Il y a quelques années encore une pharmacie occupait les lieux, rue du Port. Avec l’appui de la mairie, devenue propriétaire du local désaffecté, une épicerie participative occupe les lieux. Hendaiakoop - c’est son nom - révolutionne la façon de consommer : ici, les clients participent à la gestion des rayons, au choix des produits et leur approvisionnement, jusqu'au fonctionnement quotidien de la boutique et de la caisse. Ils sont "koopérateurs" et copropriétaires de l'épicerie. Les confinements successifs semblent avoir motivé de nombreuses personnes à franchir le pas d’une consommation plus responsable et locale.
Une épicerie de quartier, référençant des produits de qualité, essentiellement bio, en circuits courts, le tout souvent moins cher qu'en grande distribution et acheté dans le respect des producteurs, c'est possible ?
Des clients qui prennent le temps d'échanger avec l'épicier en caisse, de mettre un peu d'ordre au rayon compotes et font la queue sans jamais râler ? Eh oui, c'est possible. Mais rare. Cela se passe au Centre-Ville d'Hendaye, au numéro 10 de la rue du Port.
Ici, nous ne sommes pas dans un supermarché plein de néons et de bannières promotionnelles mais à Hendaiakoop. Les clients, eux, sont des « consom’acteurs » convaincus, ou plus précisément des "Koopérateurs" : ils jouent à domicile, dans le commerce qu'ils ont façonné à l'image de leur frigo et financé via leurs parts sociales. Ils s'y investissent au minimum trois heures par mois, à tour de rôle et dans la bonne humeur.
Ce modèle de commerce original et vertueux, inspiré de la Park Slope Food Coop (née à Brooklyn en 1973), de La Louve à Paris ou d’Otsokop à Bayonne, répond à une demande des consommateurs de pouvoir agir dans ce monde de la consommation jugé de plus en plus déraisonnable. Aux produits standardisés et industriels est préférée une multitude de pépites gustatives, souvent locales et à l'impact environnemental toujours pris en compte. C'est aussi un modèle humain où l'on apprécie se retrouver, partager ses bons plans, s'entraider : un modèle où s'ancre une prise de conscience toujours plus importante de certaines aberrations de notre société de consommation et où s'initient des actions concrètes pour y remédier.
L'utilisation de la monnaie locale Eusko est par exemple promue pour initier au quotidien un mouvement de relocalisation de l'économie.
Le fonctionnement de la structure repose sur la participation de chaque membre : chacun doit assurer un service minimum de trois heures par mois, en tant qu'épicier, acheteur, livreur, dans l'équipe informatique, comptabilité ou communication, entretien ou aménagement, selon ses appétences ou ses compétences.
En contrepartie, il peut faire des suggestions, participer aux assemblées générales, exprimer son avis sur les produits en rayon ou ceux qui manquent dans une boîte à idées. Le client redevient acteur : il reprend la main sur la façon dont il achète et va vers la simplicité. Au passage, il a confiance : il sait que les produits ont été sélectionnés avec amour !
L'engagement des consom'acteurs repose aussi sur l'achat de parts sociales : chaque coopérateur s'acquitte au départ d'une adhésion de 30€ et de 70€ de part sociale (qu'il pourra récupérer s'il souhaite quitter le collectif). Un tarif de 3€+7€ est appliqué aux bénéficiaires des minimas sociaux. Quelle que soit sa mise, son avis aura le même poids en assemblée générale. Les groupes "métier" sont mis en place dans le cadre d'une gouvernance partagée. Par exemple, la gestion du système informatique, comprenant le logiciel de commandes et de gestion des stocks, est confiée à des coopérateurs experts.
Les membres actifs peuvent s'impliquer davantage et mettre à profit leur temps libre ou leur expertise dans un domaine particulier. C'est ainsi que Jokin gère les finances, Alain, très pédagogue, a pris en charge la formation des caissiers. Fabienne coordonne les achats et Greg la communication et la fabrication du journal interne. Clémence anime un groupe pour les heureux membres propriétaires de poules afin qu'elles recyclent les éventuelles pertes, en cohérence avec cette démarche « écolo et citoyenne ».
Mais est-ce bien éthique d'assurer ces missions bénévolement ? L'embauche d'un salarié fait partie du projet initial et devrait voir le jour en 2021, en attendant, si les "métiers" sont occupés par des bénévoles, l'épicerie donne du travail à des producteurs qui, rémunérés au juste prix, peuvent à leur tour se développer.
L'histoire démarre en 2018 avec un appel à projet lancé par la mairie d'Hendaye. Dans sa démarche de dynamisation du centre-ville, la municipalité s'était en effet portée acquéreur d'un local commercial vide avec la ferme intention d'y implanter un projet novateur. Un collectif de citoyens a attiré l'attention des décideurs avec un projet alternatif favorisant les synergies locales dans le domaine de la consommation. La réunion de présentation a attiré de nombreuses personnes en Juin 2018, lançant officiellement la démarche de création d'Hendaiakoop. Après quelques mois d'un travail collectif acharné, l'épicerie a ouvert ses portes en Avril 2019.
Aujourd'hui, avec près de 230 adhérents, l'épicerie a rencontré son public et accueille encore 2 à 3 nouveaux foyers d'adhérent chaque semaine.
L'idée du collectif est de couvrir le maximum des besoins alimentaires et d'entretien à l'épicerie, en proposant des produits responsables à des prix accessibles à toutes les familles. Se passer d'intermédiaires, appliquer des marges faibles (le strict nécessaire au développement de cette association loi 1901 sans but lucratif), proposer des produits en vrac pour éviter de payer (et jeter) un emballage, permettent de proposer des prix au plus juste. La qualité gustative ou le faible impact écologique de certains produits est dépendante de méthodes de production parfois moins efficaces ou rentables « Il faut raisonner en budget global » et comparer ce qui peut l'être, précise Vincent, co-secrétaire de l’association.
1500 produits sont référencés à Hendaiakoop auprès de 140 fournisseurs, avec une charte pour promouvoir les circuits courts. Les produits sont majoritairement locaux, le plus souvent sans intermédiaire pour rémunérer décemment les producteurs et essentiellement bio.
Hendaiakoop est bien plus qu'un magasin. C'est un lieu de sociabilité. Ici, le tutoiement est la règle, le sourire une évidence, et l'entraide n'est pas qu'un mot. “C'est le seul supermarché où, quand la caissière galère, un client sort de la queue pour venir l'aider.” Hendaiakoop est devenu un “vrai réseau d'amis”, dans une réelle mixité (sociale, mais aussi générationnelle).
Entre le fromage de brebis et les pommes, on peut croiser ici un conducteur de train, une cheffe d’entreprise, un projectionniste de cinéma, une mère au foyer, un retraité ou encore une étudiante. Une jolie communauté, avec quelques fortes valeurs en partage.
Alors, forcément, le modèle fait des émules. Hendaiakoop n’est pas pionnier : d'autres épiceries sont sorties de terre, à Bordeaux, Lille, Bayonne, Urrugne, Ciboure, Toulon, Montpellier, Nantes ... et des liens et des projets communs existent entre elles.
Horaires d'ouverture de l'épicerie Hendaiakoop :
- lundi et mardi 17h - 20h
- mercredi et jeudi 10h - 13h et 17h - 20h
- vendredi 17h - 20h
- samedi 10h - 13h et 17h – 20h
- Fermé le dimanche
S’y rendre ou contacter : 10 rue du Port à Hendaye (tél : 05.40.07.42.52)
Courriel : secretariat@hendaiakoop.org
Site internet : https://hendaiakoop.org/