A - Senteurs du temps de Noël
Noël ne prive quiconque du goût, des vues et des sons d'une allégorie de la vie sociale à laquelle on ne saurait soustraire les senteurs. "Usain estiak", diront les Basques. Jadis, de ces savonnettes parfumées aux odeurs végétales, et ajoutées lors des rencontres désormais d'encens et de racines exotiques aromatisées.
L'encens est devenu un objet coutumier de ces instants de ressourcement amical au cours duquel l'odeur de tabac et de quelques autres assortiments laisse place à ces vapeurs purificatrices affichées dans le nez.
Plus qu'un parfum on le relie à une ambiance partagée que certains pratiquent pour une méditation personnelle ou une séquence spirituelle en silence ou en état de pause.
Entre ciel et terre, diront les accros du genre senti, en se rapportant à ces séjours au Club Med en pays d'Orient, où bien de ces odeurs envahissant l'ambiance et les lieux conviviaux, de restaurants, de halls d'attente, de boutiques ou marchés publics. Les brûleurs de noix ou de racines consument en rouge vif ces copeaux naturels et l'on se sent quelque temps dépaysé vers l'éther des anciens, danger sans doute du décalage potentiel du réel et des pieds posés sur terre !
Somme toute, l'encens et ses variétés de produits conduisent vers le spirituel et s'inspirent de traditions religieuses chez ceux qui ne les cultivent pour autant chez eux mais les découvrent à l'étranger, lors de quelque séjour touristique.
Selon les historiens, la Mésopotamie antique et ses riches temples sumériens et akkadiens furent le creuset de ces pratiques appelant à des élévations de prières vers le ciel ou d'autres états personnels que d'aucuns ajoutent à leurs conforts. Aujourd'hui, la généralisation de ces us venus d'ailleurs prend le pas quelque peu de la posture du dépouillement solitaire devenu communautaire et partagé par des adeptes de l'encens et de senteurs exotiques plus contraignantes.
"En Egypte, l'encens avait une fonction funéraire. Brûler de l'oliban et de la myrrhe purifiait l'espace et les personnes, apaisait les divinités, ou à terme accompagnait le dernier voyage sous une nuée vaporeuse de senteurs d'encens enveloppant les sépultures. Rien de nouveau sous le soleil majestueux de l'Orient toujours, des odeurs qui disposent à ce transport de l'esprit et de l'invisible."
Plus le voyageur s'engage d'Orient vers l'Extrême Orient, plus la pratique de ces encens pluriels relèvent ce fonds culturel et vivant. De l'hindouisme au bouddhisme, au shintoïsme, au taoïsme et au confucianisme, la doctrine de ces us et coutumes peut être taxée de superstition ou de croyance, mais qu'importe, on ne retirerait du marché ces senteurs que d'antan on livrait comme l'opium pour les usages personnels. Evitant de le faire chez nous et pour cause ! Mais en ces latitudes si peu lointaines, on le voit, les coutumes restent vives et immortelles.
La quête de l'harmonie de l'homme entre le monde et l'univers mène la danse. L'hommage à l'âme des ancêtres ajoute la dimension sacrale du souvenir du passé. On ne prive la mémoire de ces populations de leurs traditions. Mais en nos terres dites civilisées, l'apport de ces pratiques fait désordre ou se heurte à la loi ambiante et commune. L'interdiction domine. Dans nos pays, lors des funérailles disait-on parfois, les fêtes périphériques et des familles célébrant la vie après mort de leurs proches, on se livrait à des excès. Rien de nouveau.
Sous le régime du contentement des dieux, de la purification des espaces partagés avec les disparus, et l'attrait de la transcendance, on adopte les bois de santal, du camphre, des résines d'écorce, de l'encens, pour obtenir la bienveillance des esprits et éviter leurs colères.
Dans les trois religions monothéistes, juive, chrétienne et musulmane, la pratique des encens, "le ketoret" des temples juifs dispose de ses pendants chez les autres. A Jérusalem, au temple et au Tabernacle, la pratique de l'encens jour et nuit s'accompagnait de la lumière sans déclin de cire d'abeille allumée.
La purification des lieux, des visiteurs et de pèlerins en continu était habitée de ce symbolisme religieux d'encens que le lévite offrait lors des cultes à l'Eternel, Béni soit son Nom, L'encens disposait d'être à la fois objet de culte et de culture ajoutée et insécable l'un de l'autre. Comme une œuvre de spiritualité universelle. Il ne viendrait à personne aujourd'hui en Orient sans doute et chez nous de renoncer à ces rites sacrés en des temples religieux quand de plus en plus de particuliers les adoptent pour leur compte personnel. Pourquoi le font-ils , La réponse est la leur !
B - Le chemin des senteurs d'Orient
Leur voyage millénaire est connu par l'archéologie des odeurs de l'aloès considéré comme produit de luxe au Moyen Age. Découvert par les marchands auprès des populations autochtones leur consommation en occident latin fut précoce dans les usages religieux et les conventions aristocratiques.
Le principe du "brûle parfums" apprend aux historiens que les aloès ou encens des temples et des maisons était tout le premier un usage d'élites fortunés mais devint une coutume pour tous. De ciste, le musc, l'encens, la myrrhe, des espèces de bois odorants, ou d'ambre gris, des blattes de Byzance, connues dès le VIème jusqu'au VIIIème siècle, le bois d'agalloche, sont utilisés pour l'hygiène, les conforts personnels ou les médications. Ces brûle-parfums de bronze pour les plus aisés, de chlorite, de céramique selon les régions et les aromates utilisés, dévoilent aux archéologues les us adoptés par les populations.
Dès le XII et XIII ème siècle les spécialistes de l'époque connaissent les Traités en langue arabe des herboricultures de 110 auteurs recensés, dans ce monde de l'Orient jusqu'en Andalousie sous leur influence. On cite donc le "Traité sur les subsistances simples aromatiques", substances auxquelles appartient l'encens ajouté aux autres produits reconnus.
Les botanistes à Malaga, tel Ibn al Beytar, sont reconnus comme des connaisseurs du sujet et son Traité des simples sera traduit en français au XVIIIème siècle. On connaissait Galien de l'antiquité latine, mais on découvrira au Moyen Âge ces pratiques aromatiques développées depuis Oman, l'Ethiopie, les royaumes de Mésopotamie, Akkadie, Assyrie, loin sans doute mais présents par les négoces des aromates jusqu'en Italie.
Ces produits étaient utilisés en cuisine, en parfumerie, en pharmacopée, en religion et on le devine comme produits dérivés aux effets physiques immédiats. Plus le calife lors de ses rencontres protocolaires était riche ou devait le faire savoir, plus les aromates accompagnaient ses réceptions.
Le chemin des temples, celui des résidences des pontifes des lieux, ou des familles régnantes font montre du chemin emprunté par les aromates dont l'encens, l'aloès, la myrrhe en ces terres orientales dévouées à ces senteurs quasi religieuses le long de l'année. L'islam les emprunta aux cultures locales comme le christianisme adopta d'autres coutumes dans ses rites religieux.
A Noël, l'encens est entré dans le paysage de la joie familiale, chez nous comme en Chine, Inde, en Asie et au Moyen Orient. L'Enfant Dieu langé comme un enfant contemporain en certaines crèches dispose cependant de ces provenances étrangères parfumées et colorées. Ne renonçant jamais à Jésus venu de ces terres d'Orient avec ses traditions et ses coutumes. Elles deviendront les nôtres !