, on avait dû faire face à la difficulté d'utiliser une nouvelle langue pour les médias.
Et l’euskara ne nous accordera jamais de trêve, surtout dans les médias publics, où j'ai toujours vu comme une difficulté à résoudre - et je continue à le voir - le soutien, l'enrichissement et l'utilisation de la langue basque dans toutes les questions. Plusieurs fois, nous sommes limités dans notre travail ; parfois parce qu'il est difficile d'exprimer certains sujets en euskara, d'autres fois parce qu'il n'est pas facile de mettre à jour notre vocabulaire, et à de nombreuses autres occasions parce que l'auditeur n'est pas capable de comprendre.
Il ne fait aucun doute que l’euskara est notre caractéristique et notre bien le plus précieux. Mais, malgré mon amour pour la langue basque, parfois je trouve cela très difficile. Dans tous les cas, l’euskara n'est pas la seule ou la plus grande valeur d'un peuple ; il y a de nombreux pays qui ne possèdent pas leur propre langue, et pourtant ils maintiennent leur identité. Il est clair que nous devons forger, enseigner et renforcer notre identité en tant que pays, où la langue aura toujours une grande importance, mais sans qu'elle devienne une limite ou un obstacle.
Ainsi, Euskadi Irratia et quelques autres stations de radio ont fait de grands efforts en faveur de la diffusion de l'euskara, mais il convient d’exiger plus de la radio dans sa production. Quand on a commencé à Radio Popular de Loyola, c'était très normal de faire des programmes de toutes sortes : histoires, théâtre, etc. Ces dernières années, pour diverses raisons, les radios ont complètement négligé ces domaines. La qualité de la production radiophonique a beaucoup décliné, parfois elle a même disparu, sans aucune justification ».

Le 1er novembre dernier, je recevais un dernier message de mon ami le Père Iñazio : " Chers famille et amis, je vous informe qu'à partir de mercredi prochain, je serai transféré à la résidence pour personnes âgées et malades du sanctuaire de San Ignacio de Loyola.
Ma santé a fondamentalement changé depuis que le 8 août, à 10 heures du soir, j'ai fait une grave chute dans un cloître de l'université de Deusto. Depuis, ma santé a eu diverses complications. J'ai besoin de soins médicaux permanents et variés pour lesquels l'infirmerie de Loyola est préparée - Ongi izan denok. Zorionak. Otoi".

R.I.P. Goian bego.

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Avec le Père Arregui dans le patio de l’université de Deusto, mars 2020 ©
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