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Bien-être
Ce corps qui pré-occupe ! Pour l'été, des lectures sous parasol
Ce corps qui pré-occupe ! Pour l'été, des lectures sous parasol

| François-Xavier Esponde 1541 mots

Ce corps qui pré-occupe ! Pour l'été, des lectures sous parasol

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Lectures sous les parasols ©
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1 – Autour de son corps

L’été vient à point pour occuper le temps et les traditionnelles attributions accordées au corps humain pendant les vacances.
Marches, déplacements, mobilités, détente et relaxation, cure et dilettantisme, le corps personnel nous étreint, nous dispose et nous contraint.

Comme en toutes religions et familles spirituelles, le Christianisme évoque “une maîtrise nécessaire saine du corps par l’esprit.”
Par la tradition des uns et des autres parfois au fil du temps, une subordination mal comprise a voulu dévaloriser ce corps qui est nôtre au profit d’une exclusivité spirituelle, dégradant la dimension physique de notre personne dans une évocation désincarnée et impure.

En nos terres basques, le jansénisme d’hier et aujourd’hui compte ses adeptes, et en Provence, le catharisme a produit des hérésies violentes et de longue tradition.
En se référant à une religion incarnée telle le christianisme, “le verbe se fit chair”, l’idée d’une engeance sale ou impure a dénaturé cette origine rendant notre filiation même impudente et dégradée.
Une éducation puritaine transmise comme une vérité de loi morale au plus grand déni de la foi elle même, a dévalué toute forme de rapport sexuel dans un couple à la pire défaveur de la femme, compagne de vie, mère et épouse soumise par ce fait à une dévaluation personnelle.

Le philosophe Michel Foucault a souligné dans ses ouvrages l’importance attachée à la mortification de la chair en vue du salut telle qu’elle fut parfois rapportée par des Pères de l’Eglise, du IIème au IVème siècle, dans ce que l’on désignait par le terme de “pastorat”, à savoir le regard moral de la vie chrétienne soumis à une introspection des moeurs, déniant toute valeur positive à la relation individuelle, hormis la conformité à la norme et à la discipline du rapport au corps de chacun.

Dans “les Aveux de la chair”, le philosophe avait souligné que l’abstinence et toute méfiance accordée aux désirs corporels n’avaient rien de chrétien, mais s’inspiraient du paganisme et de penseurs de l’antiquité, férus de vertus morales et disciplinaires dans le commerce des relations physiques de chacun.

Mépriser le corps n’a rien de biblique, et produit un effet contraire en toute relation interpersonnelle.
Il brandit la police des mœurs, comme d’autres arborent la réglementation des bonnes conduites pour les autres en ce que cette règle peut incarner d’intrusion dans la liberté d’autrui et dans ses choix individuels.

La théologie chrétienne en cela de la veine biblique plus ancienne, signifie que le corps dit quelque chose de Dieu, il parle du Christ qui l’incarna pour nous, venu jusqu’à nous “en chair et en os”.
En cela le corps ne pourra être distinct de l’âme et de l’esprit, contrairement à ce que professait Platon à ses élèves comme le firent les gnostiques par les suites puis les manichéens de leur côté.

Diviser, séparer, opposer corps et esprit, et choisir délibérément selon la doctrine admise la prééminence de l’un sur l’autre, pouvant instruire une hostilité de nature et d’intention, n’est jamais admise dans la tradition chrétienne.
Paul l’apôtre des gentils, le répète comme un vrai praticien de la rencontre des cultures et des populations.

Le corps est le Temple du Saint Esprit”, 1 Co 6,19 comme une intention voulue du corps à unir la personne en une propension spirituelle et physique commune.Le corps serait le lieu commun de cette présence sacrée. Il n’y aurait de corps sans cet esprit, ni d’esprit sans ce corps inhérent, leur alliance nouerait le lien à Dieu qui 
est le nôtre.
L’été les grandes écoles spirituelles jésuite ou dominicaine, franciscaine et bénédictine organisent en leurs communautés retraites et temps d’intériorité pour partager cette inspiration biblique souveraine de l’esprit et du corps qui l’habite en leurs communes pérégrinations.

Objet grave aujourd’hui d’une méconnaissance de ce rapport mutuel sur des sujets pour qui la conciliation corps et esprit demeurerait dans les religions irréconciliable, car moralisatrice, sectaire ou marginale.

Paul cite l’image du Temple du Saint-Esprit in extenso comme tel, “ne savez vous pas que votre corps est le Temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous même” !

A Corinthe où le commerce du temple alliait le rapport spirituel corps et esprit à celui des échanges tarifés des plaisirs entremêlés de sacré et de prostitution, en ces espaces religieux contrastés, Paul redit sa conviction profonde.

Les corps des croyants sont autant dans sa pensée des membres du Corps du Christ.
Si les croyants sont ainsi spirituellement unis au Seigneur, ils ne doivent s’unir aux prostituées présentes dans les temples corinthiens où l’on trouvait le plaisir pour soi et non pour Dieu, selon le propos de Paul l’Apôtre. Leur promiscuité rendait la différence parfois complexe.

