Ce vendredi 25 septembre à partir de 10h, le musée de Guéthary rendra hommage à Paul-Jean Toulet qui vécut ses dernières années dans le petit port basque où il s’éteignit le 6 septembre 1920.
Né à Pau le 5 juin 1867, de père et mère béarnais, comme il aimait à le rappeler, il fut sans doute conçu à Maurice, « Douce plage où naquit mon âme », île où il séjournera trois ans, entre 1885 et 1888, après avoir été élevé dans la cité paloise et à Billère où, à la suite au décès de sa mère peu après sa naissance, Paul-Jean Toulet vécut quelque temps dans la villa "Mauricia" (actuellement renommée « Inisfaïl »). C’est là qu’il passa sa première enfance chez une tante : « Sur mes 6 ans, je demeurais dans une petite villa de Bilhère, et de là, chaque matin à la belle saison, je gagnais Pau et l’école des Dominicaines » écrira-t-il des années plus tard, dans son œuvre « Lettres à soi-même » (avril 1904).
« Des souvenirs me sont restés, d’une intensité presque douloureuse. Souvent, l’été, par la fenêtre d’en haut tournée au midi, de grand matin je regardais. D’abord, adossées à l’horizon, les lointaines Pyrénées, d’un bleu tendre – immédiatement contre, le Parc de Pau, cachant les plans intermédiaires de sa colline aux sombres feuillages – puis dans le bas, jusqu’à la prairie d’en face, du brouillard – et enfin, notre jardin, éveillé par le soleil levant, plein de bourdonnements et de parfums, avec ses poiriers symétriques, ses allées de gazon, et sous moi une tonnelle de glycine aux fortes odeurs. Du côté gauche, la caserne envoyait parfois un chant de clairon », poursuivait l’écrivain.
Sans être foncièrement cosmopolite, Toulet passera sa jeunesse en voyages : après l’océan Indien, il résidera un temps à Alger où il fera ses premières armes dans la presse, puis gagnera la capitale. Ses débuts littéraires le cantonnent au roman, entre « Monsieur du Paur » (1898) et « Mon amie Nane » (1905), et c’est pour subsister qu’il finit, comme un certain nombre de jeunes écrivains de la Belle Époque, par se faire le « nègre » d’Henry Gauthier Villars, le mari de Colette, connu dans les rédactions parisiennes et les salons sous le pseudonyme de « Willy ». Cette Belle Époque qui le faisait plaisanter sur la Révolution française ou la démocratie, et le vit contribuer à la revue mondaine « La Vie parisienne » et fréquenter les bars de la Paix ou de l’Élysée-Palace.
Une longue amitié liait Claude Debussy et Paul-Jean Toulet : le musicien et le poète s’étaient rencontrés dans un bistrot parisien en 1899. A cette époque Toulet vivait à Paris. Deux ans plus tard en 1901, Debussy enverra une lettre à Toulet qui marque le début d’une correspondance, faite de longues lettres, surtout de la part de Toulet, et de petits billets, qui se déploiera sur une vingtaine d’années. Presque tous les jeudis, Toulet se rendait chez Debussy et les invitations ou annulations à ces rendez-vous sont souvent l’objet de ces petits envois non dénués d’humour et la Bibliothèque de Pau conserve dans le fonds Toulet constitué en 1968 grâce au don de Madame de la Blanchetai, nièce de Toulet, des lettres, et surtout des pneumatiques et des cartes postales de Debussy.
L’attrait des voyages le conduisit dans les premières années du siècle en Extrême-Orient, en compagnie du romancier et critique gastronomique Curnonsky, colocataire et compagnon de noctambulisme de la période parisienne, "mais il n’en rapporta guère les méditations poétiques de Claudel ou de Segalen, avant et après lui", note le professeur de littérature française et comparée à la Sorbonne Antoine Piantoni, qui particime à la journée de Guéthary. Les soucis financiers et la volonté de s’ancrer de nouveau dans une terre qui demeure la sienne, celle de sa jeunesse, le poussent à quitter définitivement la capitale en 1912. Les huit dernières années de la vie de Toulet, le romancier dispersa au gré de revues littéraires les perles, ou les griffes, du collier qui deviendra les « Contrerimes », alors que le petit groupe des jeunes « Fantaisistes », Francis Carco en tête, apprécieront plus particulièrement le poète et s’ingénieront à mettre au jour le recueil par lequel Toulet semble être entré dans la postérité. Les « Contrerimes » prendront l’apparence d’un tombeau, finalement publiées quelques mois après la mort de leur auteur, emporté par une congestion cérébrale que l’opium et l’alcool n’auront pas manqué de favoriser.
Précisément, auteur d'une étude sur « Les Poètes fantaisistes, un renouveau de la poésie française au début du XXe siècle ? », Antoine Piantoni estime que « faune grammairien, Toulet eut la prétention et l’humilité de n’offrir à son lecteur « Qu’un peu de cendre » mêlée au miel de la poésie ».
Lauréat du prestigieux Prix des Trois Couronnes à la suite de Frédéric Beigbeder, le poète Daniel Ancelet répondait en vers à un journaliste qui lui demandait le nom du poète à qui il vouait la plus grande admiration :
« Quand j’avalerai mon ticket,
Pour rendre au ciel une âme pure,
Je me dirai dans un murmure
Quelques vers de Paul- Jean Toulet ».
Daniel Ancelet qui était l’auteur du « Tombeau de Jean-Paul Toulet » publié en 1989 avec les illustrations de Viva du Réau…
Par ailleurs, "La Lettre des Amis du Lac d'Hossegor" du 27 août annonçait que « centième anniversaire de sa mort oblige, il y aurait (jusqu'au 8 octobre) une exposition Paul-Jean Toulet à "L’Usine des tramways" de Pau dont le commissaire sera Jacques Le Gall, également auteur d'un nouveau livre sur le poète qu’il "associe à Jammes, en dépit des différences", ouvrage illustré de documents inédits conservés à Pau ».
Programme de la journée consacrée à Toulet au Musée de Guéthary
Paul-Jean Toulet - "Les prismes" de l'écriture - Affinités poétiques et musicales, vendredi 25 septembre au Musée de Guéthary
10h-11h15: Accueil par Jacques Dupin, directeur du Musée : "Affinités poétiques et musicales" (Présidente de séance : Hélène Laplace-Claverie)
- Antoine Piantoni (Université Paris IV, France) : Le miel et la cendre : Paul-Jean Toulet et Jean Moréas
- Danièl Aranjo (Université de Toulon, France) : Paul-Jean Toulet et Claude Debussy, correspondances
11h30-12h15 : Table ronde animée par Sandrine Bédouret-Larraburu : Toulet en amitiés
- 14h : Promenade à Guéthary
Contacts : sandrine.bedouret@univ-pau.fr isabelle.chol@univ-pau.fr