(photo de couverture : Xarles Videgain entouré de sa famille et du maire de Bayonne ©Ville de Bayonne - S. Hiribarren)
La Journée internationale de la langue basque, mardi 3 décembre, a été marquée par la réception de l'universitaire et linguiste Xarles Videgain, également académicien émérite de langue basque, à l'Hôtel de Ville. À cette occasion, Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne, lui a remis la Médaille d'or de la Ville en saluant le parcours et l'œuvre de ce Bayonnais qui "en exaltant les singularités de la langue basque, a permis de nous rappeler sa dimension universelle".
Déjà en 2010, au Théâtre municipal, devant Me Jean-René Etchegaray – à l’époque, premier adjoint de Jean Grenet – ainsi que ses désormais confrères académiciens Andres Urrutia, Patxi Uribarren et Jean Haritschelhar, Xarles Videgain (élu à l’Académie basque quelques mois auparavant) avait évoqué Bayonne, la ville qui l'avait vu naître, et son apprentissage de l’euskara, lors de son discours de réception intitulé "Baionan" (à Bayonne).
L'adjoint à la Culture bayonnais Yves Ugalde, avec son talent habituel, a parfaitement rendu "l'ambiance" de cette cérémonie :
"Ce mardi soir, Bayonne recevait un de ses fils les plus turbulents sous les lustres du grand salon de la mairie, pour lui remettre, par les mains de son maire, la médaille d'or de la ville. Ce fils s'appelle Xarles Videgain. "Je suis un Bayonnais, né à Bayonne..." s'est-il plu à dire dans un discours de remerciement truffé d'humour, de citations et, par-dessus tout, démonstration virtuose d'équilibre entre euskera et français.
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Videgain, le militant engagé de la culture basque, Peter Pan cultivé la rue Vieille boucherie dont il a cité la longue liste des illustres natifs devenus acteurs importants du monde politique, culturel et sportif de la cité, était enfin chez lui sous les ors d'une république qui ne l'a pas toujours ménagé et à laquelle il n'a pas fait beaucoup de concessions non plus.
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Il a sillonné, magnétophone à l'épaule, les sept provinces d'Euskadi pour aller au tréfonds du sens des mots et des expressions basques. Il n'a fait parler dans son micro que des "locuteurs normaux", autrement dit, ni les instituteurs, ni les prêtres, dont les langages sont déjà beaucoup trop choisis à son goût. Lui, l'académicien, fuyait déjà l'académisme du langage. Un comble et une forme d'irrévérence à l'endroit de la coupole de Bilbo qui, aujourd'hui encore, passe difficilement.
Il est revenu de ses cueillettes avec dans son panier insondable trois mots différents pour "papillon", quatre pour "belette"...Richesse ineffable qui, sans lui, verserait dans les oubliettes dans deux générations à peine.
Surveillé ici comme de l'autre côté de la Bidassoa par les autorités françaises et espagnoles, le Bayonnais a dû pousser seul ou juste soutenu ici par Jean Haritschelhar, de lourdes portes de bibliothèques encore sous les jougs qu'on imagine. Il était loin alors, je vous prie de le croire, de pouvoir briguer une telle médaille de sa ville chérie.
Avironnard pur et dur, coureur de talent, il serait par nature plus adepte d'endurance que de la fulgurance des sprints. Sûr de ses convictions, il n'a jamais avancé masqué. Ce soir encore, il citait le pourtant très jacobin, mais conscience d'une gauche qu'il garde au coeur, Jean Jaurès : "le fleuve n'est jamais aussi fidèle à sa source qu'en s'approchant de la mer..." Xarles parle de l'Adour gascon, mais où, il en a la certitude, la Nive reste basque jusqu'à la Barre.
Sachant et respectueux de la gasconitude de Bayonne, il n'oubliera pas de glisser aussi quelques mots de gascon bayonnais dans sa conclusion.
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L'agitateur des années 80-90, devenu académicien à la simple force de son travail, acteur indissociable de la vie culturelle de Bayonne et du Pays Basque dans son entier, a pu contempler ce soir, de retour à la maison, sa médaille comme le symbole d'une victoire sur un sort que beaucoup ont tenté de lui faire une fois pour toutes et qui lui est progressivement devenu favorable.
Le travail, la clarté des idées et des objectifs au service infatigable de la langue basque, sans jamais en dédaigner une autre, fût-elle méprisante parfois, c'est de cela qu'est fait l'or massif de la médaille de ce "Bayonnais né à Bayonne"...