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Tradition de la semaine
Gethsémani, jardin de la croix du vendredi pascal
Gethsémani, jardin de la croix du vendredi pascal

| François-Xavier Esponde 1676 mots

Gethsémani, jardin de la croix du vendredi pascal

Tombeau de la Sainte Vierge à l'église de Gethsémani.jpg
L'église de Gethsémani avec le Tombeau de la Sainte Vierge ©
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Attaque de l'église de Géthsemani ©
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En introduction au texte de l'Abbé Esponde sur Gethsémani, comment ne pas mentionner l'attaque perpétrée la semaine dernière lors du culte dominical par un juif extrémiste (et un complice ?) dans la cathédrale Sourp Astvatsatsin (Sainte Mère de Dieu) de Gethsémani, sous le contrôle conjoint des Églises orthodoxes arménienne et grecque, et où se trouve le tombeau de la Vierge Marie ! 
L'assaillant infligea des blessures physiques à Mgr Joachim, qui officiait, ainsi qu’à un des prêtres de l'église.

Condamnant cette attaque, le Patriarcat arménien de Jérusalem a rappelé que "ces agressions provoquées par des radicaux contre des églises, des cimetières, des religieux et des bâtiments appartenant à des chrétiens se produisent en Terre Sainte presque quotidiennement et que malgré les appels des Églises chrétiennes, cette situation n'avait pas provoqué de réponse adéquate au niveau local ni au niveau international".
Et de rappeler qu'il s'agissait déjà de la cinquième attaque commise par des extrémistes juifs contre les lieux de culte chrétiens à Jérusalem depuis le début de cette année.
En particulier lorsqu'en février dernier, trois juifs extrémistes avaient pris d'assaut l'église de la Condamnation, située à la deuxième station de la Via Dolorosa, en brisant une statue du Sauveur avant de tenter d'incendier l'église... 

Sans compter la tentative d'escalader les murs du monastère arménien de Jérusalem en griffonnant des insultes racistes en hébreu sur les murs du patriarcat arménien souhaitant la mort aux chrétiens, ainsi que la profanation d'une trentaine de pierres tombales dans un cimetière chrétien, etc.

1 – L’heure obscure de la passion

A l’heure des ténèbres le Christ prie. Dans l’Antiquité, les fidèles ont bâti à Gethsémani une chapelle sous le vocable du “pressoir à huile”. C’est là que selon l’Ecriture Jésus a été broyé par la souffrance Isaie 53,10.

Des oliviers millénaires entourent le lieu saint et seuls témoins du temps on s’interroge, auraient- ils connu le Christ ?

La main de l’homme a ajouté des oiseaux de bronze inoxydables qui baissent la tête comme si la création toute entière pleurait le triste événement passé, oiseaux de tristesse qui figurent la terre entière pleurant l’anéantissement du Fils de l’homme.

On ne peut que rappeler le tableau de Van Gogh avant son suicide qui dessina trois chemins vers un ciel sombre où volent des corbeaux.
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines” est repris par le Chant des partisans.Tous nos chemins de vie méneraient-ils vers la mort ?

Le lieu conservé dans son austérité a gardé le souvenir de l’agonie, du combat de Dieu contre la puissance du mal et de toute mort.
Le lieu garde un visage de tristesse inconsolable.

Pascal méditant ce Vendredi Saint avait écrit : “Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde, il ne faut pas dormir pendant ce temps là.”

Le récapitulatif de l’histoire sainte commence avec la Genèse du monde.
Où es-tu donc ? (Gen 3,9), demande le Seigneur à Adam ?
Il ne répond pas : il s’est enfui dans un pays lointain comme le fils prodigue de la parabole des évangiles.
C’est là que pour tout croyant le Seigneur continue à chercher le fils égaré au Jardin des Oliviers, dans le pays de l’ombre.
Là, le Souverain Créateur est descendu là-même où il n’était pas !
C’est là que le fils a laissé filer le sang, signe d’une extrême angoisse.
Le Prince de la vie s’est soumis à l’empire de la mort, dans un mystère indicible qui traverse le cours de l’histoire humaine depuis ce moment.

N’oubliant pas ces paroles de Jésus : “Père si tu le veux, éloigne de moi cette coupe, cependant que soit faite non pas ma volonté mais la tienne” (Luc 22,42)
Que fut donc la volonté du Père ? Est-il sanguinaire, comme nombre des divinités antiques, assoiffé de vengeance et de mort ?
Demande-t-il à son fils de souffrir pour apaiser sa colère ?

Disant que Dieu est Amour, cette logique négative correspond aux élans amoureux de toute vie, faits de souffrances, de rejets et d’attirance, de douleur intime.
Pour un croyant cette logique de l’amour est un acte d’obéissance au père, qui veut que son fils aille jusqu’au bout de l’amour.
Une forme de réparation de celle d’Adam du jardin des délices qui désobéissant a emprunté le chemin douloureux de vie de souffrance.

Maxime le Confesseur dit à ce propos, “le fils choisit volontairement le chemin de la passion et s’y soumet entièrement, jusqu’à la volonté de mort qui habite le coeur des hommes”. Mt souligne : “ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu” (17,12).

La perversion personnelle engendre une telle souffrance, le cœur humain souffre de sa douleur et demeure responsable de la mort du fils de l’homme. Pascal dira à ce propos : “Il a versé une goutte de sang pour moi, et s’identifiant à cette mort me permet et obtient pour lui cette propre rédemption”.