Dans un environnement aujourd’hui où le corps peut vouloir régner en souverain maitre de toute vie, sans limite, sans contrainte, sans retenue, le rapport corps/esprit du sujet prend son acuité vive si l’esprit peut transparaître de ce corps envahissant, totalitaire, souverain, exclusif et souvent absolu !

Des sociologues évoquent “le corps opaque” qui gouverne la psyché d’aujourd’hui. “Le moi et mon corps” m’appartenant, la jouissance pour soi ou l’idolâtrie d’un corps sans défaut, sans ride ou sans limite, deviennent les canons absolus d’une croyance en un état de vie immortelle, irréfutable ou impossible.

Mais il ne peut en être ainsi dans la pensée chrétienne !
Dans cette doctrine, il est essentiel de se laisser habiter par son corps, et par le verbe divin fait chair, pour accepter les aléas inattendus de toute dévolution physique sans renoncement à la condition évolutive de tout un chacun.
On mesure aujourd’hui le prix de ce dialogue nécessaire.

Aux uns la quête désirable de cette communion corps esprit mise en partage, à d’autres encore et cependant un rejet quasi viscéral de toute dégradation de ce corps physique adulé et élevé sur les autels de la beauté immatérielle Dionysos et sa pléiade de divas surfaites, viennent à peupler l’imaginaire des adeptes de ces nouvelles croyances .

Par contraste, les associations en faveur d’une euthanasie volontaire - toute image agonique devant être bannie de l’espace public - le renoncement à la maladie, et à toute infirmité possible, la mort cachée, le culte idolâtré d’une beauté perpétuelle inaccessible, font subir à des contemporains qui nous environnent ce souci opaque de la perfection d’un corps absolu que l’esprit imposerait, ou d’un esprit en attente que le corps ne suivrait plus !

La longévité d’une vie d’un corps sans limite, d’un esprit sans fragilité laissant imaginer dans le Meilleur des Mondes imaginaires, une humanité détachée de la condition mortelle, on peut voir poindre à l’horizon proche de telles images mythologiques de l’antiquité grecque en retour, toujours en réserve, toujours en grâce, la condition humaine sans cesse défiée de ces contraintes.

Ce corps qui nous occupe bien de ceux qui à l’horizon crépusculaire de leur vie, prennent le temps d’y penser, sans trop l’avouer, mais pour l’avoir fait sans le dire !

2 – Le cerveau de nos émotions.

Dans un livre publié aux USA sous le titre “How Emotions are made” , Comment les émotions sont fabriquées (Ed Pan Book), Lisa Feldman Barrett neuro scientifique instruit sur la capacité du cerveau à construire les émotions qui nous habitent.

Longtemps, on a pensé que le cerveau réagissait aux stimuli extérieurs, on observe aujourd’hui que son fonctionnement est prédictif.
Le cortex, la boite noire du cerveau enregistre les stimuli extérieurs par notre capacité à les conceptualiser mais au delà à prédire des phénomènes à venir.”
Notre corps n’échappe à cette loi, dénommée “l’intéroception“ ou la perception que nous pouvons avoir de notre propre corps.
La scientifique a constaté que “les réseaux neuronaux qui entretiennent ces relations forment un rapport avec ceux qui gèrent nos humeurs”. De fait nos humeurs seraient liées à ce que notre cerveau perçoit de l’état de notre corps.

Si les premiers embryons du système nerveux ne datent que de 500 millions d’années, alors que la vie est apparue il y a 3,8 d’années sous forme de bactéries, la coordination des organismes unicellulaires est devenue nécessaire entre eux pour assumer l’intéroception et la fonction cognitive de l’homme.”

Du système nerveux au cerveau, la fonction du service du corps assuré par les neurones s’est développée en capacité de penser le monde alentour dans ce que le Pr Claude Bernard qualifiait ce lien “d’homéostasie”, à savoir d’ensemble des processus vitaux qui permettent à un organisme d’oeuvrer à sa conservation.

Notre cerveau gère ce capital d’informations venues de l’extérieur, et permet d’en prédire les affects, les humeurs pour notre avantage en donnant du sens à cette réception d’émotions enregistrées et sélectionnées.

Le cortex, ce réceptacle inouï du cerveau gère en constante évolution les informations sensorielles captées par les neurones.
La faculté de les choisir avant qu’elles n’arrivent distingue la capacité singulière de l’homme sur le reste de son environnement naturel.
Subir ces affects ou les prémunir vous fait advenir à un monde tel qu’il est que de fait vous avez vous même construit et choisi !

Relier notre capacité d’intéroception et de pouvoir partager les émotions distingue le cortex humain de celui de bien d’autres espèces, et la connaissance infinie des interactions émotionnelles sur lui demeure l’objet illimité d’ un univers à comprendre chaque jour davantage encore !

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