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Brocantes
Françoise Carayol : La beauté et le prix n’ont rien à voir !
Françoise Carayol : La beauté et le prix n’ont rien à voir !
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| atolstoi 958 mots

Françoise Carayol : La beauté et le prix n’ont rien à voir !

La fin de la saison estivale avec la traditionnelle vente du 15 août à l’Hôtel du Palais nous a donné l’occasion d’une rencontre avec Me Françoise Carayol qui s’estime satisfaite des résultats.  

La vente de l’Hôtel du Palais s’est bien passée, une bague est partie à 142 000 €.

 Parmi les lots proposés dans l’écrin raffiné du Palais, une broche papillon saphir, rubis et diamants, signée du célèbre orfèvre Fabergé, avait été estimée à seulement 900 €. Pourquoi l’avoir évaluée si peu ?

 Ce type de bijou ne correspond pas à la demande de la clientèle en particulier des russes actuels qui préfèrent les œufs, et les bijoux historiques provenant de la famille royale et de leurs proches. Son prix final est donc resté le même.

 L’occasion de revenir sur votre parcours… Qui n’a pas débuté à Biarritz ?

 Je suis Bayonnaise mais j’habite et je travaille aujourd’hui à Biarritz puisque j’ai repris la charge de mon père et je dispose également d’un bureau à Paris. J’ai fait mes études à l’Ecole des Arènes puis je suis partie à l’Argenté et ensuite à la villa Pia. Assez turbulente, mes parents m’ont mis au lycée de Biarritz. Rien ne m’y était interdit et je suis devenue beaucoup plus sage ! J’aimais braver l’interdit.

 Vous avez repris la charge de votre père ?

Enfant unique, je suis née au milieu des objets. Très jeune, mes parents m’ont proposé de les seconder pour me faire de l’argent de poche. Après avoir été au lycée, j’ai poursuivi ma formation par des études d’histoire de l’art et du Droit puis un stage en partie à Paris et à Lille. Puis je suis revenue dans la région pour reprendre la charge de mon père.

 Vos enfants reprendrons-t-ils votre métier ?

J’ai deux garçons, l’un est géomètre et l’autre est militaire. En revanche, ma fille qui étudie actuellement le Droit, souhaiterait en principe reprendre ma charge.

 Votre père qui avait lui-même une charge à Biarritz aurait pu vous raconter des anecdotes sur le début de siècle à Biarritz ? Durant son époque (1955 à 1970), avez-vous été marquée par une vente particulière ?

 Mon père possédait une charge physiquement à Bayonne mais l’Hôtel des ventes était situé à Biarritz depuis 1901. J’aurais dû fêter les cents ans ! Mes parents y ont toujours travaillé. Mon père est décédé dans les années 1980. La vente qui m’avait frappée à l’époque fut celle qu’il avait réalisé dans la cave du célèbre Café de Paris à Biarritz. Le chef étoilé Jean Laporte possédait une quantité faramineuse de grands crus de Bordeaux, de Bourgogne… Aujourd’hui, plus aucun chef ne disposerait de telles quantités de trésors dans sa cave.

 Concernant votre propre parcours de commissaire-priseur, avez-vous des anecdotes à raconter au sujet de votre métier ? Quelle vente vous a le plus marquée ?

C’était en 1999, lors d’une de mes premières ventes à l’hôtel du Palais, je me suis occupée de la succession d’un jeune landais décédé subitement dans une belle propriété à Saint-Geours de Maremne. Il avait laissé une collection extraordinaire de meubles classiques estampillés – une commode de l’ébéniste du roi Louis XVI Jean-Henri Riesener (1734 – 1806) reconnaissable par ses jeux de bois d’une grande qualité d’exécution. Une énorme statue néo-baroque de Raoul Larche (1860-1912), des tableaux…

 La loi de juillet 2000 qui autorisa les commissaires-priseurs à posséder des charges en France où à l’étranger et vice-versa vous a-t-elle beaucoup pénalisée ?

 Cette loi a scindé la profession en deux parties. Il y a ceux qui restent plus juridiques comme moi et d’autres plus commerciaux. La déontologie n’est plus la même. Depuis, je me suis habituée. Le monde a changé.

 Je suppose que vous regrettez l’avant-Internet, le temps où vous connaissiez tous vos clients localement lors des ventes. Quel regard portez-vous sur le développement d’internet ?

 L’avenir, c’est Internet ! Cependant, l’époque où il n’existait pas était bien plus amusante et conviviale ! Aujourd’hui on vend 30 % des lots sur Internet, 10% ou 20% au téléphone et le reste dans la salle. Et chaque année malheureusement, cette marge augmente ! Il y a moins de surprises avec les objets. Avant on pouvait acquérir un bel objet pour pas cher. Aujourd’hui c’est fini, l’objet étant en vitrine sur Internet, il y a toujours quelqu’un qui reconnaît son identité. Les surprises, c’est bien fini.

 A propos de surprises, en avez-vous connu avec des faux ?

Non, heureusement je n’ai pas connu ce genre de problèmes; nous prenons des experts pour cela. Cependant lors d’une vente par exemple sur 150 tableaux, vous pouvez en avoir 80 encadrés. Dans la précipitation, il est possible de confondre un dessin avec une gravure ou une lithographie. Remarquez que pour les objets importants, on ne se trompe pas.

 Aujourd’hui les prix des objets d’Art ne sont-t-il pas aléatoires ?

Complètement. C’est un jeu. Les belles marqueteries des meubles anciens qui ont demandé des heures de travail ne sont plus à la mode et les prix ont baissé.

 A l’époque, un bel objet, même s’il n’était pas à la mode, valait toujours cher. Ne sommes-nous pas en train de perdre toute échelle de valeurs ?

 La beauté et le prix n’ont rien à voir ! Les gens sont influencés par les magazines, il n’y a plus de goût personnel. Ils sont formatés. L’acheteur ne veut plus s’embêter à faire restaurer un meuble ancien – fragile - chez l’ébéniste qui demande souvent « trop cher ». Dans les maisons modernes aux baies vitrées, les placards encastrés ont remplacé les anciennes armoires.

Quelles seront vos prochaines ventes à Biarritz ?

Le 27 septembre prochain, je prévois une vente de livres anciens – pour les bibliophiles - puis le 23 octobre, je prépare une belle vente de meubles anciens.

Article publié par Anne de La Cerda dans la semaine du Pays Basque en fin août 2016.

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