Les textes bibliques sont bouleversants.
Qui donc est ce roi de gloire ? (Ps 23,10). Il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme (Is 52,14).
Pilate le roi des juifs ajoute : voici l’homme (Jn 19,5) dans sa totalité du genre humain.
Le confesseur de Charles de Foucauld écrivit : “voici l’icône de la souffrance humaine, le visage défiguré de celui qui a tellement pris la dernière place, que personne ne pourra la lui ravir”, abbé Huvelin.
Ce visage défiguré de l’homme est celui défiguré de Dieu dans le cœur des humains.

En ce jardin des Oliviers qui rappelle celui de la Genèse initiale du monde, la compassion infinie de Dieu rejoint le sort des souffrants du monde présent.

C’est là l’œuvre infinie du Christ souverain de l’amour qui venant rejoindre le destin des humains du plus triste état, a voulu vaincre toute force du mal et de toute mort à chaque étape de l’histoire de l’humanité.

Agneau pascal pour les uns, qui se laisse livrer à l’abattoir, et Lion de Juda pour d’autres, qui debout et vainqueur dans la lumière pascale, brille dans les ténèbres, car les ténèbres ne l’ont pas arrêtée” ! Jean 1,5.

Le Jardin de Gethsémani est présent dans la symbolique vive du Vendredi Saint de toute semaine pascale.
Objet de questionnement pour chacun, croyants, mal croyants, incrédules et bien conscients de la gravité d’un tel évènement pour le monde!

2 – La vie plus forte que la mort

Parmi les derniers survivants des camps de la mort en Allemagne, Ginette Kolinka publie chez Grasset un livre sous le titre Une vie heureuse avec Marion Ruggieri, journaliste-écrivain. Un livre intense, court dans sa longueur mais dense dans son contenu.
Cette femme fille de la promesse a vécu toute sa vie à Paris, exception imposée de trois années de camp en Allemagne de 1942- 45.

Après la fuite, le temps de la déportation pour cette femme aujourd’hui âgée de 98 ans, au camp de Birkenau  au milieu de juifs et de communistes recherchés et transférés dans les camps de la mort.

Elle reviendra vivante en 1945 pour retrouver sa mère et ses soeurs, mais le père et le jeune frère ont péri dans les conditions sordides  de cette histoire.

 Une vie heureuse, le titre surprend, on imaginerait la témoin sous l’emprise terrifiante de la mort, hantée de démons inoubliables, et Ginette commente, “il est possible de retrouver la joie, après avoir connu et assisté au pire, oui, il est possible de sourire, Ginette vivra une vie courante selon ses propres sentiments, un mari extra, un fils adorable, un musicien artiste connu, la fille de son temps a vécu sobrement avec les possibilités de son temps, sans luxe, sans regrets.”

 Une vie heureuse qu’elle souhaite à tout le monde.
Après un premier livre paru sous le titre Revenir à Birkenau, le théâtre suivi du récit prend prétexte de la visite de l’appartement parisien qu’elle occupe aux côtés d’une écrivaine journaliste.

La visite des lieux, le commentaire des photos, d’objets personnels, de meubles lui font remonter des souvenirs d’une vie passée toujours habitée de l’intérieur, avant puis après Birkenau, pour une quasi centenaire, des quasi dernières survivantes encore de ce temps, dans un appartement d’artisan du cuir parisien où son père travaillait le caoutchouc et fabrique des imperméables.

La visite de la maison se fait in situ dans le livre, le portrait d’Albert son mari, posé sur le buffet, le canapé du salon où la jeune enfant se blottit au retour des camps, et ces souvenirs entretenus avec ses soeurs qui l’accueillirent à son retour lui chantant, ah - le petit vin blanc !
Au milieu de disques d’or remportés par le fils musicien de génie qui comme tous les enfants était persuadé que toutes les mères du monde étaient tatouées comme sa mère !

Retrouvant le métier de commerçante de rue Ginette a gardé pendant cinquante ans ce récit personnel de cette terrifiante nouvelle, mais un jour la Fondation Spielberg l’appelant au téléphone, le réalisateur d’un documentaire des années 90 voulut recueillir  les paroles de ces derniers rescapés pour l’histoire, pour la mémoire.

Je n’ai rien à dire, pense-t-elle et l’entretien dura cependant trois heures. Parmi les derniers de ce temps inqualifiable, le devoir de transmission est devenu pour elle un engagement, aller dans les écoles, rencontrer les scolaires, ça c’est trés agréable, dit-elle.

J’espère que plus tard les jeunes se souviendront, et qu’ils ne croiseront pas quelqu’un qui aura des mots plus convaincants et leur fera oublier les miens !

Derrière un visage sublime de mère souriante et aimante, les souvenirs de Birkenau hantent sa mémoire : on ne peut pas oublier, et il ne lui faut pas grand chose pour que sa tête la ramène là- bas !

Dans un univers de fakes, de mensonges ou de perversions de l’histoire, cette femme de près de cent ans, redéfinit la beauté spirituelle d’une vie et de témoins de qui Paul Eluard disait : “si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons” !
Lire ce livre est une renaissance de ceux qui sombrent dans la perplexité, le doute ou la confusion !
Partager ce livre est partager la foi de la vie toujours plus forte que toute mort imaginable.

Répondre à () :

Gary | 31/03/2023 18:29

Les corbeaux de Jérusalem, de Gethsémani, ne son t pas ,comme chez nous ,symboles de tristesse. Se souvenir du corbeau qui a nourri Elie pendant son exil dans les montagnes. Ils sont symboles d'échange, de partage, ils ne sont pas de couleur noire, mais de couleur grise.....

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