C'était à la fin novembre 1999 : à l'occasion de la traditionnelle "Soirée des Biarrots" qui voit nos concitoyens prendre possession de "leur" Palais lors d'un dîner de gala, le président de la SoCoMix qui gère l'établissement , à l'époque Pierre Grenade, également premier-adjoint de Biarritz, avait confié le titre de "Biarrot de l'année" à Michel Frois qui, bien que Spiritain (habitant du quartier Saint-Esprit à Bayonne) , avait beaucoup œuvré pour implanter et maintenir à Biarritz pendant un quart de siècle le Festival de l'audiovisuel d'entreprises (photo de couverture). L'heureux récipiendaire, accompagné de son épouse Freddy Frois, avait reçu un magnifique service à petit déjeuner, réplique de celui qu'utilisait naguère l'impératrice Eugénie.
Une bonne occasion également de trinquer à la santé d'un établissement dont le chiffre d'affaire - en augmentation de 15% - rapportait alors une coquette somme à la ville (le quart des revenus du casino, rappelait Pierre Grenade). Quant à la brigade, applaudie par les convives, elle continuait de glaner de nombreux lauriers : Eric Landais, déjà distingué par Champerard et premier au Championnat français de pâtisserie, Guy Deleris, trophée Delfy et M. Place, au concours des sommeliers (catégorie champagne ) ; Andrée Alaman, première à la finale mondiale des meilleurs rôtisseurs, David Chassagne, premier au concours de Romorantin (catégorie Premier commis), etc.
Trois ans auparavant, à l’âge de 82 ans, Michel Frois avait transmis le flambeau du Festival à une nouvelle équipe dirigeante, avec sa présence, presque en pointillés, qui n'avait hélas pas suffi à maintenir le niveau de la manifestation qui pâtira d’une grève d'Air-Inter déclenchée comme d'habitude au moment le plus opportun, compliquant l’arrivée des vedettes des petits et grands écrans ; et Alexandre Arcady remplacera Gérard Oury, malade. Finalement, très vite, le festival gagnera d’autres cieux...
Des yeux pénétrants où passe un éclair de malice, l'humour froid teinté de cynisme, sanglé dans la raideur d'un ancien officier de cavalerie ; drapé à l'occasion dans une rigueur "vieille France", il était déconcertant, au premier abord, ce descendant de la "Nation portugaise" - d'origine israélite mais devenue plus bayonnaise que les Bayonnais - au quartier Saint-Esprit où sa veuve et ses descendants possèdent toujours "Le Marquisat", exquise demeure familiale depuis le XVIIIème siècle.
Mais le regard était traversé parfois d'une lueur espiègle et volontiers lutineuse contredisant ses traits de sphynx indéchiffrable et esquissant le jardin secret de Michel Frois.
Michel Frois : la communication révélée
Ce « pape » de la communication des entreprises et redresseur de l'image du CNPF – le syndicat patronal fêtait en septembre 1996 son cinquantième anniversaire en présence du Chef de l’État, Jacques Chirac -, était né en 1914 à Bayonne, dans une famille à la confluence d'armateurs, de négociants et de banquiers. Monté à Paris pour suivre les cours de l'Ecole libre de sciences politiques et de la faculté de droit, tout en jouant du violon dans les orchestres de jazz - il accompagna entre autres Django Reinhardt - sa passion du cheval et les menaces de guerre le conduiront à l'Ecole de cavalerie de Saumur pour entreprendre une carrière d'officier d'active.
Après une blessure et une évasion, qui seront suivies d'un départ pour l'Afrique du Nord, c’est en 1943 à Casablanca que Michel Frois éprouva "la révélation de la communication" devant des panneaux de l'armée américaine, illumination qui l'inspira toute sa vie, depuis les balbutiements du SIRPA jusqu'à la direction de l'information du Patronat français.
C'est dire l'intérêt multiple - l'événement, même - que constitua la publication de ses mémoires aux éditions Atlantica : "La révélation de Casablanca : mémoires d'un officier de cavalerie atteint par le virus de la communication, Biarritz".
Tant pour nos compatriotes, au regard de l'exceptionnelle destinée de ce Bayonnais-spiritain, que pour tous les "communicateurs" qui découvrirent dans ce livre les origines et les fondements de leur profession.
Mais Biarritz lui était également fort redevable pour y avoir installé en 1972 puis maintenu pendant un quart de siècle, contre vents et marées, le "Film industriel" devenu Festival de l'audiovisuel d'entreprise ; alors que le manque d'infrastructures essentielles dans la ville laissait craindre un départ de cette manifestation majeure vers d'autres cieux - dans l'immédiat après-guerre, Biarritz avait déjà laissé filer le festival de Cinéma à Cannes - lui en avait-il fallu de la fermeté pour imposer à Bernard Marie, à l’époque député-maire de Biarritz, les aménagements indispensables au futur Palais des Festivals. Car l'ancien maire se serait bien contenté alors d'une hybride "salle multi-quelque chose"... On sait ce qu'il advint du Festival au lendemain du départ de Michel Frois.
Comment ne pas me souvenir de mes joyeux repas de jeunesse à Bordaberry que Michel Frois n’hésitait pas à fréquenter, se mettant volontiers au piano et jouer d’allègres morceaux pour la plus grande joie de mes copains !